La cinéaste Diane Kurys, invitée du festival COLCOA à Los Angeles, n'a pas peur de puiser dans son passé et son intimité, «parfois là où ça fait mal», pour faire «des films personnels» et «retourner le miroir vers le public».

Venue présenter mardi son dernier opus, Pour une femme, dans le cadre du festival du cinéma français à Hollywood, Diane Kurys est revenue, dans un entretien à l'AFP, sur le poids de son autobiographie dans sa filmographie.

«Depuis l'enfance, je me disais: tout ce que je vis, je vais le raconter un jour. Même si je ne savais pas encore quelle forme cela prendrait», raconte-t-elle.

Fille d'immigrés russes et polonais, qui se séparent quand elle n'a que six ans, Diane Kurys est d'abord actrice - elle travaillera notamment avec Fellini - avant de faire en 1977 une entrée fracassante dans le monde de la réalisation avec Diabolo menthe.

«C'est un film qui m'est venu très facilement», dit-elle. «Je l'ai écrit en trois semaines, car j'avais fait une liste de mes souvenirs de lycée. Ils étaient très précis et je les ai juste mis dans le film».

Plus de trois millions d'entrées, Prix Louis-Delluc, le film est un phénomène générationnel. «Je n'avais rien anticipé du tout. J'avais fait ce film sans même penser que je serais metteur en scène. Mais ça a marché et on m'a donné carte blanche pour l'éternité. J'ai eu beaucoup de chance», déclare-t-elle.

C'est aussi grâce à Diabolo menthe, sélectionné au festival Filmex de Los Angeles en 1978, que la cinéaste découvre Hollywood, où elle reviendra de nombreuses fois, notamment en 1984 pour accompagner Coup de foudre aux Oscars, où elle s'incline devant Fanny et Alexandre d'Ingmar Bergman.

«Los Angeles est une ville que j'adore», dit-elle. «Elle me fait beaucoup d'effet. Tout a l'air tellement faux, et en même temps ça ne bouge pas, c'est immuable. Los Angeles, on y revient, tout change et rien ne change, c'est incroyable».

À l'époque, elle rencontre Spielberg, Lucas, Coppola. «Eux aussi commençaient leur carrière», observe-t-elle. «Cela me fascinait, et en même temps, je ne me sentais pas libre. Je me disais que je ne pourrais pas faire un film ici avec la même liberté qu'en France».

Elle trempe néanmoins le pied dans le système hollywoodien, en acceptant de développer pour la Columbia une comédie sur le Club Med - bien longtemps avant Les Bronzés.

«On est allés trois semaines au Club Med avec mon coscénariste. Quand on est revenus, on avait écrit 60 pages de scénario et eux, ils avaient rédigé 60 pages de contrat. J'ai dit non et je suis partie», se souvient-elle.

Diane Kurys préfère alors replonger dans ses souvenirs personnels, et continuer à explorer et réinterpréter sur grand écran les émotions de sa jeunesse.

«Je pense que je fais des films personnels, et j'espère qu'ils sont personnels pour beaucoup de gens», observe-t-elle. «Plus on gratte profond, quelquefois là où ça fait mal, plus on a de chances, en retournant le miroir, d'être connecté au public».

«Alors je me sers du matériau que je connais le mieux et qui m'inspire le plus: l'enfance, le passé, la famille, les époques révolues», dit-elle.

Avec Pour une femme, la cinéaste de 65 ans assure cependant avoir clos un cycle, commencé avec Diabolo menthe et poursuivi avec Coup de foudre et La Baule-les-Pins, qui mettent tous en scène ses parents: «Je sais très bien qu'il y a de choses intimes que je n'ai pas encore touchées, qu'il faudrait que j'aille explorer, mais pour le moment, ce cycle familial est vraiment fini».

Car l'intimité est aussi un terrain sensible. «Parler de gens qui ont existé, cela implique une grande responsabilité», remarque-t-elle. «Pourtant, c'est ce qu'on aime, dans un film, quand quelqu'un se dévoile et déballe tout. C'est formidable mais c'est très dur à faire, aussi bien au cinéma que dans la vie».

Difficile, d'être cinéaste? «Je pense qu'il faut avoir un certain courage pour faire ce métier».