Un nouveau documentaire sur le phénomène des Femen arrive à Montréal. Je suis Femen, du réalisateur suisse Alain Margot, prend l'affiche vendredi prochain.

Après Ukraine Is Not a Brothel de l'Australienne Kitty Green qui a jeté un certain discrédit sur les Femen en les disant surtout manipulées par un homme, le réalisateur du documentaire Je suis Femen, Alain Margot, tient à remettre les pendules à l'heure suisse au sujet du mouvement né en Ukraine.

«Je ne comprends pas pourquoi Mme Green a fait ce film comme elle l'a fait. C'est un faux scoop. Victor Svyatski n'a jamais été le leader des Femen, pas plus qu'il ne les a manipulées», affirme-t-il catégoriquement.

Le cinéaste, qui a étudié à Lausanne et produit une trentaine de films de fiction, de documentaires et de reportages dans sa carrière, trouve dommage que le mouvement soit ainsi discrédité par une interprétation purement subjective de la réalité à ses yeux.

«Victor est un ami qui les a aidées, ajoute-t-il. Il avait parfois d'excellentes idées pour des actions, même s'il arrivait toujours en retard. Il y a eu des prises de bec dans le feu de l'action, mais je n'ai jamais eu l'impression qu'il était ce tyran manipulateur décrit dans l'autre film.»

On voit Victor Svyatski dans Je suis Femen, plutôt en retrait. Puis, il apparaît vers la fin avec un visage tuméfié, car il aurait été sauvagement tabassé, avec une autre militante Femen, par les autorités ukrainiennes.

Au moment de notre entrevue téléphonique, Alain Margot arrivait d'Ukraine, où il a présenté avec succès son film. Il y a revu des Femen qui se sont dites très déçues du traitement accordé à leur cause par la cinéaste australienne.

«Elles ont l'impression d'avoir été trahies, explique M. Margot. Elles estiment que ce film cache leurs vraies motivations féministes et anticorruption. Personnellement, j'ai recroisé Mme Green et elle a paru gênée de me voir.»

Oxana

Alain Margot a passé trois ans et demi à suivre les Femen ukrainiennes, dont l'artiste du groupe Oxana Shachko, qui l'a intéressé plus particulièrement. D'adolescente timide qui peint des icônes et veut entrer au couvent, la jeune femme, encouragée par sa mère, est devenue peu à peu une révolutionnaire énergique, forcée de s'exiler à Paris.

«Au départ, je m'y intéressais moins parce qu'elle vivait à Kiev, loin de mon lieu de tournage principal, avoue le cinéaste suisse. Mais elle m'a ému.»

Cela se sent dans ce documentaire riche en émotions, qui montre autant la volonté de fer que les contradictions de ces jeunes femmes idéalistes - rêvant à une armée de femmes aux seins nus dans le monde - qui veulent d'abord et avant tout prendre leur place dans la société et changer leur pays.

«Je crois que les Femen ont planté les prémisses de la révolution en Ukraine. De fait, elles disent que les choses se sont améliorées avec le nouveau président, même s'il reste du chemin à faire pour les femmes.»

International

Alain Margot montre aussi le progrès que connaît le mouvement des Femen à l'international dans son film.

«Elles ont leur raison d'être, mais c'est plus difficile parce que les Femen sortent de leur véritable contexte sociopolitique qui est ukrainien au départ. Mais j'ai vu des choses intéressantes en Allemagne et à Montréal aussi. Elles sont drôles, les Femen, chez vous.»

Le documentariste dit qu'il continuera à avoir l'oeil sur le mouvement et l'Ukraine puisqu'il avoue «aimer ce pays et ces gens». Toutefois, pour changer un peu d'air, il travaille chez lui en ce moment sur une idée de premier long métrage de fiction.

«Je ne pourrais pas traiter ce sujet en documentaire parce que cela porte sur la corruption dans le monde de l'horlogerie. Disons qu'ici en Suisse, c'est un monde à part», résume-t-il.

On compte sur lui pour nous donner l'heure juste.