Journaliste, essayiste, romancier et scénariste, le Britannique Nick Hornby conjugue ses passions dans ses écrits. Le critique musical a ainsi accouché de High Fidelity et le fan de foot, de Fever Pitch. À 58 ans, cela fait 25 années qu'il vit de sa plume. Chose qui n'aurait pas été possible s'il n'avait pas fermé une porte afin que s'en ouvrent d'autres: il a su, très jeune, qu'il devrait, un jour, quitter la petite ville de Redhill, dans son Surrey natal. Partir pour vivre avec un plus grand V.

C'est une des raisons qui lui ont permis de comprendre, si bien, si finement et si justement, le parcours d'Eilis Lacey, héroïne du roman de Colm Tóbín, Brooklyn. Qu'il a adapté pour l'écran, puis laissé entre les mains du réalisateur John Crowley (Boy A).

«En fait, je n'avais pas d'autre choix que d'accepter: l'un des producteurs qui m'a contacté pour cette adaptation est ma femme... et quand elle me demande quelque chose, j'obéis», faisait-il en riant au bout du fil quand La Presse l'a joint chez lui, à Londres.

Plus sérieusement, il a été charmé par cette «petite» histoire, cette histoire sans grands bouleversements autres qu'intérieurs. L'histoire d'Eilis Lacey (Saoirse Ronan, en nomination pour un Golden Globe), jeune Irlandaise d'Enniscorthy. En ces années 50, il n'y a là aucun avenir pour elle. Le choix: rester et piétiner sa vie ou quitter les êtres chers pour l'inconnu. L'Amérique. Brooklyn.

Elle part. Est écrasée par le mal du pays. Mais trouve du travail. S'adapte. Rencontre un garçon sympa, Tony (Emory Cohen), avec qui elle pourrait prendre racine dans le Nouveau Monde. À moins qu'elle ne choisisse Jim (Domhnall Gleeson), dont elle croise ensuite la route lors d'un retour au pays.

Bref, le départ, l'écartèlement entre la sécurité d'hier et les possibilités du moins connu, Nick Hornby y a goûté. Résultat: «J'ai compris l'émotion qui traversait le roman. Mon travail d'adaptation consistait à le rendre un peu plus «sonore» pour que ça marche en tant que film.»

Deux continents, deux avenirs. Dits en douceur. Où les déchirements ne hurlent pas. N'en sont que plus réalistes. L'Irlande, pour la jeune femme, c'est la famille, le familier et des portes qui s'ouvrent inopinément.

Non hollywoodien

L'Amérique, c'est l'excitation de la nouveauté, l'idée du «tout est possible».

Incarnant ces deux voies, Tony et Jim. Deux bons gars. Pas un salaud et un prince charmant. Ce qui est «la manière typiquement hollywoodienne de faire de la comédie romantique. Il n'y a pas véritablement de choix à faire parce qu'il est vraiment clair qu'un type est mieux que l'autre. Pour que Brooklyn fonctionne de la façon dont John et moi le voulions, il fallait que les deux hommes soient complètement égaux», fait Nick Hornby.

Il fallait également que le scénariste moule sa tête à celle d'Eilis. Le défi n'en était pas vraiment un: si les personnages principaux de ses premiers romans sont des hommes, les femmes sont au coeur de ses plus récents. Et elles sont le pivot des livres qu'il a adaptés pour l'écran - que l'on songe à An Education, Wild, Love, Nina (pour la télévision)... et Brooklyn, qui est une coproduction entre le Royaume-Uni, l'Irlande et le Canada (par Item 7), et qui a été tourné en partie à Montréal.

«Plus je vieillis, plus je vois le potentiel dramatique dans la vie des jeunes femmes. Davantage que dans celle des hommes», affirme celui qui ne croit pas qu'il existe «une psyché masculine ou féminine», mais qui sait pertinemment qu'en tant qu'écrivain, «il doit essayer de comprendre tout le monde». Tout le monde, une personne à la fois.

Et si jamais il se plantait, il fait confiance aux actrices à qui il destine ses mots. «Si elles ne peuvent trouver la vérité dans ce que j'ai écrit, elles vont me le dire», assure celui qui aime la collaboration allant de pair avec l'écriture cinématographique.

«Une fois que vous êtes bien établi, les gens vous arrivent avec des livres, des projets intéressants... Pour écrire un roman, vous devez libérer un espace dans votre tête et votre vie.» Et il assure ne pas avoir ce genre d'espace en ce moment.

Le mot d'ordre pour ses lecteurs est donc... patience.