Troisième long métrage de Martin Zandvliet, Land of Mine (Les oubliés) est le premier film du cinéaste danois à bénéficier d'une distribution sur la scène internationale. Finaliste aux Oscars dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère, ce drame, campé à la fin de la Seconde Guerre mondiale, fait écho à un chapitre méconnu - et plus sombre - de l'histoire du Danemark.

En 1945, après la capitulation du Troisième Reich, le gouvernement danois a retenu de jeunes prisonniers allemands afin qu'ils s'acquittent d'une mission périlleuse : désamorcer les quelque 2 millions de mines installées sur la côte ouest du pays, là où, pensait Hitler, les Alliés débarqueraient. Peu expérimentés, ces très jeunes hommes ont dû s'exécuter dans des conditions horribles pendant six mois. Plusieurs d'entre eux y ont laissé leur vie. Martin Zandvliet a nourri son scénario en effectuant beaucoup de recherches à propos d'un épisode très peu relaté dans les livres d'histoire. Entrevue.

Land of Mine a été lancé au Festival de Toronto en 2015 et a connu depuis une belle carrière au Danemark. Quelle a été la réaction de vos compatriotes?

Je vous dirais que cette histoire, très peu connue des Danois, a choqué bien des gens. Elle les a intéressés aussi. Plusieurs historiens sont sortis de leur réserve et ont commencé à débattre entre eux. Pour un cinéaste, il est très stimulant de constater qu'un de ses films peut susciter une discussion de cette nature.

Si cette histoire, qui date de plus de 70 ans, est encore peu connue aujourd'hui, comment en êtes-vous arrivé à la déterrer? Un élément particulier vous a mis la puce à l'oreille?

J'ai toujours été intéressé par l'histoire européenne et je cherchais un sujet inédit. Je suis tombé sur cette histoire au fil de recherches que j'ai commencé à faire par simple curiosité. Plus je la creusais, plus j'avais l'impression de pouvoir en tirer un sujet de film. Je trouvais aussi intéressant d'aborder un chapitre plus sombre de l'histoire danoise. Mon pays se retrouve en effet souvent au sommet des listes des endroits où les gens sont les plus heureux. On a souvent tendance à présenter le Danemark comme un pays bon et aidant. J'ai consulté beaucoup de militaires, d'historiens, rencontré beaucoup d'experts. Quand tu racontes une histoire qui s'est réellement déroulée, tu dois t'assurer de la véracité des faits.

Il est difficile de ne pas tracer de parallèles entre votre film et ce qui se passe actuellement en Europe. Était-ce une volonté affirmée de votre part?

L'une des raisons pour lesquelles j'ai voulu faire ce film découle de ce qui se passe présentement en Europe. Nous devons nous rappeler ce qui s'est passé chez nous et sur tout le continent il y a 75 ans, ne pas oublier notre histoire. Ça me choque de constater que mon film gagne en pertinence chaque semaine, chaque mois. Au départ, plusieurs pays d'Europe sont devenus plus intolérants envers les immigrants. Le Danemark a ensuite voulu fermer ses frontières. Aujourd'hui, on refuse des réfugiés parce qu'ils sont apparemment tous des terroristes. Juste le fait de juger quelqu'un en fonction de sa race ou de sa religion a quelque chose de terrifiant. Ça me trouble de constater à quel point mon film évoque ça. Bien sûr, je souhaitais que mon film soit pertinent et je voulais qu'il agisse comme un miroir, mais je ne m'attendais pas à ce qu'il soit autant en phase avec la réalité actuelle. Bien franchement, je préférerais qu'il le soit moins. 

Les histoires liées à la Seconde Guerre mondiale inspirent encore beaucoup les cinéastes, même plus de 70 ans plus tard. Comment expliquez-vous ce phénomène?

Parce que l'histoire se répète. Et qu'on refait toujours les mêmes erreurs. On cherche à trouver des réponses dans le passé pour tenter de comprendre ce qui se passe maintenant. Cela nous permet de prendre un certain recul. Il est plus difficile d'évoquer des événements qui nous sont trop proches.

Le cinéaste iranien Asghar Farhadi, dont le film The Salesman est aussi en lice aux Oscars dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère, boycottera la cérémonie en guise de protestation envers le décret interdisant l'entrée aux États-Unis de ressortissants de sept pays, dont l'Iran, qu'a voulu imposer Donald Trump. Comment voyez-vous sa position?

Je respecte totalement sa décision et je la comprends. J'aurais quand même aimé qu'Asghar vienne et qu'il profite de l'occasion pour prendre la parole et la faire entendre au monde. Nous avons besoin de voix fortes pour exprimer la réalité du monde dans lequel on vit.

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Land of Mine (Les oubliés en version française) prendra l'affiche le 24 février.

Photo fournie par Métropole Films