Elle est née au Liban, a émigré au Québec avec sa famille et y a étudié les arts, s'est installée à Toronto avec son conjoint Atom Egoyan et revient maintenant faire un film à Montréal après être passée en octobre par le Liban pour un premier bloc de tournage.

Arsinée Khanjian a le très fort sentiment d'avoir bouclé une boucle, d'avoir touché à toutes ses racines en acceptant le double rôle de Leila et Léa dans L'autre côté de novembre, nouveau film de Maryanne Zéhil.

«Tourner dans mon pays natal, dans ce pays que j'ai toujours en moi et avec lequel je voulais refaire le lien en passant par mon travail, par cette carrière que j'aime, a été une sorte de boucle bouclée», nous a-t-elle dit au terme d'une petite rencontre organisée vendredi dernier dans une maison du quartier Centre-Sud où le plateau était installé pour une semaine.

Dans le film de Maryanne Zéhil, Arsinée Khanjian interprète le double rôle de Léa, une neurochirurgienne de Montréal, et de Layla, une couturière vivant dans le sud du Liban. L'une et l'autre font des miracles avec leurs mains. L'une et l'autre planent au coeur d'un mystère, une histoire survenue quelque part en novembre. Une histoire qui tente d'émerger alors que, paradoxalement, leur mémoire commence à défaillir.

Jouer ce double rôle n'est pas pour déplaire à Mme Khanjian, qui trace des parallèles avec son propre parcours. «Layla et Léa sont les deux versions d'un seul personnage, dit-elle. Au Canada, on retrouve beaucoup de gens qui viennent d'ailleurs. J'en fais partie. Je me demande souvent ce que je serais devenue si j'étais restée au Liban. Le film parle du hasard, mais il a un côté très personnel pour moi en tant que comédienne. Le film traite justement de cette question toujours un peu mystérieuse des choix et des parcours.»

Le couple Labrèche-Bussière

À Montréal, Léa a peu d'amis, sinon quelques collègues du département de son hôpital. C'est le cas de Bernard (Marc Labrèche) et de Louise (Pascale Bussières), un couple de collègues neurochirurgiens. La scène à laquelle les médias étaient conviés vendredi se passait dans la maison du couple, endroit stylé avec un salon d'hiver dont d'immenses fenêtres laissent passer une lumière du jour filtrée par un rideau vertical de pastilles de verre. Ailleurs, une grande bibliothèque déborde de livres. Un lustre est suspendu au-dessus de la table à manger.

«Les gens autour de la table sont dans un échange, dit une Maryanne Zéhil rayonnante. Bernard et Louise ont reçu quelques amis à souper et parlent beaucoup de ce qui se passe à l'hôpital.»

Labrèche et Bussières s'entendent visiblement comme larrons en foire. Le fait d'avoir travaillé ensemble sur d'autres projets (Le coeur a ses raisons, Les bobos) leur donne un bon élan pour ce nouveau projet. C'est même Pascale Bussières qui a servi d'intermédiaire pour que la réalisatrice entre en contact avec Labrèche.

Lorsqu'on leur demande de quoi parle le film, leurs réponses se complètent. «On y parle du fait d'être apatride, dit Pascale Bussières. Des gens qui, comme beaucoup de Libanais l'ont fait, quittent leur pays pour s'installer ici, ne se sentent jamais ici ou là. Il y a pour eux une espèce de no man's land mental. Je pense aussi que c'est beaucoup un film sur la mémoire. La mémoire de sa propre culture, de ce qu'on a été.»

«J'ajouterais à tout ça que c'est aussi un film de femmes, sur les femmes, dit Labrèche. Être une femme ici et une femme là-bas, c'est différent. Il y a des choses avec lesquelles Léa n'était pas d'accord là-bas, mais en même temps, c'est son sang, sa patrie et sa culture.»

Le film met aussi en vedette David La Haye, Sophie Bourgeois, Donald Pilon et Daniel Parent. À la direction photo, on retrouve Pierre Mignot. L'oeuvre sera distribuée par K-Films Amérique.