L'inoubliable personnage de Philippe qu'incarnait François Cluzet dans Intouchables est à l'opposé de Yann, skipper téméraire et endurci que le comédien français interprète dans En solitaire de Christophe Offenstein.

Le premier était cloué dans un fauteuil roulant, condamné à ne bouger que sa tête; le second voit tout son corps sollicité pratiquement 24 heures sur 24 à bord de son voilier engagé dans une course infernale sur les mers du monde.

«Ça se rapproche davantage d'une performance physique que d'une performance artistique. Mais c'était le challenge et il fallait l'accepter, dit François Cluzet, rencontré par La Presse en août dernier au festival d'Angoulême où le film était présenté en avant-première. C'était un film infaisable, où nous avons travaillé dans des conditions extra-professionnelles.»

Tourné en octobre 2012, En solitaire raconte l'histoire de Yann Kermadec (Cluzet) qui, à la suite du forfait d'un ami, participe à la course Vendée Globe où des skippers font le tour du monde en solitaire. À la suite d'une avarie, Kermadec doit s'arrêter pour réparer son embarcation. À son insu, un garçon (Samy Seghir) monte à bord et Kermadec devra choisir entre la gloire de la victoire et une disqualification pour cause humaniste.

Pour les scènes en mer, l'équipe de production a dû choisir entre passer plusieurs semaines au large de la Bretagne et aux îles Canaries ou tout faire en studio avec des effets spéciaux. Elle a choisi la première option, plus réelle, mais nettement plus compliquée.

«Le faire en vrai posait des soucis terribles, que ce soit en raison des conditions climatiques, la promiscuité à bord et la mer agitée avec des vagues de sept à huit mètres», se souvient François Cluzet.

«Jamais je n'ai fait un tournage aussi demandant. Ce fut une expérience très physique. J'étais épuisée à la fin de chaque journée de travail», indique de son côté la comédienne Karine Vanasse qui défend le petit mais très intense rôle d'une skipper en détresse.

Chercher l'aboutissement

Dans l'histoire, la tension physique à laquelle sont soumis les personnages fait écho à une concentration mentale intense et au désir insatiable de toujours vouloir se dépasser. Ce qui fait des skippers des gens dont l'étoffe peut à la fois intriguer, déplaire, étonner, susciter l'envie, voire la vénération. À chacun son choix! Celui de Christophe Offenstein est modulé par le respect.

«Les gens qui pratiquent la voile en solitaire sont extraordinaires, dit-il, admiratif. Il y a chez eux une recherche de l'aboutissement de soi. Ils vont au bout de leur possibilité et de leur réflexion. Ils ont besoin de ça, en raison de leurs particularités intellectuelles et physiques hors normes.»

L'intérêt de l'histoire porte sur l'esprit de compétition, poursuit M. Offenstein. «Le film expose le choix qu'on a à faire entre valeur sportive et valeur humaine, sur la façon dont on se sort, sportivement et humainement, de situations inextricables», propose-t-il.

Pour interpréter son personnage, François Cluzet s'est inspiré de Marc Guillemot, un skipper arrivé troisième au Vendée Globe de 2008-2009 et dont la course avait été marquée par l'aide apportée à un autre compétiteur en détresse. Il a aussi beaucoup discuté avec des skippers et s'est préparé avec Armel Le Cléac'h, deux fois deuxième au Vendée Globe.

«Les skippers ont une humilité et une passion remarquables, dit le comédien. J'ai essayé de percer leurs mystères. Je crois que ce sont des gens un peu dingues qui prennent des risques insensés. Ce sport est aussi dangereux que la Formule 1 et il faut croire en son destin.»

Outre les difficultés physiques nommées plus haut, un des plus grands défis rencontrés par M. Cluzet fut d'incarner la solitude de Yann. Rappelons-nous qu'il voguait en solitaire. Or, durant les prises, il y avait jusqu'à 16 personnes à bord!

«Le plus difficile fut de rester concentré, dit le comédien. Jouer la solitude avec une dizaine de personnes tout autour, c'était délicat! C'est la concentration qui m'a permis d'y arriver.»

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En solitaire prend l'affiche salle le 18 avril. Les frais de ce reportage ont été payés par le Festival d'Angoulême.