Si vous allez voir Elle, version française de Her, le nouveau film de Spike Jonze, c'est la voix de Julie Le Breton que vous entendrez dans le rôle de Samantha, interprétée par Scarlett Johansson dans la version originale anglaise. Les deux actrices sont la voix du système d'exploitation intelligent dont le personnage de Theodore (Joaquin Phoenix) tombe amoureux.

«Oui, j'ai un peu l'impression d'avoir joué avec Joaquin Phoenix, dit en riant Julie Le Breton, qui ne fait pourtant pas de doublage d'habitude. Comme c'était plus que du doublage, puisqu'il fallait créer un personnage de toutes pièces, j'ai auditionné pour le rôle. La direction de la production cherchait une voix qui aurait un peu le timbre de celle de Scarlett Johansson.»

Hormis des doublages de sa propre voix, c'était la première fois que Julie Le Breton travaillait à un projet de cette envergure. «Je regardais les scènes et j'étais tellement prise dans l'histoire que j'avais hâte de continuer à regarder le film», raconte-t-elle.

A-t-elle donné la réplique à la voix française de Theodore (Daniel Picard)? «Malheureusement, j'étais seule avec le directeur de plateau (Olivier Reichenbach) et la technicienne, répond-elle. Mais on a vraiment trouvé l'essence de ce que fait Scarlett Johansson en anglais. Le micro était très proche de moi, comme si je chuchotais à l'oreille de quelqu'un. Il fallait créer cette intimité avec le personnage de Theodore.»

Comme Scarlett Johansson a été dirigée par le réalisateur Spike Jonze, la comédienne québécoise a donc vraiment étudié la voix de la star américaine pour cerner l'émotion et les nuances qu'elle apporte au personnage. «La commande était de jouer ce personnage comme quelqu'un d'humain. Il fallait que la voix transmette notre chaleur, notre empathie, notre compassion, notre capacité à rire et à aimer.

«Plus le personnage de Samantha évolue, plus son humanité devient noire, poursuit Julie Le Breton. Au début, il y a plus de lumière et de joie parce qu'elle découvre le monde. C'est comme une naissance. Puis il a fallu trouver un moment pivot où ses questionnements et ses angoisses dépassent même ce que peuvent ressentir les humains. À un moment donné, sa quête dépasse le personnage de Theodore.»

Le «corps» d'une voix

Julie Le Breton admet que le petit grain de sa voix a sans doute intéressé les producteurs. «On a vraiment exploré le craquant de ma voix. Habituellement, dans les doublages, on reprend l'enregistrement lorsque la voix se casse, mais là, on a vraiment cherché cette sonorité qui donnait de la chaleur et de la sensualité au personnage.»

Difficile d'incarner un personnage qui n'a pas de corps? «Oui, répond la comédienne. Habituellement, on a des repères avec le corps d'un acteur qu'on double. On voit les larmes, la peau qui rougit. Là, tout devait passer par la voix. Ils ont même des relations sexuelles. Il a donc fallu aller dans des zones très charnelles... C'était fascinant.

«Dans ma tête, Samantha avait un corps, estime Julie Le Breton. Je devais bouger énormément sur le plateau pour faire passer toutes ses émotions.»

Julie Le Breton n'aura pas trop le temps de rêver à ses dialogues amoureux avec Joaquin Pheonix. À partir de cette semaine, au Théâtre Denise-Pelletier, elle incarnera le personnage de Marie Tudor dans la pièce du même nom. En février, elle sera la marquise de Merteuil dans Les liaisons dangereuses (chez Duceppe). On pourra aussi la voir dans la série Les beaux malaises à TVA.