Créée en 2006 par John Lasseter, maintenant directeur artistique des studios d'animation Pixar et Walt Disney, la franchise Cars est l'une des plus lucratives de Disney, malgré l'échec critique qu'a connu son deuxième volet. Le troisième a été confié à Brian Fee, qui avait travaillé comme artiste de storyboard sur les deux premiers longs métrages.

Cars 3 est sa première expérience en tant que réalisateur.

Quand La Presse l'a rencontré, la semaine dernière, il admettait avoir senti une pression énorme face au mandat qui lui était confié. «Mais je me suis entouré des meilleures personnes et j'ai appris, vite. L'expérience est devenue très excitante à partir du moment où je me suis dit que si John [Lasseter] m'avait choisi, c'est qu'il pensait que j'étais capable de mener la mission à bien.»

Délaissant la piste de l'espionnage explorée (de façon bancale) dans Cars 2, il est revenu au concept original - ancré dans l'émotion et dans l'action. Pour cela, en cours de route, des défis, des obstacles, des virages qu'il a eu à négocier pour ses personnages.

Changement de sexe

Après avoir subi un grave accident, Lightning McQueen va se refaire une santé et, peut-être, une carrière dans un centre d'entraînement à la fine pointe de la technologie où il est mis en présence de l'entraîneur chevronné Cruz Ramirez. Qui, dans la tête des créateurs, était au départ une voiture «gars». Au cours du processus, il a plutôt été décidé que le bolide serait une voiture «fille».

«J'ai deux filles et, un jour, l'une d'entre elles m'a dit que jouer de la guitare, c'était pour les garçons. Je n'ai pas aimé qu'elle pense que certaines choses ne sont pas pour elle à cause de son sexe.»

C'est l'une des raisons pour lesquelles Cruz est devenu une fille. «Nous étions à ce point de l'histoire où nous "sentions" bien le personnage masculin... et le transformer ainsi a demandé beaucoup, autant sur le plan du récit que sur le plan du design de la voiture - parce que, même si je déteste dire ça, oui, il y a des voitures plus féminines que d'autres. Au départ, nous avions gardé le même modèle d'auto, mais quand nous y avons ajouté une voix de femme, ça ne passait pas.»

Pour transformer Cruz, l'équipe du film a étudié «des athlètes, pas des mannequins [rires]». Et retravaillé le récit. «C'est une voix importante dans l'histoire et, de fait, cette modification a donné plus de densité au scénario. Jusque-là, il n'était pas aussi profond qu'il pouvait l'être; et il mettait en présence beaucoup de voix masculines.»

L'impact du look

Dans l'absolu, la qualité de l'animation de Cars 3 est renversante. En plus, quiconque connaît et aime la course automobile, le NASCAR en particulier, sera soufflé par certaines scènes - celle, entre autres, de l'accident de Lightning McQueen.

Pendant les courses, c'est simple, on a l'impression d'être dans la voiture ou sur la piste. «J'ai trouvé l'inspiration dans des films "évidents", comme les Fast and Furious, Grand Prix ou encore Le Mans - pour les angles de caméra. Mais aussi dans ces films qui ont fait mon bonheur quand j'étais enfant - tels les Star Wars, les Indiana Jones, Blade Runner - que j'ai revus afin d'éveiller le p'tit gars de 10 ans en moi et de retrouver ce sentiment d'émerveillement qui nous habitait avant que le cynisme adulte ne nous tombe dessus.»

Pour ce qui est du photoréalisme des images, l'équipe a utilisé des technologies qui n'existaient pas il y a 10 ans, quand Lightning McQueen a fait son premier tour de piste. «Les films d'animation n'ont pas tous besoin d'autant de réalisme, ça peut même parfois nuire, estime Brian Fee. Mais pour Cars, il est important que l'on ait l'impression de sentir l'air frais des montagnes, la poussière de la piste, etc.» Et qu'à travers cela, des automobiles à la fois réalistes et «anthropomorphisées» n'aient pas l'air «de personnages animés collés sur un film en prises de vue réelles».

La magie opère à ce point qu'on oublie pour ainsi dire que Lightning, Cruz et les autres sont des autos...

Passer le flambeau

«Cars 3 est aussi une histoire qui parle du vieillissement. Lightning McQueen est un athlète, et un athlète, après 10 ans de compétition, peut être en fin de carrière.» Le flamboyant numéro 95 se fait donc pousser dans le dos par une bande de jeunots menés par le très talentueux, mais aussi très arrogant Jackson Storm. «Tout l'humour sur ce thème vient de Bob Peterson», un vétéran (!) de Pixar qui a 56 ans et a travaillé sur A Bug's Life, Finding Nemo, Up, etc. «Il y a pas mal de scénaristes plus jeunes chez nous et... il a mis là beaucoup de sa propre expérience.»

C'était aussi l'occasion d'explorer le parcours psychologique d'un athlète et le nouveau visage de la course. «Aujourd'hui, des jeunes de 15 ans qui n'ont pas leur permis de conduire ont des simulateurs très sophistiqués dans leur chambre et sont de formidables pilotes virtuels, observe le réalisateur. Pour ce qui est des pilotes de NASCAR, ils passent plus de temps sur les simulateurs qu'en piste. C'est la roue qui tourne. J'apprenais à mon père comment programmer le magnétoscope. Maintenant, mes filles m'expliquent les possibilités de mon téléphone.»

Résurrection vocale

Pour retrouver son «centre émotif», pour reprendre pied (ou pneu) dans sa vie, Lightning McQueen se tournera vers son mentor, Doc Hudson. Mort de vieillesse, apprenait-on au début de Cars 2. C'est donc par l'intermédiaire de retours en arrière qu'il apparaît ici à son protégé. Dans le premier volet, le sage parlait avec la voix de Paul Newman, mort en 2008. Ce dernier se fait toutefois entendre dans le nouveau film grâce à une astuce trouvée par l'équipe. 

«Quand il enregistrait son texte de Cars, John Lasseter laissait le micro ouvert. La Newman's Own Foundation nous a donné accès à ces enregistrements où on l'entend dire ses répliques, mais aussi parler de course automobile et de toutes sortes de choses. Nous avons ainsi pu lui donner des répliques qui n'étaient même pas dans le premier film.»

L'hommage est beau, bien rendu, touchant. Il sert de façon émouvante le propos du long métrage.

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Les frais de voyage ont été payés par Walt Disney Studios.