Quand il apprend d'où vient le journaliste qui s'apprête à l'interviewer, Mark Rylance s'empresse de dire à quel point Robert Lepage est l'un de ses «artistes de théâtre» favoris. «J'ai eu la chance de voir 887 une première fois à Édimbourg, puis de le revoir ailleurs, à Londres, je crois, dit-il d'emblée. Cette pièce m'en a beaucoup appris sur l'histoire du Québec. Et puis, ce poème, Speak White, quel choc!»

Le compliment n'est pas banal, car il provient d'un acteur qui, en Grande-Bretagne, est considéré comme l'un des meilleurs de sa génération. Déjà lauréat des plus prestigieux prix qu'attribue le monde du théâtre, tant à Londres qu'à New York, Mark Rylance a obtenu l'Oscar du meilleur acteur de soutien en 2016 grâce à sa performance dans Bridge of Spies de Steven Spielberg. Dans Dunkirk, il prête ses traits au capitaine d'un yacht réquisitionné par les autorités britanniques.

Votre carrière s'est beaucoup déroulée au théâtre, mais les cinéastes ont fait appel à vous assez rapidement. Les cinéphiles vous ont découvert il y a près de 20 ans grâce, notamment, au film de Patrice Chéreau, Intimacy.

Ce fut une expérience très intense à cause du sujet, mais aussi à cause de l'approche de Patrice. On est allés loin dans la solitude et le désespoir des personnages. J'avais aussi décroché des rôles intéressants dans quelques films auparavant, je pense à Angels and Insects [Philip Haas] ou Institute Benjamenta [Stephen et Timothy Quay], mais j'ai dû m'éloigner du cinéma à l'époque, car on m'a offert la direction du Shakespeare's Globe Theatre. Je m'y suis consacré entièrement pendant quelques années. Intimacy a marqué mon retour au cinéma, en quelque sorte.

Quand on prête son talent à une production aussi imposante que Dunkirk, peut-on avoir une idée de l'ampleur de l'entreprise au moment de la lecture du scénario?

C'est difficile à imaginer, mais on peut cependant se rendre compte tout de suite à quel point l'histoire est bien racontée. C'est une très belle idée d'utiliser des espaces temporels différents pour amener le récit sur trois niveaux, l'air, la terre, la mer. J'aimais aussi cette idée que l'ennemi ne soit jamais vu ni nommé. Cela donne à l'histoire une portée plus universelle. Quand le script est écrit par le cinéaste lui-même, l'approche est plus profonde, plus personnelle, me semble-t-il. Un scénariste qui écrit une histoire qu'un autre portera à l'écran est un peu comme un sous-chef en cuisine. Le maître-chef est le réalisateur et il est plutôt rare de trouver les deux en une seule personne. Quand tu as la chance de travailler avec ces gens hyper talentueux, tu sens un lien plus vibrant, plus spécial. Chris a le grand mérite de laisser l'espace qu'il te faut pour jouer. Il reste ouvert aux idées. 

Christopher Nolan a voulu faire vivre une expérience immersive au spectateur. Avez-vous eu aussi ce sentiment en tournant vos scènes?

Ce fut davantage le cas pour les acteurs qui ont tourné la partie se déroulant sur la plage, je crois. Nous, nous étions dans notre petit bateau. On a vu des choses incroyables, cela dit. Ce gros navire avec tous ces soldats qui passait devant nous, par exemple, ou Cillian Murphy sur son bateau en train de couler. Il y avait aussi l'océan en feu, les avions qui survolaient au-dessus de nous. J'étais très excité à l'idée de conduire le yacht, mais on ne m'a pas laissé faire. On estimait qu'avec tous les mouvements autour, les gros navires, les explosions et tout ça, c'était trop dangereux. Ça m'a déçu un peu. Au moment de filmer les scènes, on m'a donné une fausse barre de direction afin qu'un expert puisse prendre les choses en main. Mais moi, j'aime faire les choses pour vrai! 

Vous avez obtenu un Oscar l'an dernier. Est-ce qu'une telle récompense a un impact à cette étape d'une carrière déjà bien remplie et honorée?

L'Oscar n'a pas vraiment eu d'incidence sur les rôles qu'on m'offre. Cela dit, il est certain qu'une récompense comme celle-là, ça change le regard que les gens portent sur vous. Même dans l'esprit de ceux qui ne vous connaissent pas, un Oscar est comme un gage de talent. J'essaie d'exercer mon métier du mieux que je peux, sans tenir compte de l'avis des autres. Du moins, j'essaie!

Harry Styles: premier essai

Au moment où il l'a embauché pour tenir le rôle d'un des jeunes soldats bloqués sur la plage de Dunkerque, Christopher Nolan était peu au fait de la notoriété de Harry Styles. Le leader du groupe pop One Direction, qui a maintenant entrepris une carrière solo, fait ses débuts de comédien au cinéma avec humilité. Il s'est glissé dans une distribution d'ensemble, bien au fait de la responsabilité qui lui incombait.

«Ce que j'aime des films de Chris Nolan, c'est qu'on en découvre toujours davantage au fil des visionnements, a déclaré la vedette. Quand j'ai lu et relu le scénario de Dunkirk, c'était pareil. Au moment du tournage, Chris fait tout ce qu'il peut pour nous placer dans la situation. De cette façon, on n'a pas vraiment à jouer, car on se laisse simplement porter par ce qu'il a créé, sans trop intellectualiser. Je craignais d'être un peu intimidé par l'ampleur de la production au départ, mais Chris a parfaitement su comment nous mettre à l'aise. Physiquement, c'était parfois un peu difficile, mais il suffisait de penser à tout ce que ces jeunes hommes ont vécu il y a près de 80 ans pour couper court au moindre état d'âme. Il n'y avait vraiment pas de place pour ça!»

Photo fournie par Warner Bros.

Le chanteur Harry Styles fait ses débuts au cinéma dans Dunkirk.