Quand Jack et ses haricots magiques, Cendrillon, Raiponce et le Petit Chaperon rouge se croisent dans la forêt des contes, ça donne Into the Woods, comédie musicale créée en 1987 par Stephen Sondheim (paroles et musique) et James Lapine (livret) que Rob Marshall porte à l'écran.

«Nous voulions créer un autre spectacle ensemble», avait indiqué James Lapine - qui avait alors travaillé avec Sondheim sur Sunday in the Park with George et Merrily We Roll Along - lors de conférences de presse tenues à New York. Le compositeur rêvait de se mettre au service d'une quête, façon L'odyssée ou The Wizard of Oz. L'auteur désirait coucher sur papier une véritable intrigue.

Alliant ce désir à sa fascination pour les contes, James Lepine a accouché... d'un conte original. Pour s'apercevoir que, comme ses modèles, cette histoire était trop courte pour servir une comédie musicale pleine et entière. C'est alors qu'il a été foudroyé. Par une idée. Combiner le récit qu'il avait écrit, The Baker and the Wife, à des classiques du genre.

C'est ainsi que le boulanger et sa femme (James Corden et Emily Blunt) s'enfoncent dans les bois afin de trouver quatre objets qui permettront à la sorcière voisine (Meryl Streep) de retrouver sa beauté. En échange, le couple pourra enfin avoir un enfant.

Leur chemin croisera celui de Cendrillon (Anna Kendrick), de sa belle-mère (Christine Baranski) et des filles de cette dernière (Tammy Blanchard et Lucy Punch), en route pour le bal du prince charmant (Chris Pine). Ils rencontreront le Petit Chaperon rouge (Lilla Crawford) aux prises avec le grand méchant loup (Johnny Depp) et Jack (Daniel Huttlestone) qui, au grand dam de sa mère (Tracey Ullman), échangera sa vache contre des haricots. Ils verront aussi Raiponce (MacKenzie Mauzy), perchée dans sa haute tour sans porte, et son prince (Billy Magnussen).

Sur cette trame, le tandem Lapine-Sondheim s'est amusé à détourner les personnages de la voie classique et à refaçonner la personnalité de tout un chacun.

Le risque de l'adaptation

Créé en 1987 sur Broadway, le spectacle s'est mis à hanter Rob Marshall il y a une douzaine d'années. Il voulait le transplanter au grand écran, comme il venait de le faire avec Chicago. Même si, il le reconnaît, «adapter une comédie musicale au cinéma est difficile». «Je me sentais toujours à un cheveu de basculer dans un sketch de Saturday Night Live. Si la chanson n'arrive pas de façon naturelle et qu'on sent le «numéro» qui commence, il est facile de décrocher. Mais dans le cas d'Into the Woods, tout est si intrinsèquement lié qu'il est impossible d'enlever une seule chanson sans que tout s'effondre.» Le réalisateur donne l'exemple du prologue du film, 16 minutes au cours desquelles les personnages et leurs enjeux sont présentés et où les acteurs passent de façon fluide du texte au chant.

Deux mots reviennent dans la bouche de tous. «I wish.» «Je souhaite.» Mais comme le veut le (presque) proverbe, il faut faire attention à ce que l'on souhaite. Des surprises sont à la clé, et pas que des bonnes.

Pour se glisser dans la peau de ces personnages iconiques, Rob Marshall a cherché «des acteurs qui peuvent chanter, et non l'inverse», indique Emily Blunt, qui a hésité à passer une audition mais que cette phrase du réalisateur a convaincue d'au moins essayer. «Une fois que j'ai surmonté ma peur de chanter devant les gens, c'est devenu une expérience exaltante.»

Pour Anna Kendrick, qui a joué dans plusieurs spectacles musicaux, Into the Woods était une offre qu'elle ne pouvait refuser: «Oui, la Cendrillon que l'on présente ici est fascinante et pas du tout traditionnelle, mais mon attrait premier pour ce projet a été de travailler avec Rob et avec cette incroyable distribution.»

Meryl Streep, elle, a sauté sur l'occasion: «Parce que c'est une formidable pièce dans l'histoire du théâtre américain, et pour la musique, qui est extraordinaire. Mais j'ai dû travailler très fort pour remettre ma voix en forme. Je suis retournée aux exercices vocaux que je faisais à Yale.» Et qui l'ont déjà servie dans Mamma Mia!

Entraîner la voix

«Les gens ne réalisent pas à quel point nous, les actrices, dont le travail consiste plus souvent à jouer qu'à chanter, devons nous remettre en forme pour être à l'aise dans ce genre de film», souligne Christine Baranski - qui pourtant connaît bien l'oeuvre de Sondheim (elle est montée sur scène pour Sweeney Todd et Little Night Music) et de Marshall (elle était de l'adaptation cinématographique de Chicago).

Ce qui n'était pas le cas de Chris Pine: «J'ignorais complètement ce qu'était Into the Woods. Quand mon agent m'a appelé pour me demander si je voulais auditionner, j'ai répondu «Oui, pas de problème». Puis j'ai commis l'erreur d'aller voir sur l'internet dans quoi je m'embarquais au juste.» Un choc. Mais, bon, rien d'insurmontable pour celui qui a relevé le défi de reprendre le rôle emblématique de James T. Kirk dans Star Trek.

Pour tout ce beau monde, six semaines de répétition ont précédé le tournage à Londres. Cela a permis d'apprivoiser le matériel et, à chacun, de trouver sa place. Là se trouvait l'obstacle principal pour James Corden.

Qui? James Corden, qui incarne le boulanger. L'un des rôles les plus importants du film, alors que l'acteur a, jusqu'ici, peu fréquenté le premier plan, sauf au théâtre musical (position sur l'échiquier des personnalités en vue qui est en voie de changer puisque, en mars, il prendra la relève de Craig Ferguson à la barre du Late Late Show de CBS).

«Après quelques jours de répétition, je suis rentré à la maison et j'ai dit à ma femme que j'allais sûrement être viré, que tout ça était une monumentale erreur, que je ne pouvais pas faire partie d'une telle «compagnie» d'acteurs», se souvient-il. Il en rit aujourd'hui. Parce qu'il l'a trouvée, sa place. Après tout, il n'incarne pas le Petit Poucet. Donc, ne s'est pas perdu «into the woods».

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Into the Woods (Dans les bois en version originale avec sous-titres français) prend l'affiche le 25 décembre.



Les frais de voyage ont été payés par Walt Disney Studios Pictures.

PHOTO FOURNIE PAR DISNEY

Meryl Streep, la méchante sorcière dans Into the Woods.

Les personnages

LE BOULANGER

James Corden

Pour incarner ce personnage, Rob Marshall cherchait un acteur que les spectateurs nord-américains ne connaissaient pas trop, un monsieur Tout-le-Monde qu'ils pourraient identifier à cette bonne pâte qu'est le boulanger. Une grande aventure l'attend. Comme l'acteur, qui prendra en mars les rênes du Late Late Show. Défi qu'il a accepté parce qu'il lui permettra d'être un père et un mari plus présent: «En tant qu'acteur, je peux être appelé n'importe quand à passer quelques semaines en Nouvelle-Zélande. Là, j'ai l'assurance de ne pas bouger pour un certain temps.» Responsable et terre à terre. Comme le boulanger.

LA FEMME DU BOULANGER

Emily Blunt

«La femme du boulanger est tentée par le prince charmant, et... comment ne pas la comprendre? Imaginez une épouse rangée du Midwest. Un jour, George Clooney frappe à sa porte et lui fait des avances. Que croyez-vous qu'il va se passer? Bien sûr qu'elle va succomber!» fait l'actrice, qui voit le parcours de son personnage comme «le plus tragique et le plus dramatique, car elle commet des erreurs et comprend trop tard que sa relation tranquille, mais longue et profonde avec le boulanger est ce qu'elle chérit vraiment».

LA SORCIÈRE

Meryl Streep

«Certaines personnes font parfois de mauvaises choses pour d'excellentes raisons. C'est le cas de la sorcière: elle aime vraiment cette jeune fille en fleur qu'est Raiponce, qu'elle considère comme son enfant et non comme sa prisonnière. Elle veut la protéger contre tout ce qu'il y a de mauvais dans le monde. Et puis, il nous arrive d'oublier l'âge qu'ont nos enfants. On les traite à 13 ans comme s'ils en avaient 10, alors qu'eux pensent en avoir 17! C'est une chose que tous les parents peuvent comprendre... et qui, bien sûr, est poussée à l'extrême dans le conte.»

LE PRINCE CHARMANT

Chris Pine

Son personnage se résume par ce qui est probablement la meilleure réplique de l'oeuvre: «J'ai été élevé pour être charmant, pas sincère.» «Et c'est exactement ce qu'il est, assure l'acteur. Certains personnages, comme la méchante belle-mère et le prince charmant, ont volontairement conservé l'état bidimensionnel qu'ils ont dans le conte. C'est un type qui a grandi dans le regard des autres, il se sait observé, il «lisse ses plumes» avant d'entrer en scène, il réfléchit à chacun de ses gestes, à chacune de ses postures. Il aime être vu et admiré.»

CENDRILLON

Anna Kendrick

«On peut définir cette Cendrillon par son courage. D'aussi loin qu'elle se souvienne, elle a été négligée. Et soudain, une occasion se présente. Elle se met alors à tout analyser. Doit-elle écouter son coeur, sa tête? Combiner les deux? Cela donne une sensibilité très moderne au personnage. Elle se laisse d'abord aller à ce qu'elle croit vouloir - le prince charmant. Mais quand elle se rend compte de la vacuité de ce dernier, elle s'affirme, renonce à la sécurité qu'il représente et avance sur une voie plus incertaine, mais qui répond à ses valeurs.»

LA MÉCHANTE BELLE-MÈRE

Christine Baranski

«Tout ce qu'elle veut, c'est assurer l'avenir de ses filles en leur trouvant un mari qui pourvoira à leurs besoins! pouffe l'actrice, qui a eu la révélation quant aux forces qui poussent son personnage lorsque, à l'abbaye de Westminster, elle s'est retrouvée dans la boutique où s'étalaient des livres et des souvenirs du mariage du prince Williams avec Kate Middleton. «C'est exactement ce que veut la belle-mère pour une de ses filles. N'est-ce pas défendable?» fait-elle en souriant avec une fausse candeur.

LA MÈRE DE JACK

Tracey Ullman

«Elle est protectrice envers son fils même si elle le cache bien en lui donnant des claques. Que voulez-vous, ce sont des choses qui se font, dans les contes! Ne vous inquiétez pas, Daniel n'a pas été blessé pendant le tournage. Il est un peu sourd d'une oreille, maintenant, mais rien de majeur», rigole la comédienne qui, dans une autre vie (les années 80) a été une pop star et a flirté au sommet des palmarès avec le tube Breakaway. «Eh oui, j'étais au top avec Boy George, Duran Duran et U2.» Une autre vie...