Peu importe les motivations, abandonner son enfant paraît impensable. À travers Suzanne, personnage qui donne son nom à son second long métrage, Katell Quillévéré a voulu poser un regard humaniste sur ce geste à nous arracher le coeur. La Presse a rencontré la réalisatrice au Festival d'Angoulême en août dernier.

Quel est le sens de votre propos?

Mon film est parcouru de questions sur les relations parents-enfants sans pour autant apporter de réponses. Je voulais aussi humaniser le geste posé par Suzanne. Est-ce quelque chose qu'on peut vraiment juger? Je voulais montrer qu'on peut aimer son enfant et ne pas pouvoir l'élever. C'est quelque chose qui paraît impensable mais qui est possible. Le cinéma permet de regarder autrement et avec plus d'humanité des gens qu'on jugerait un peu vite si on les croisait. Je pense que cette Suzanne a besoin de combler un manque d'amour avant de pouvoir être mère.

Une mère disparue et un père camionneur, donc souvent absent. Pourquoi ce choix?

J'ai une fascination pour les camions. Je les trouve très beaux. J'ai aussi remarqué cette fierté chez les enfants de routiers. Mais ce symbole, très fort à l'enfance, se retourne à l'adolescence. On n'a pas forcément envie que papa vienne nous chercher en camion au lycée. Dans le film, le camion apporte un côté romanesque - la route, le voyage - à l'histoire. Il y a certainement une influence américaine là-dedans.

Voilà une histoire sombre campée dans un beau décor naturel. Pourquoi ce contraste?

J'avais envie de lumière et j'ai choisi le sud de la France. La séquence finale [magnifique: ndlr] a été filmée en Camargue. Je trouvais plus intéressant d'aller vers l'été, la chaleur, la lumière, que d'aller tourner cette histoire dans les villes du Nord. On y aurait trouvé une forme de redondance.