Dans son élan d'enthousiasme, Ariel Zeitoun n'avait pas bien mesuré l'ampleur du mythe auquel il se confrontait en proposant une nouvelle version d'Angélique marquise des anges. Le public français n'a pas suivi.

Il est toujours délicat de proposer au public une nouvelle version d'une histoire déjà inscrite à jamais dans l'imaginaire collectif. Chez nous, les artisans de Séraphin: Un homme et son péché (Charles Binamé) et d'Aurore (Luc Dionne) ont eu de la veine. Le public québécois a en effet été assez curieux pour se rendre en masse dans les salles, même s'il avait toujours en mémoire les personnages des plus vieilles productions. Et surtout, l'image des acteurs qui les incarnaient.

Ariel Zeitoun a eu moins de chance avec son Angélique. Même si elle remonte aux années 60, la série de films tirés du roman d'Anne Golon demeure encore très présente à l'esprit du public français.

«Effectivement, c'est une erreur d'avoir cru qu'une nouvelle adaptation pouvait être proposée et bien accueillie, reconnaît le cinéaste, aussi producteur émérite. Je n'avais pas bien réfléchi à ça. On peut s'attaquer à un mythe quand l'oeuvre d'origine traverse le temps. Par exemple, de nombreuses adaptations de La Belle et la Bête peuvent coexister sans problème. On remonte aussi régulièrement des pièces classiques au théâtre. Dans le cas d'Angélique, j'avais mal mesuré à quel point le succès des films était attribuable aux deux acteurs qui incarnaient les personnages principaux: Michèle Mercier et Robert Hossein. Autrement dit, ce n'est pas l'histoire qui est mythique - les livres ont été des best-sellers grâce aux films -, mais plutôt son incarnation. Se battre contre ça devient alors un peu compliqué.

«Cela m'a fait penser à la série des James Bond, poursuit-il. Quand Sean Connery a été remplacé, bien des admirateurs de la première heure ont cru que la franchise était morte. Or, elle est aujourd'hui plus vivante que jamais. Les vieux épisodes coexistent très bien avec les nouveaux dans l'esprit des gens. Malheureusement, cette cohabitation ne semble pas être possible avec Angélique. C'est en tout cas ce qu'a indiqué le public français. Il est clair que je ne sors pas vainqueur du duel pour l'instant!»

Plus fidèle au livre

L'idée d'offrir une version plus moderne d'Angélique tenait pourtant bien la route sur papier. D'autant que l'auteure Anne Golon, aujourd'hui âgée de 91 ans, avait là l'occasion de voir sur grand écran une version beaucoup plus satisfaisante pour elle que la série qui fut tirée de ses romans dans les années 60.

«Il a fallu la convaincre, mais j'y suis parvenu, explique Ariel Zeitoun. Je souhaitais être plus fidèle au premier livre dans mon approche. Quand vous lisez les romans - il y en a assez pour meubler une série télé pendant des années -, vous vous rendez compte à quel point ils sont riches sur le plan historique. Et bien documentés. Il y avait même dans le récit des éléments suggérés, que j'ai pu développer à ma manière. Par exemple, Angélique refuse le mariage pour d'autres raisons que la simple disgrâce physique de celui à qui on aurait voulu la promettre. Déjà dans le roman et les vieux films, Angélique était bien en avant de son temps. Les femmes du XXe siècle, et maintenant du XXIe, peuvent se reconnaître dans cette héroïne du XVIIe.

Coproduction et liens historiques

Coproduction européenne tournée dans de nombreux pays, Angélique met en vedette Nora Arnezeder, révélée par Faubourg 36. Gérard Lanvin a de son côté hérité du rôle de Joffrey de Peyrac, cet homme à qui elle refusera le mariage, mais dont elle tombera néanmoins progressivement amoureuse. Dans l'imposante distribution qui les entoure, notons aussi les présences de Tomer Sisley, David Kross, Simon Abkarian et Mathieu Kassovitz.

«Grâce aux liens historiques entre la Russie et la France, Angélique a été immensément populaire là-bas, se plaît à faire remarquer Ariel Zeitoun. La série a aussi été très prisée dans les pays de l'Est.

«Or, j'ai appris que cette popularité venait en partie du fait que sous les anciens régimes communistes, les gouvernements programmaient des films d'Angélique à la télé dès que pointait un mouvement de contestation. De cette façon, les femmes et les familles restaient devant leur poste. C'est horrible! Comme des films de propagande! Avoir su cela, je ne suis pas convaincu que ce projet de nouvelle adaptation aurait vu le jour!»

Alors qu'en France, le film d'Ariel Zeitoun porte pour titre le simple prénom de l'héroïne, on ajoute au Québec le titre du roman dont le récit est tiré, histoire de bien situer une oeuvre qui, sur nos rives, n'est pas ancrée de la même façon dans notre imaginaire.

Angélique, marquise des anges prend l'affiche le 21 mars.

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