Assassin's Creed n'est pas n'importe quel jeu vidéo. Conçu chez Ubisoft sur le boulevard Saint-Laurent, cet univers made in Montréal se déploie cette semaine au-delà de son imposante communauté de fans - ils sont plus de 10 millions dans le monde - en faisant son entrée au cinéma. Entrevue avec les gardiens de la marque.

Quand il est arrivé chez Ubisoft en 2006, Tchae Measroch travaillait depuis déjà 10 ans comme bruiteur au cinéma. À l'époque, avoue-t-il maintenant, il regardait l'industrie du jeu vidéo de haut.

«Ça faisait déjà quelques années qu'on m'offrait de travailler à temps plein pour l'entreprise et je la snobais un peu. Assassin's Creed est ce qui m'a convaincu de m'y joindre, notamment pour la richesse du scénario et la quantité d'art qu'on pouvait y mettre. Pour moi, c'était un tournant», se rappelle-t-il, fier d'être celui qui a conçu, avec un simple couteau à beurre et une manivelle en fonte, le bruit emblématique de la lame cachée.

Depuis, forte d'un retentissant succès international, la marque Assassin's Creed a également pris son envol hors de l'univers des gamers. Après avoir été exportée dans des livres et dans certains magazines (Historia, en France, consacre des numéros hors série aux périodes historiques dans lesquelles les jeux se déploient), voilà que la guerre entre les Templiers et les assassins se transporte au grand écran.

«On a une histoire avec beaucoup de potentiel et une belle cinématographie. Voir aujourd'hui le jeu en film, c'est la suite logique», considère Tchae Measroch, que nous avons rencontré dans son petit studio de bruitage au coeur d'Ubisoft Montréal, dans le Mile End.

Un géant du divertissement

Si le film Assassin's Creed, coproduit par Ubisoft Motion Pictures, New Regency et Michael Fassbender, l'acteur principal, connaît du succès en salle, il pourrait servir de rampe de lancement pour de nombreux jeux d'Ubisoft dont les univers migreraient au cinéma.

«[Nous faisons nos premiers] pas "transmédias" chez Ubisoft, qui croit que les histoires des jeux peuvent avoir plusieurs vies», explique Étienne Allonier, directeur de la marque Assassin's Creed, à la tête d'une équipe d'experts en communication, en marketing et de deux historiens pour faire rayonner l'univers du jeu.

«Ubisoft, c'est une entreprise de jeux vidéo, mais nous voulons devenir un acteur majeur du divertissement. Pour ce faire, nous devons élargir nos univers.»

«On ne fait pas ce film pour que les gens achètent le jeu. On veut prouver que [la marque] est tellement riche qu'elle peut vivre sur différents médiums», poursuit-il, expliquant que les créateurs du film ont été libres d'inventer l'histoire de leur choix.

Le défi de la transition

Bernard Perron, professeur titulaire au département d'histoire de l'art et d'études cinématographiques de l'Université de Montréal, n'est pas étonné qu'Ubisoft ait des visées sur le septième art. Il rappelle toutefois que la transition du jeu vidéo au cinéma, depuis la sortie de Super Mario Bros., dans les années 90, n'est pas toujours réussie.

«Les jeux qui sont passés au cinéma ont [rarement] eu un grand succès. [...] Il faut raconter des histoires qui sont adaptées au grand écran», dit le spécialiste.

«Les histoires des jeux vidéo sont plus élémentaires parce que la mise en scène du joueur prime. C'est souvent là qu'on est déçu.»

«Le cinéma a toujours regardé ailleurs pour trouver ses inspirations. On peut parler des superhéros, de la bande dessinée et plus largement des scénarios qui ont eu du succès ces dernières années et qui étaient adaptés de romans thrillers. [Ce n'est donc pas étonnant qu'on] regarde maintenant vers le jeu vidéo», ajoute-t-il.

Un univers collé sur l'histoire

Maxime Durand est l'historien de la marque Assassin's Creed. Pour chaque jeu, il s'assure que les repères historiques qui jalonnent l'époque dans laquelle l'histoire se déroule sont respectés.

«Lors [de la création] d'un jeu, on fait de la recherche et on va sur le terrain [où se déroule l'histoire]. [...] Notre rôle est de donner des outils à l'équipe. C'est comme si j'étais un prof d'histoire, mais ma classe, c'est une gang qui fait des jeux vidéo», explique-t-il.

Après avoir exploré les croisades, la Renaissance italienne, la révolution américaine et l'âge d'or des pirates, le film transportera Assassin's Creed en plein coeur de l'Inquisition espagnole.

«C'est une période vraiment riche visuellement, mais qui est aussi riche en personnages, ce qui crée une base très forte pour un médium qui est différent du jeu vidéo», affirme Maxime Durand avec conviction.

Pour Étienne Allonier, le film Assassin's Creed apporte aussi son lot de questions et de réflexions existentielles.

«Ça pose aussi des questions sur la construction d'un être, sur la façon dont la vie de nos ancêtres influence notre caractère et notre destinée. [...] [Ça parle aux] gens qui aiment l'histoire, qui veulent voir l'Inquisition espagnole. [...] Le film est aussi d'une ambition visuelle extraordinaire», vante-t-il.

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Assassin's Creed est actuellement à l'affiche.