Quinze ans après les événements survenus dans Rise of the Planet of the Apes et deux ans après que, dans Dawn of the Planet of the Apes, Caesar (Andy Serkis), le leader simien, eut tué le traître Koba, la civilisation humaine continue de décliner alors que celle des singes, elle, évolue. C'est maintenant la guerre entre les deux espèces. En particulier entre le clan de Caesar et les militaires menés par l'impitoyable Colonel (Woody Harrelson).

Après avoir fait merveille avec Dawn, formidable suite du correct, mais sans plus, Rise, Matt Reeves (Let Me In, Cloverfield) reprend les rênes de la franchise (reboot des films réalisés entre 1968 et 1973, basés sur le roman de Pierre Boule) en scénarisant avec Mark Bomback et en réalisant War for the Planet of the Apes.

La Presse s'est entretenue au téléphone avec ce verbomoteur dont l'enthousiasme est contagieux.

Ce troisième volet est censé être le dernier chapitre de la trilogie. Rassurez-moi, ce n'est pas la fin de la franchise?

Oh non! Vraiment pas! On y achève simplement le cycle de Caesar. C'est donc la fin de l'histoire qui explique comment il est devenu la figure fondatrice de la société simienne telle qu'on l'a vue dans le film de 1968, comment il est devenu un genre de Moïse pour les singes. Il y a donc d'autres histoires à raconter.

Celle de Nova, par exemple! La fillette que Maurice l'orang-outang adopte dans War...

Exactement. La vie de cette enfant est un peu l'inverse de celle de Caesar. Il a grandi parmi les humains, et il croyait être un humain. Jusqu'au jour où ils lui ont fait comprendre qu'il n'en était rien, qu'il n'était pas un des leurs. Nova, elle, va grandir parmi les singes et se sentir membre de la communauté... jusqu'au jour où elle en sera exclue.

Cela sera donc raconté dans le ou les prochain(s) film(s), donc. Vous auriez envie de revenir à cette franchise?

Oh oui! Parce que Planet of the Apes, sous des dehors de science-fiction, traite d'abord de la nature humaine et c'est un terreau très riche. En plus, ces films sortent l'été, alors que les longs métrages qui prennent l'affiche misent presque tout sur le spectaculaire, l'action à grande échelle - ce que l'on a aussi - et les superpouvoirs du héros. Dans Rise, Dawn et War, le «spectaculaire» vient du fait que vous vous identifiez émotivement à des singes... qui sont en fait des créatures photo-réalistes. Vous vous reconnaissez malgré tout en eux et cela ouvre le chemin pour une expérience plus profonde, plus viscérale, que celle que l'on peut vivre devant un autre blockbuster estival.

Est-ce pour alléger le ton que vous avez créé le personnage de Bad Ape (Steve Zahn), qui sert de comic relief dans un récit très sombre?

Bad Ape est un peu là pour la note d'humour, mais il y a une autre raison à son apparition. Nous voulions montrer qu'il existe, ailleurs sur la planète, d'autres singes qui parlent, qui ont évolué, mais qui ne sont pas membres du clan de Caesar. Ils ne bénéficient donc pas de ses valeurs, de sa sagesse. À partir de là, on peut imaginer des conflits entre ces différentes communautés... ce qui nous amène à la société que l'on a découverte dans le film de 1968. Nous avons construit War pour pousser le récit dans la direction de l'histoire originale. Mais il y a encore plusieurs chapitres à écrire pour parvenir là.

Et c'est tant mieux! Dites-moi, vous avez mentionné qu'il y avait du spectaculaire et de l'émotion dans ce film. Comment avez-vous travaillé pour arriver à un équilibre entre les deux?

Mark et moi voulions écrire un film de guerre. Mais quand vous vous donnez une telle mission, avant de commencer à travailler, la chose à trouver est... la guerre de qui contre qui? Et pour quelle raison? Ici, avons-nous compris, le combat le plus important allait se livrer dans l'âme de Caesar. Il a déjà failli à ses principes en tuant Koba, un autre singe, dans Dawn. Nous le poussons plus loin encore ici. Il est déchiré, écartelé. Il a été blessé si profondément par le Colonel qu'il est en train de se perdre lui-même. Il va devoir lutter pour retrouver son âme, pour se retrouver lui-même, pour tourner le dos à cette soif de vengeance qui l'habite. Le drame intime de Caesar, ses émotions: la véritable guerre de War est là, et c'est ce qui nous a guidés pour écrire le scénario.

Vous vous êtes aussi inspirés de drames de guerre aujourd'hui considérés comme des classiques...

En effet. The Great EscapePaths of GloryThe Bridge on the River Kwai. D'ailleurs, il y a un parallèle à tracer entre la relation qu'ont Caesar et le Colonel et celle qui existe, dans ce dernier film, entre l'officier britannique qu'incarne Alec Guinness et l'officier japonais responsable du camp de prisonniers joué par Sessue Hayakawa. Une autre influence dans la trame narrative de War est The Outlaw Josey Wales, un «western de guerre». Caesar mène une quête semblable à celle de Wales.

Et Andy Serkis devient un peu votre Clint Eastwood?

[Rires] C'est ça!

Parlez-moi donc d'Andy, justement, et des autres membres de la distribution.

Andy est un des meilleurs acteurs du monde. Qu'il parvienne à vous faire ressentir tout ce que vous ressentez devant Caesar, à travers une performance en capture de mouvement, tient du génie. Devant la caméra, tous livrent des performances fortes, sincères. De «vraies» performances, très réalistes, profondes. Notre travail, après, avec les gens de Weta Digital, est de nous assurer que les émotions qu'ils véhiculent se reflètent une fois qu'ils «deviennent» singes.

Je suis maintenant obligée de vous poser une question à propos de The Batman...

Non, vous n'êtes pas obligée! [Rires] Bon, d'accord, allez-y.

Nous allons quand même rester un peu «sur» la planète des singes. Il semble que vous voyiez un parallèle entre Batman et Caesar, et que cela se reflétera dans le ton de ce film [un nouveau volet de la franchise Warner ancrée dans les DC Comics, où Ben Affleck reprend son rôle du Dark Knight]. C'est vrai?

Oui. D'une certaine manière, Batman me rappelle Caesar. Ce sont des personnages au passé douloureux, deux personnages perturbés en conflit avec leur nature, deux personnages qui tentent de faire le bien dans un monde imparfait et corrompu. Ce qui m'a intéressé dans The Batman, c'est le potentiel qu'il y a là de créer une histoire émotive autour d'un personnage mythique. À mon sens, les deux franchises sont une métaphore de la condition humaine... et une occasion d'avoir du bon temps au cinéma.

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War for the Planet of the Apes est à l'affiche.

Photo fournie par Fox

Les acteurs donnent vie aux singes grâce à la capture de mouvement. Sur la photo, on aperçoit Karin Konoval, Terry Notary, Andy Serkis et Michael Adamthwaite.