Depuis qu'il a été révélé sur la scène internationale grâce à Bullhead et De rouille et d'os, Matthias Schoenaerts n'arrête plus. L'acteur belge, trilingue, incarne aujourd'hui le héros d'un roman classique britannique, porté à l'écran par un cinéaste danois.

Un acteur belge, dont la langue maternelle est le néerlandais, pour incarner un berger britannique dans un drame historique ? Pourquoi pas ! D'autant que, trilingue, Matthias Schoenaerts est aussi à son aise dans la langue de Skakespeare - et de Molière - que dans celle de Vondel. Parfaitement trilingue depuis l'enfance, l'acteur n'a pas non plus de difficulté avec les accents. Qu'il se glisse dans l'univers de Dennis Lehane (The Drop) ou, dans ce cas-ci, dans celui de Thomas Hardy, Schoenaerts fait partie de ces rares acteurs dont la crédibilité ne peut jamais être remise en doute sur le plan linguistique.

« Je travaille avec des coachs, bien sûr, a-t-il expliqué lors d'un entretien téléphonique accordé à La Presse plus tôt cette semaine. Mais c'est une vraie chance d'avoir pu grandir en utilisant trois langues. Disons que ça exerce bien l'oreille ! »

Far from the Madding Crowd, un roman classique que l'écrivain britannique Thomas Hardy a publié en 1874, a déjà fait l'objet de quelques adaptations. Au cinéma, la plus célèbre reste celle qu'avait portée à l'écran John Schlesinger en 1967. Julie Christie y était entourée notamment de Peter Finch et Alan Bates.

UN CINÉASTE INATTENDU

Pour cette nouvelle version, qui met cette fois en vedette Carey Mulligan, les producteurs ont fait appel au cinéaste danois Thomas Vinterberg, connu surtout grâce au très grinçant film Festen et, plus récemment, La chasse.

« Au-delà de la qualité du scénario, c'est ce qui m'intéressait, indique l'acteur. Thomas m'a téléphoné. Je crois qu'on s'est parlé pendant une bonne heure et demie. Après, il est venu me rencontrer à Bruxelles et le projet a pris forme. L'échange a été très chaleureux ; on s'est bien entendus. Nous avions vraiment envie de travailler ensemble. »

« Pour construire mon personnage, je me suis basé uniquement sur le travail qu'on a fait avec Thomas. Je n'ai jamais lu le roman. Je n'ai pas vu le film de Schlesinger non plus », dit Matthias Schoenaerts.

Révélé dans les années 90 grâce à Festen, un film réalisé dans le cadre du fameux « Dogme » (des films tournés sans aucun artifice du cinéma), Vinterberg se retrouve ainsi à signer la réalisation d'un drame romantique à caractère historique, à mille lieues de ce que l'on connaît déjà de lui sur le plan stylistique.

« C'est justement pour ça que je trouvais super enthousiasmante l'idée de faire appel à Thomas, raconte l'acteur. Nous avions avec nous un cinéaste qui se réinvente à chaque fois et qui, là, avait envie de faire autre chose. J'étais très curieux de voir quelle allait être son approche pour ce projet de film. J'aimais bien le contraste entre l'idée que je me faisais de son cinéma et la matière avec laquelle on allait travailler. À mes yeux, c'était un voyage intéressant à entreprendre. »

PHOTO JOEL RYAN, ASSOCIATED PRESS

Carey Mulligan et Matthias Schoenaerts sur le tapis rouge de la première mondiale de Far from the Madding Crowd, qui a eu lieu à Londres le 15 avril. 

Campé dans la région du Dorset, dans le sud-ouest de l'Angleterre (« un des plus beaux endroits du monde ! », dit le comédien), le récit de Far from the Madding Crowd évoque le parcours d'une jeune héritière (Carey Mulligan) un peu trop « libre » en cette époque victorienne. Cette dernière doit maintenant gérer la ferme familiale. Courtisée par trois hommes, un berger (Schoenaerts), un riche voisin (Michael Sheen) et un militaire (Tom Sturridge), la belle se retrouvera devant des choix difficiles à faire, à la face des autres et d'elle-même.

Des trois prétendants, Vinterberg privilégie celui qu'interprète Schoenaerts, un homme de coeur, solide, qui ne craint pas l'abnégation.

« Même si Thomas voulait clairement emprunter le ton d'un drame sentimental épique, je ne trouve pas ce personnage forcément romantique, fait remarquer l'acteur. À mes yeux, il s'agit plutôt d'un homme courageux, altruiste, loyal, qui est toujours dans l'honnêteté. Voilà quelqu'un qui souffre beaucoup intérieurement, mais qui, même dans sa souffrance, reste digne et droit. Il ne cède jamais à l'apitoiement. C'est un processus intéressant. »

Matthias Schoenaerts était d'autant plus attiré par le personnage qu'il véhicule selon lui des valeurs chevaleresques « admirables », plus rarement dépeintes dans le cinéma contemporain.

« Thomas tenait à ce que l'amour triomphe ! ajoute l'acteur. Au début, j'étais un peu réticent à cette idée, mais je me suis rendu compte qu'il avait entièrement raison. On a besoin de ce genre d'histoires, de ce genre d'émotions, complètement dénuées de cynisme. J'ai été heureux que Thomas n'abandonne pas et qu'il ait été conséquent avec ce qu'il avait envie de raconter. J'ai été pleinement convaincu de son idée. »

UN PROGRAMME CHARGÉ

L'actualité de Matthias Schoenaerts est par ailleurs foisonnante ces jours-ci. L'acteur vient en effet tout juste de terminer le tournage de The Danish Girl, un drame biographique de Tom Hooper dans lequel il donne la réplique à Eddie Redmayne et Amber Heard. 

Il se rendra à Cannes très bientôt afin d'accompagner la présentation, dans la section Un certain regard, de Maryland. Dans ce deuxième long métrage d'Alice Winocour (Augustine), il se glisse dans la peau d'un soldat en choc post-traumatique. Puis, il s'envolera vers Calgary, lieu de tournage d'une série télévisée produite par HBO. Dans Lewis and Clark, il incarnera un explorateur américain du début du XIXe siècle.

« Depuis quatre ans, ma vie a changé. Pour le mieux. Je ne peux le nier ! », conclut-il.

Far from the Madding Crowd prend l'affiche le 8 mai en version originale anglaise.