Une lettre égarée pendant 40 ans. Signée John Lennon. Adressée à un chanteur maintenant sur le déclin. La vie de l'artiste aurait-elle été différente s'il avait reçu la missive? Al Pacino, Jennifer Garner et Bobby Cannavale imaginent une réponse dans Danny Collins, un film de Dan Fogelman très, très librement inspiré d'une anecdote véridique.

«C'est beaucoup de travail, être Al Pacino», lançait Jennifer Garner de façon bien sentie lors de rencontres de presse tenues à Los Angeles en marge de la sortie de Danny Collins de Dan Fogelman, où elle incarne la belle-fille du mythique acteur.

Mais ce «travail» -là, le principal intéressé s'en acquitte avec «gentillesse, calme et générosité », ajoute le réalisateur - et aussi scénariste - de cette comédie dramatique qui se penche sur un chanteur autrefois extrêmement populaire, mais à présent, passablement has-been, dont la vie - et la vision de la vie - change le jour où son agent et ami (Christopher Plummer) lui remet une lettre, perdue pendant 40 ans, que lui a écrite... John Lennon.

Une lettre pleine d'admiration qui aurait... Peut-être? Probablement? Certainement? Pas du tout? Bref, une lettre dont il est impossible de savoir quel aurait été l'impact quatre décennies plus tôt; mais qui, reçue alors que l'artiste amorce la dernière ligne droite de sa carrière, l'oblige à repenser son présent. Et à tenter de corriger quelques épisodes dont il n'est pas particulièrement fier, qui ont jalonné un parcours personnel et professionnel fait d'excès, de superficialité et d'abandons.

Danny Collins décide alors de prendre la route du New Jersey, de descendre à l'hôtel tenu par Mary Sinclair (Annette Bening). Puis de marcher sur son orgueil et d'aller à la rencontre de Tom (Bobby Cannavale), ce fils qu'il n'a jamais connu et qui, aujourd'hui adulte, est marié à Samantha (Jennifer Garner), enceinte de leur deuxième enfant. Le couple a déjà une petite Hope (Giselle Eisenberg), précoce et hyper-active (bref, craquante).

«Crazy, Stupid, Love, dont j'avais écrit le scénario, venait de prendre l'affiche et je me disais qu'il fallait vraiment que je me mette à l'écriture d'autre chose, raconte Dan Fogelman. Alors... je procrastinais devant l'ordinateur. Et je suis tombé sur cette histoire, celle de l'auteur-compositeur-interprète folk Steve Tilston, qui a reçu, avec plus de 30 ans de retard, une lettre que John Lennon lui avait écrite à la sortie de son premier disque.»

Et le scénariste de bâtir une histoire, celle de Danny Collins, à partir de ce germe de situation. Avec, en tête, Al Pacino dans le rôle-titre. Une fois le scénario terminé, il l'a envoyé à l'acteur. Sans penser une seconde qu'il serait intéressé. Erreur. 

«Il m'a demandé de venir le rencontrer, un soir, dans sa loge. Il jouait alors dans The Merchant of Venice, il crachait ses tripes sur scène pendant plus de deux heures et... j'étais très, très intimidé.» Jusqu'à ce que la rencontre ait effectivement lieu. Qu'Al Pacino lui dise avoir aimé l'histoire.

Danser avec Al

Pendant les cinq années suivantes, ils se sont livrés à «un genre de danse, on se tournait autour, on se rencontrait dès que possible, on revoyait le scénario. Quand nous avons commencé le tournage, il m'était devenu très normal de passer du temps dans la maison d'Al Pacino», raconte Dan Fogelman, resté très proche de celui qu'il décrit comme «un génie excentrique et très gentil».

Du haut de ses six décennies de carrière et de ses 72 ans, Al Pacino sourit aux journalistes qui lui rapportent ces propos. 

«Vous savez, en lisant le scénario de Dan, j'ai vraiment senti qu'il l'avait écrit pour moi, il ne me mentait pas.» Et même si, pour être honnête, il ne s'est pas immédiatement vu dans le personnage, il a voulu creuser le projet.

Parce que de ses années de théâtre à New York, alors qu'il commençait dans le métier et avait souvent l'estomac vide, il a appris une chose: opter pour la sécurité, ne pas prendre de risques, ne l'aiderait jamais à trouver ce qu'il cherchait dans la vie: «À moins qu'on essaie, parfois, nous ne sommes pas vraiment conscients de ce dont nous sommes capables.»

Se fiant donc à son instinct et à ses premières impressions, il a fait de Danny Collins «un croisement de Barry Manilow et de Rod Stewart. C'est l'enfant de l'amour de ces deux-là», s'amuse celui dont la seule présence a permis à la production, au budget très modeste (moins de 10 millions), d'obtenir les droits de plusieurs des grandes chansons de John Lennon, d'Imagine à Working Class Hero, en passant par Beautiful Boy et Love.

«Yoko [Ono] a vraiment été derrière le film», conclut l'acteur. Dont le regret est de n'avoir jamais rencontré John Lennon, alors que tous deux ne vivaient pas très loin l'un de l'autre, à New York. 

«Nous nous sommes croisés un jour dans Central Park, et nous nous sommes souri. J'étais tellement heureux et flatté qu'il m'ait reconnu!» C'est un cri du coeur. Signé de cet homme où le grand talent côtoie, en effet, la gentillesse.

«Sur le plateau, il passait beaucoup de temps à mettre les gens à l'aise et dépensait beaucoup d'énergie à s'assurer que tout le monde se sente bien. Vraiment, répète Jennifer Garner, c'est énormément de travail d'être Al Pacino.»

Danny Collins est présentement à l'affiche.

Les frais de voyage ont été payés par Remstar.