Ron Howard carbure à la passion, celle du cinéma. Peter Morgan aussi. Le réalisateur et le scénariste ont trouvé leur pareil quand le projet Rush les a réunis au son du vrombissement des moteurs sur fond de ces années 70 où, sur les circuits de Formule 1, la mort n'était pas un concept, mais une réalité. Discussion... passionnée.

«Les pilotes ne meurent plus maintenant, ce qui est très bien pour eux et pour leurs familles. Mais ça a changé l'atmosphère et le sport», a indiqué, avec un humour bien anglais, le scénariste britannique Peter Morgan (The Queen, Frost/Nixon) lors de rencontres de presse tenues pendant le Festival international du film de Toronto.

En fait, il n'aurait peut-être pas consacré quelques années de sa vie à écrire et à produire un film sur la Formule 1 telle qu'elle se vit aujourd'hui. Mais les années 70, avec leurs drames et leurs personnages excessifs, ont ces ingrédients avec lesquels on fabrique des longs métrages qui parlent au public.

Il y a tout cela dans Rush, biographie filmée qui suit, en 1975-1976, la «collision» idéologique de deux pilotes de Formule 1 que tout - physique, philosophie, vision du sport, mode de vie - oppose et qui luttent pour remporter le championnat: l'Anglais James Hunt, flamboyant, baveux, homme à femmes, prêt à tout derrière le volant; et l'Autrichien Niki Lauda, sérieux, sombre, mécano accompli, adepte de la sécurité dans un sport où la vie rencontrait trop souvent la mort. Il la frôlera d'ailleurs en Allemagne, en 1976, dans un terrible accident qui a marqué les esprits, le laissera défiguré, mais dont il se relèvera en six semaines pour retourner sur le circuit.

Rush raconte ces deux hommes qui, au-delà de la rivalité, s'admiraient, en un temps où «le risque véritable de mourir attirait les têtes brûlées, les joueurs, les têtes fortes, les types un peu fêlés, sûrs qu'ils pouvaient déjouer le sort», se souvient Peter Morgan. Qui ne parle pas (que) de ceux qui assistaient aux courses avec l'espoir de voir un accident horrible, mais de ceux qui s'installaient dans ces bolides se transformant régulièrement en cercueils.

«La Formule 1 est un sport plus sûr et plus civilisé aujourd'hui, mais, d'une certaine manière, les Lauda et Hunt ont couru dans ce qu'on peut voir comme son âge d'or», croit Ron Howard. Qui, comme une grande partie de la population américaine, n'était pas particulièrement amateur de Formule 1 avant cette aventure mettant en scène James Hunt, mort d'une crise cardiaque en 1993 à l'âge de 45 ans, «qui faisait taire son angoisse par les excès en tous genres», résume Peter Morgan; et Niki Lauda, légende bien vivante, toujours très actif dans le milieu de la Formule 1, qui surmontait la tension et la pression «en vivant une vie rangée, en se couchant tôt, en visualisant mètre après mètre le circuit qu'il aurait à affronter le lendemain et, seconde après seconde, les gestes qu'il aurait à exécuter».

L'ex-pilote a été un puits de renseignements sans fond pour Peter Morgan qui, à l'écriture, s'est attardé à la relation entre Hunt et Lauda pour des raisons pratiques. «Dans ma tête d'Anglais, avec le peu d'argent que nous avons pour faire des films, je pensais devoir me débrouiller avec 15 livres [environ 25$] pour le tournage. Reconstituer les courses ne pouvait pas faire partie de mon plan», ironise-t-il. Sauf que des Américains sont entrés dans le jeu. Entre autres Ron Howard, qui est toujours intéressé par les personnages - il l'a prouvé avec Cinderella Man, Apollo 13 et autres Beautiful Mind, qui mettent l'être humain devant la boxe, l'aventure spatiale ou même les exploits mathématiques.

Sans avoir le budget d'une superproduction, Rush est ainsi devenu «de l'Europe et de l'Amérique, dit le réalisateur. Il y a le refus, dans le scénario de Peter, d'avoir un bon et un méchant, une structure qui ne correspond pas à la grille hollywoodienne et une cinématographie que l'on a voulue granuleuse, «sale» et «progressiste». Le tout en utilisant des équipes de pointe pour la technologie, les effets spéciaux, les cascades, la direction artistique. Histoire de donner au spectateur l'impression non seulement de (re)vivre les années 70, mais d'assister aux courses, et même d'être au volant.

Mais Ron Howard ne se leurre pas: les grands studios avec lesquels il est habitué de travailler auraient probablement pris cette histoire et l'auraient transformée pour la faire entrer dans le moule. «On aurait alors perdu la vérité du récit même si, je crois, c'est grâce à cette vérité que les gens vont aimer ce film, pour ces rebondissements déroutants, mais logiques», conclut celui qui pense qu'un long métrage comme A Beautiful Mind ne se ferait peut-être pas aujourd'hui. «À moins de tomber sur quelqu'un qui aime, vraiment, les histoires.» Et les humains qui les font. C'est son cas, et celui de Peter Morgan.

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Rush prend l'affiche le 27 septembre.