Cinq mille? Dix mille? Roland Smith n'a pas compté les films qu'il a vus, trop occupé à les aimer, les diffuser, les acheter et les vendre, sillonnant les quatre coins du monde, les six continents et les sept mers pour les voir, ô principe suprême, dans leur format original.

«Les films de ma vie», événement de cinéma qui occupera le Théâtre Outremont du 3 août au 3 septembre, est donc un titre approprié pour ce rendez-vous cinématographique au cours duquel 47 titres seront présentés dans 80 séances sur 27 jours (les lundis étant réservés à la programmation habituelle). C'est aussi, de façon plus prosaïque, le nom de la maison de distribution de l'intéressé.

Pour l'homme de 74 ans, dont 54 consacrés au cinéma, l'Outremont a une place à part dans sa vie. Il y a passé 17 ans bien comptés, à y présenter des films, à raison de 500 par année, dans les années 70 et 80.

«Les premières années, je n'étais pas propriétaire du théâtre. Mais c'était tellement populaire que je l'ai acheté parce que j'avais peur que le propriétaire décide de ne pas renouveler mon bail. Aujourd'hui, des gens me remercient dans la rue en me disant que j'en ai fait des cinéphiles.»

Alors, lorsque Raymond Cloutier, directeur général des lieux, lui a demandé de bâtir une programmation après l'annulation d'un autre projet prévu au mois d'août, M. Smith n'a pas hésité à retourner à ses anciennes amours.

De Citizen Kane, film d'ouverture parce qu'il a bouleversé sa vie, à Force majeure, film de clôture, M. Smith propose une programmation ultra riche avec des titres tels Jules et Jim, La nuit américaine, Vertigo, Le voleur de bicyclette, Orange mécanique ou encore Le dernier tango à Paris.

En version originale

Il n'y a pas de critères, de thématique ou de périodes privilégiés. «Mon seul critère est que ce sont des films dont la version originale a rarement été vue au Québec, soutient-il. Je n'aime pas les films doublés. Je préfère les versions originales avec sous-titres en français. L'éducation des cinéphiles, ça se fait à travers les versions originales.»

Il poursuit: «Il n'y a pas de vieux film. Un film peut être ancien, mais quand on l'aime, il devient culte. Parce qu'il est rare ou rarement montré. Et c'est cela qu'on retrouve dans cette programmation.»

«Les films de ma vie», au Théâtre Outremont, du 3 août au 3 septembre

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Six choix commentés

Le jardinier, de Sébastien Chabot

«Ce film que je distribue n'a pas été aimé par un certain critique de La Presse, lance Roland Smith en regardant le coupable du texte maudit droit dans les yeux! Il a gagné le Prix du public au festival de Québec. Je n'ai pas de jardin chez moi, mais après l'avoir visionné, ça m'a donné envie d'en avoir un. On y découvre un nouveau monde!»

À bout de souffle, de Jean-Luc Godard

«Je l'ai vu avant sa sortie à Montréal. Un ami avait emprunté une copie à New York et nous l'avons visionnée au cinéma ONF, alors situé rue Cathcart, quelques semaines avant sa diffusion à l'Élysée. Ce fut pour moi une grande découverte avec Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg à leurs débuts. Avec Les quatre cents coups de Truffaut, ce fut un film de la Nouvelle Vague très important dans ma vie.»

Harold et Maude, d'Hal Ashby

«On est un des rares cinémas à avoir montré ce film au Québec. Durant deux semaines, il avait été présenté au Westmount Square. Après l'avoir vu, je l'ai poussé et ce fut une des grandes réussites de ma carrière d'en avoir fait un succès avec les autres. Ce n'est pas la critique qui en a fait le succès, mais le bouche-à-oreille. En plus, il a récemment été joué deux fois en trois ans au théâtre à Montréal.»

La nuit des morts-vivants, de George Romero

«Un ami avait vu ce film au cinéma Côte-des-Neiges et on l'a programmé au cinéma Verdi, une salle que je possédais sur le boulevard Saint-Laurent. Durant plusieurs mois, je l'ai programmé les vendredis et samedis soir à minuit. Ce film de Romero [mort récemment] a été le premier à commencer des cycles de projections de minuit que d'autres cinémas ont repris par la suite.»

Un zoo la nuit, de Jean-Claude Lauzon

«Lauzon fut le premier enfant terrible du cinéma québécois. J'ai vu son film à Cannes, où il était présenté en primeur. Récemment, j'ai acheté les droits de distribution de ce film pour les bibliothèques du Canada et, malheureusement, j'en ai vendu seulement quelques copies. Les acheteurs ne le connaissent pas, alors je vais les inviter à la projection!»

Les bons débarras, de Francis Mankiewicz

«J'ai revu le film dans un festival de films restaurés à Lyon il y a trois ans et c'était du travail bien fait. Le cinéaste était un ami, un voisin de l'Outremont, et c'est un honneur de présenter son film. Le jeu des comédiens, Marie Tifo, Charlotte Laurier, Gilbert Sicotte, Germain Houde, est extraordinaire. Pour moi, c'est un des grands films québécois de tous les temps, avec C.R.A.Z.Y. de Jean-Marc Vallée que je n'ai pas retenu parce que vu trop souvent.»