Woody Allen en proxénète d'un fleuriste devenu escorte masculine pour Sharon Stone et Vanessa Paradis: c'est Fading Gigolo, comédie de et avec John Turturro, qui montre ici la prostitution comme une «métaphore» des relations humaines.

«C'est avant tout une histoire d'amitié et sur le besoin qu'ont les gens d'être connectés aux autres», explique à l'AFP John Turturro lors d'un récent passage en France où le film sort mercredi, avant les États-Unis le 18 avril.Il sera aussi sur les écrans italiens le 17 avril, diffusé à partir du 30 avril en Espagne et du 23 mai en Angleterre et en Irlande.

«Une histoire aussi sur la solitude de chacun, même quand on est marié ou qu'on vit dans une communauté religieuse», poursuit Turturro, qui signe ici son cinquième film comme réalisateur.

Dans Fading Gigolo, John Turturro campe Fioravante, un fleuriste qui a du mal à payer ses factures tout comme son ami libraire, Murray/Woody Allen.

Les deux lascars vont alors se lancer dans le plus vieux métier du monde, et le septuagénaire devenir le «mac» du quinqua.

La première cliente sera l'inattendue Dc Parker (Sharon Stone), tentée par un ménage à trois avec une autre de ses amies, Selima (Sofia Vergara) ou encore Avigal (Vanessa Paradis dans son premier rôle en anglais), une jeune veuve d'une communauté juive orthodoxe qui «malgré six enfants n'a pas connu l'amour», explique Turturro.

«La prostitution est une sorte de métaphore sur les rapports humains, comme Avigal est une métaphore pour toutes les femmes de différentes religions et différentes cultures» oppressées dans leur vie, poursuit le cinéaste qui a fait beaucoup de recherches, comme Vanessa Paradis, sur les juifs hassidim.

«Un film sur le sexe se devait de parler de religion parce que l'un ne va pas sans l'autre!», assure encore le cinéaste/acteur.

John Turturro et Woody Allen se connaissent bien pour s'être croisés plusieurs fois dans leur carrière et s'apprécient.

Si Turturro a écrit seul le scénario, lui et Allen ont beaucoup travaillé jusqu'à ce que chacun soit satisfait du résultat final.

Symptômes alleniens

Comment le réalisateur du récent Blue Jasmine a accepté - fait rarissime - de tourner pour quelqu'un d'autre? Il n'a pas hésité «à me faire des remarques sans pitié», s'amuse Turturro.

«Avec Woody, il y a aussi une part d'improvisation sur le tournage et quelques bons mots fantastiques, comme il aime en glisser dans ses propres films», a poursuivi Turturro.

La relation entre ces deux-là est visiblement profonde tant elle transparaît sur l'écran, presque comme une relation filiale entre le réalisateur de 78 ans et son cadet de 57 ans.

Mais pas question de dire que le film est «allenien» même s'il en a les symptômes: tourné à New York, une comédie de moeurs et le jazz en illustration sonore. «Moi c'est le jazz des années 60 alors que Allen aime celui des années 30/40», relève Turturro, aussi new-yorkais qu'Allen.

«Cela fait deux ans que je travaille sur un sujet qui a connu beaucoup d'étapes avant qu'il devienne de plus en plus étoffé et c'est moi qui suis parti sur l'idée aussi de la communauté hassidim», ajoute-t-il.

Pourquoi s'être choisi lui et pas un autre acteur? «Parce qu'avec Woody je pensais qu'on ferait une bonne équipe et que je suis très à l'aise avec les femmes», dit-il.

Sa longue silhouette gauche et son visage anguleux est à l'opposé d'un Richard Gere version American Gigolo. «Ce n'est pas parce que des personnes sont magnifiques qu'elles ont du sex-appeal», répond l'acteur. «Pas plus que cela leur donne le don de savoir s'occuper des autres, de savoir écouter».

«Est-ce que Mick Jagger est un bel homme?», rétorque dans le film Murray/Woody Allen à un Fioravante/Turturro, inquiet sur sa capacité à séduire.

John Turturro, qui avait reçu à Cannes le prix d'interprétation en 1991 pour Barton Fink, continue d'alterner comme acteur films d'auteurs et grosses productions: il sera à l'affiche en fin d'année d'Exodus de Ridley Scott.