Romain Duris souhaitait depuis longtemps interpréter un vrai rôle de femme. Il a trouvé l'occasion de réaliser son rêve grâce à François Ozon, qui s'est inspiré d'une nouvelle de Ruth Rendell, et a relevé l'un des plus grands défis d'acteur de sa carrière.

Parfois, certaines propositions de jeu créent des malaises chez les individus. C'est particulièrement le cas auprès de certains acteurs quand on leur demande de jouer des personnages qui transgressent les codes de l'identité sexuelle. Une nouvelle amie, le nouveau film de François Ozon, relate le parcours d'un homme qui, après la mort de sa femme, commence une nouvelle vie en se travestissant. Et trouble du même coup le coeur de la meilleure amie de la disparue.

Au cours d'une rencontre de presse tenue au début de l'année à Paris, François Ozon a raconté avoir d'abord offert le rôle à... Matthias Schoenaerts! Même si, a priori, il viendrait à peu de gens l'idée d'offrir ce genre de rôle à la vedette de De rouille et d'os (qu'on peut aussi voir dans Far from the Madding Crowd présentement), le réalisateur de

8 femmes a néanmoins voulu rencontrer l'acteur belge.

«Mais il a eu peur! indique Ozon. Le visage de Matthias est très beau mais il est vrai qu'avec ses deux mètres et sa présence physique, cela aurait été une autre histoire, un autre film. J'ai ensuite rencontré plusieurs acteurs français pour ne retenir finalement que ceux qui étaient le plus à l'aise avec l'idée de se transformer en femme. Raphaël Personnaz, par exemple, à qui j'ai finalement donné un autre rôle dans le film, aurait sans doute été très bien - il a des traits fins - mais il ne prenait aucun plaisir à cela. Cela se sent tout de suite aux essais.»

Une évidence

François Ozon a trouvé sa Virginia le jour où Romain Duris, avec qui il n'avait encore jamais travaillé, s'est présenté. Pour la vedette de Casse-tête chinois, la perspective de pouvoir se transformer complètement était enthousiasmante. D'une certaine façon, il y voyait la quintessence du travail d'acteur.

«Ce plaisir remonte à l'enfance, explique le comédien. À l'époque, j'étais un peu la poupée de ma grande soeur. Elle me déguisait en fille et j'adorais ça! Je crois que chaque acteur possède une part de féminité en lui et j'avais envie de l'explorer. Je voulais m'abandonner là-dedans.»

Une évidence, donc. Pendant le tournage du film, Romain Duris a presque dû mettre sa vie entière au service du personnage. Les séances de maquillage duraient au moins deux heures chaque matin. On s'adressait toujours à lui en utilisant le féminin sur le plateau. Après la journée de tournage, l'acteur portait toujours le vernis à ongles de Virginia en rentrant chez lui.

«J'avais du mal à la quitter le soir, confie-t-il. J'ai aussi eu du mal à la quitter une fois le tournage terminé. Cette expérience était encore plus merveilleuse que je ne pouvais l'imaginer. En jouant ce rôle, je me suis senti libre. Il y avait mille nouvelles possibilités qui s'offraient à moi. Depuis 20 ans, je cherche des rôles différents. Là, c'était magique.»

Il fallait toutefois que l'approche soit sérieuse - et crédible - car, contrairement à plusieurs des films où des acteurs se déguisent en femmes, la transformation du personnage provient d'un désir réel, non d'une nécessité. Virginia ne s'habille pas en femme pour déjouer des mafieux comme dans Some Like It Hot, ni pour trouver un emploi comme dans Tootsie.

«Je ne voulais pas avoir de doutes quant à l'authenticité du désir du personnage de se transformer en femme, fait remarquer l'acteur. Je ne pouvais pas remettre ça en question. Sinon, nous serions tombés dans la farce. Comme il n'y a pas vraiment de repères dans la façon dont un homme peut se travestir, j'ai volé pratiquement de toutes les femmes que j'ai rencontrées. Sans même demander de permission!

«Deux styles m'ont particulièrement inspiré, poursuit-il. Et ils sont incarnés par des actrices desquelles émanent beaucoup de féminité et de fierté. Le personnage que joue Julia Roberts dans Pretty Woman par exemple. Mais surtout, il y a Charlize Theron dans la pub de Dior. J'adore ce genre d'énergie. Je me suis aussi beaucoup nourri de documentaires qui portaient sur des hommes qui aiment se travestir.»

Un ton léger mais sérieux

Autre point délicat: la tonalité. Sur ce plan, Ozon a fait moins sombre que Ruth Rendell, l'auteure de la nouvelle qui inspire le film. Même si quelques éléments plus drôles traversent le récit, il reste qu'on aborde ici des thèmes qui peuvent facilement faire basculer dans le dramatique.

«On a fait attention à ce que tout ça reste léger et drôle, rappelle Romain Duris. Il ne s'agit pas d'un film militant mais à la fin, il pose aussi des questions sérieuses. Avec lesquelles on ne peut pas rire. Au tournage, je ne savais pas vraiment si François allait tirer davantage le film vers la comédie ou le drame.»

L'épreuve de la première projection a ainsi été difficile pour l'acteur.

«C'est toujours compliqué de se voir mais dans ce cas-ci, ce l'était encore davantage. Ce que je trouve génial, par contre, c'est qu'entre la fin du tournage et la première projection, le film nous appartient encore et je peux imaginer toutes les formes possibles. Après, c'est fini, c'est l'au revoir.»

Une nouvelle amie prend l'affiche le 5 juin.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.