Avec Under the Skin, adapté du roman de Michel Faber, le réalisateur anglais Jonathan Glazer, âgé de 49 ans - bien connu pour avoir réalisé des vidéoclips du groupe Radiohead -propose un film absolument inclassable qualifié de «science-fiction existentielle».

Film sensoriel et visuel avec très peu de dialogues, Under the Skin met en scène une jeune femme extraterrestre (Scarlett Johansson) qui traque les jeunes hommes seuls à bord d'une camionnette. Une fois séduits, les hommes en question sont engloutis dans une sorte de liquide amniotique...

Dans le roman de Faber, il s'agit de fournir de la viande humaine aux habitants de sa planète. Les victimes qui font de l'auto-stop sont emmenées dans une ferme, engraissées dans des cages, puis transformées... Mais Jonathan Glazer a préféré les faire disparaître de façon énigmatique, laissant place à l'interprétation.

Petit à petit, notre splendide extraterrestre semble remettre en question son action sur Terre. Est-ce qu'elle s'attache aux humains? À la Terre elle-même, photographiée dans toute sa beauté? Est-ce qu'elle ressent de la culpabilité? Toujours est-il qu'elle se laisse «humaniser». Une dérive certaine pour une extraterrestre...

La Presse a brièvement parlé à Jonathan Glazer, dont il s'agit du troisième long métrage après Sexy Beast et Birth, sorti il y a 10 ans.

Quand vous avez lu le roman de Michel Faber, avez-vous tout de suite eu envie d'en faire un film?

Oui, absolument. C'est une lecture qui m'a marqué. J'ai particulièrement aimé découvrir que le personnage principal était une extraterrestre. Je ne comprenais pas ce qu'elle faisait. Quels étaient ses motifs. J'ai trouvé que c'était très puissant comme trame narrative. J'étais constamment poussé à trouver un sens à tout ça.

Il y a très peu de dialogues dans votre film. Ç'a été difficile transposer l'univers de Michel Faber en images?

C'était un défi, oui. Mais le film est très différent. Le livre a été un point de départ. Rien de ce qui se trouve dans le roman n'a été dramatisé. Je voulais limiter les dialogues au strict nécessaire, lorsque le personnage principal s'adresse aux gens. Sinon, il n'y avait aucune raison pour elle de parler. Dans le livre, il y a un dialogue intérieur qui devait nécessairement passer dans le film par des sons, des couleurs, des odeurs. Pour inonder nos sens.

Le film a été tourné à Glasgow, en Écosse, mais sans que les Écossais le sachent... C'est vrai?

Oui. C'est à peu près ça. Il y a beaucoup de gens qui ont été filmés à leur insu. C'était central dans notre démarche. On voulait que le personnage d'extraterrestre soit comme une espionne. Qu'elle passe inaperçue dans la ville. On l'a donc filmée avec des caméras cachées. Scarlett portait une perruque, personne ne l'a reconnue. On voulait que sa démarche artistique fasse écho au personnage d'extraterrestre qui débarque sur Terre.

La photographie est époustouflante dans votre film. Le personnage de l'extraterrestre est-elle séduite par la beauté de la Terre?

Oui, bien sûr, elle est frappée par ça. En fait, tous ses sens sont sollicités. Comme une éponge qu'on plonge dans l'eau, elle absorbe toutes sortes de sensations. Les êtres humains qu'elle côtoie et la nature dans laquelle elle se trouve. Les odeurs, le climat, les paysages... Elle s'imprègne de tout.

Difficile tout de même de qualifier votre film. Vous le décririez comment en quelques mots?

Il s'agit de voir le monde à travers le regard d'un extraterrestre. Je voulais qu'on puisse regarder les gens tels qu'ils sont, sans filtre. Les voir être des témoins de ce qui se passe plutôt que de les mettre en scène et de faire croire à quelque chose. Ce regard extérieur sur nous les humains, c'est ce que je voulais montrer avec ce film.

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Under the Skin prend l'affiche le 9 mai.