Tout au long de sa carrière, Julianne Moore n'a jamais craint d'explorer des univers plus particuliers. À 53 ans, l'actrice poursuit sa démarche. Le nouveau film de David Cronenberg lui a déjà valu le Prix d'interprétation féminine au Festival de Cannes.

Julianne Moore est réputée pour prendre à bras-le-corps des rôles que d'autres actrices auraient peut-être un peu plus de difficulté à assumer. «Intrépide», dit-on souvent d'elle.

Il y a d'abord eu Short Cuts (Robert Altman) il y a un peu plus de 20 ans, un film choral dans lequel, pendant toute une scène, elle apparaissait le plus naturellement du monde vêtue d'un pull, rien d'autre, en train d'argumenter avec son mari (Matthew Modine).

Dans Boogie Nights (Paul Thomas Anderson), elle jouait le rôle d'une actrice porno. Beaucoup d'autres grandes partitions ont jalonné la carrière de cette actrice de premier plan au fil des ans.

La plus récente est celle que lui a offerte David Cronenberg. Dans Maps to the Stars, Julianne Moore incarne Havana, une actrice qui tente désespérément de s'accrocher à son statut de star malgré les années qui passent.

Encore là, la comédienne fait merveille en se glissant avec beaucoup de justesse dans la peau d'un personnage aussi désespérant que désespéré. Havana, une femme complètement centrée sur elle-même, ne peut, par exemple, s'empêcher de manifester sa joie quand elle apprend qu'elle décrochera finalement un rôle très convoité grâce au désistement d'une autre actrice, en deuil de son jeune fils...

«Quand on me dit que je suis intrépide, je le prends comme un compliment, confie-t-elle au cours d'un entretien accordé à La Presse au Festival de Toronto. Mais je dis toujours aussi que d'être qualifiée d'intrépide ou de courageuse sous-entend une notion de crainte par rapport à ce que tu dois jouer.

«Or, je ne suis pas craintive sur ce plan. Il y a bien d'autres choses qui me font peur dans la vie. Il y a beaucoup de trucs que je ne peux physiquement faire. Monter sur des skis, par exemple.

«Mais dans un monde imaginaire, poursuit-elle, je vois mal comment on peut souffrir. Tu ne peux pas te blesser en ressentant un sentiment qui n'est pas le tien. En fait, la plus grande crainte est d'avoir à défendre un scénario mal écrit, ou qui n'est pas accompli.

«Quand tu travailles avec un maître comme David, la question ne se pose pas. Tu sais qu'avec lui, tu pourras explorer des facettes plus particulières de la condition humaine sans que ça sombre dans l'exploitation ou le sensationnalisme. On peut tous en retirer quelque chose.»

Une métaphore hollywoodienne

L'intrigue de Maps to the Stars étant campée dans le milieu hollywoodien, les acteurs ont souvent été invités à se prononcer sur le niveau de «réalisme» que le film dépeint.

«Ce n'est pas tant un film sur Hollywood, à mon avis, fait remarquer Julianne Moore. L'intrigue pourrait être campée dans n'importe quel milieu où les gens cherchent une validation à l'extérieur d'eux-mêmes. Cela pourrait être autant le milieu politique que celui de la finance ou des médias. Évidemment, Hollywood est la métaphore idéale pour ça.

«Personnellement, je vois davantage ce film comme un drame familial très triste. Tu regardes tous ces gens tenter de se raccrocher à quelque chose pour se sentir vivants et ils implosent. David a ce don de toujours emmener ses personnages vers un point où ils sont dévastés sur le plan émotif.»

Écrit par Bruce Wagner, surtout connu pour la télésérie Wild Palms et le roman Force majeure, le scénario distille une langue que Julianne Moore tenait à rendre le plus fidèlement possible.

«Contrairement à ce que l'on pourrait croire, les scènes les plus difficiles à faire ne sont pas les scènes d'émotion», explique-t-elle.

«Dans le cas précis de Maps to the Stars, le plus grand défi était de faire honneur à la langue de Bruce. Ses dialogues sont très réalistes, mais en même temps, ils empruntent presque la forme d'un poème. Il y a une question de rythme, de musicalité. Il faut trouver la juste note pour que tout cela devienne vivant et vrai. J'ai passé des heures chez moi à répéter mes répliques. Dans un film comme celui-là, personne ne laisse rien au hasard.»

La même approche

Comptant une trentaine d'années de carrière (et quatre nominations aux Oscars), Julianne Moore exerce aujourd'hui le métier en empruntant la même approche qu'à ses débuts.

«Il est important de tenir la route, d'être cohérent, et de faire des choses en accord avec qui vous êtes, dit-elle. J'ai la chance d'exercer un métier que j'aime. Je dis toujours aux jeunes qui me demandent conseil de se concentrer sur le plaisir du jeu. Autrement, vous serez misérable. Évidemment, si vous obtenez une reconnaissance, c'est très agréable. Mais cela n'est pas l'essentiel.»

Julianne Moore est aussi cette année la vedette de Still Alice, un film indépendant autour duquel planent aussi des rumeurs de nominations aux Oscars.