Il ne faut certainement pas craindre le ridicule pour incarner au cinéma Florence Foster Jenkins, considérée dans les années 40 comme «la pire chanteuse au monde». Défi relevé par l'immense Meryl Streep, appuyée par les comédiens Hugh Grant et Simon Helberg, qui jouent respectivement son compagnon et son pianiste. Ils étaient à New York la semaine dernière en conférence de presse pour discuter de cette comédie aussi drôle que touchante réalisée par Stephen Frears.

Au Ritz-Carlton de New York, situé juste en face de Central Park, la presse a pu voir un trio amicalement soudé lors de la conférence de presse de Florence Foster Jenkins: Meryl Streep, Hugh Grant et Simon Helberg. De fait, toute la chimie de cette comédie repose sur ces trois acteurs qui jouent parfaitement leur partition sous la gouverne du chef d'orchestre Stephen Frears.

Ils n'avaient jamais eu l'occasion de tourner ensemble, et manifestement, les deux hommes étaient impressionnés de donner la réplique à Meryl Streep, icône du cinéma américain. De même que d'être dirigés par Frears, le réalisateur britannique qui nous a donné Dangerous Liaisons, The Queen et Philomena. «Je n'étais pas très occupé à ce moment de ma vie», a expliqué Hugh Grant, qui a été séduit par le scénario, «très touchant et très complexe». 

«Il y avait le fait de travailler avec Stephen Frears, et bien sûr Meryl.» 

«Ça m'a pris beaucoup de temps pour accepter... Meryl qui?», a poursuivi en blaguant Simon Helberg, qu'on a découvert dans le rôle de Howard Wolowitz de la populaire sitcom The Big Bang Theory.

Meryl Streep recevait les compliments avec un sourire. Elle aussi a été charmée par le scénario, «qui pose un regard tendre sur Florence Foster Jenkins. Aussi ridicule ait-elle été. Mais j'ai dit oui seulement parce que Stephen m'a dit qu'il avait un projet».

«J'aurais dit oui sans lire le scénario, mais je l'ai lu, et j'ai été soufflé par l'histoire, précise Simon Helberg. Ce sont de belles personnes, simples. Il y a aussi cet aspect de la vie, qu'on retrouve plus particulièrement dans l'enfance, quand vous ne jugez pas, que vous êtes sans cynisme et entièrement immergé dans une passion.»

Un personnage hors du commun

Pour Florence Foster Jenkins, cette passion, c'était la musique. Mais cette riche dame de la haute société new-yorkaise, fondatrice de nombreux clubs culturels, mécène de plusieurs artistes de renom, n'avait aucun talent pour le chant classique, même si elle adorait l'opéra. Ce qui ne l'a pas empêchée de se produire le 24 octobre 1944 au célèbre Carnegie Hall devant une salle comble, mais aussi stupéfaite et hilare devant un tel massacre offert avec tant de candeur.

Tout le défi d'interprétation de Meryl Streep tenait dans sa capacité à chanter aussi mal que la piètre cantatrice. «J'ai une compréhension très claire de ma voix, dit-elle. J'ai une voix de catégorie B. J'ai de grands amis qui sont de merveilleux chanteurs, je sais que je ne serais jamais capable de faire comme eux. Mais chanter pour ce personnage, c'est quelque chose que je pouvais faire.»

«J'ai aimé chercher ce qu'il y avait dans les enregistrements de Florence. Pas seulement à quel point c'est mauvais, mais à quel point c'est plein d'espoir.»

Pour bien rendre «l'effet» Florence Foster Jenkins, Stephen Frears a choisi de filmer «en direct» les performances de l'actrice, sans enregistrement audio au préalable, en réservant la surprise à Simon Helberg, qui incarne Cosme McMoon, le pianiste qui l'accompagne, tétanisé devant ces horribles vocalises. «C'est ce qui comptait vraiment, ce moment, explique le cinéaste. C'est ce que vous voulez capter.»

Une grande partie de la réussite comique de ce film réside dans les réactions de Simon Helberg, excellent pianiste dans la vraie vie, qui devait tenter de suivre les délires vocaux de Streep. «Je suis né avec cette face hilarante, résume-t-il. Chaque prise était tellement nouvelle, je ne savais jamais ce qui allait suivre!» «C'était incroyable de le voir jouer et s'exécuter au piano en même temps», note Meryl Streep.

Le côté plus émouvant du film est porté par Hugh Grant, qui joue le compagnon de Florence Foster Jenkins, St. Clair Bayfield, fils illégitime d'un aristocrate anglais et acteur raté, avec qui elle vivait une relation chaste dans une espèce d'entente qui les arrangeait tous les deux. Il aura tout fait pour entretenir ses rêves en sélectionnant ses publics et en lui cachant les mauvaises critiques. «Il l'a vraiment aimée et elle l'a aimé, pendant 35 ans, croit l'acteur. C'était assurément un véritable amour. Il la protégeait de la vérité.»

«Je ne suis pas très bonne pour étiqueter l'amour, avoue Meryl Streep, mais je crois que c'est un portrait exact et réaliste d'un amour fantasque. Et une chose géniale que Stephen a faite, c'est qu'en marge de tout cela, on sent la guerre. Quelque chose d'horrible est en train d'arriver. Il y a beaucoup d'analogies à faire avec aujourd'hui... Mais ça nous fait sentir ce qui compte vraiment dans la vie, et là-dedans, il y a l'art. Je pense que ce film m'a aidée à être encore plus optimiste.»

Photo fournie par Les Films Séville

Meryl Streep (Florence Foster Jenkins), Simon Helberg (Cosme McMoon) et Hugh Grant (St Clair Bayfield) jouent parfaitement leur partition sous la gouverne du chef d’orchestre Stephen Frears dans Florence Foster Jenkins.