Dans ce film qui amorce peut-être un nouveau courant pour la comédie française au cinéma, Alain Chabat se glisse dans la peau d'un homme qui souhaite revivre son adolescence.

Avec le collectif Les Nuls, Alain Chabat a incarné au tournant des années 90 le renouveau de l'humour français. La cité de la peur, gratifié d'un très grand succès populaire dans l'Hexagone, a imposé l'«esprit Canal"» au cinéma. Vingt ans plus tard, voici qu'arrive Les gamins, petite production sans prétention qui pourrait bien imposer un nouveau ton dans le domaine de la comédie réalisée en France.

Alain Chabat y tient la vedette en compagnie du jeune humoriste Max Boublil. Dans un récit distillant un genre d'humour que ne renierait pas l'écurie de Judd Apatow, deux humoristes issus de générations différentes se font complices.

«Il y a une belle fraîcheur dans tout ça, a reconnu Alain Chabat au cours d'un entretien téléphonique accordé à La Presse plus tôt cette semaine. Le premier objectif de ce film est de faire rire, de divertir, mais il en reste quand même quelque chose à la fin. C'est le genre de truc qui remet le moral. On en a bien besoin en ce moment!»

Le vétéran incarne Gilbert, quinqua dépressif qui décide de tout plaquer un jour, y compris sa femme (Sandrine Kiberlain). Il entraîne avec lui son futur gendre Thomas (Boublil), allant jusqu'à pousser ce dernier à renoncer au mariage prévu avec sa fille (Mélanie Bernier). S'entendant comme larrons en foire, les deux nouveaux amis mènent parallèlement une vie faite de fêtes, de rencontres faciles, bref ils vivent comme s'ils étaient des ados, sans prendre la moindre responsabilité sur leurs épaules.

«Un personnage qui part de très bas pour ensuite s'éclater comme un gamin, c'est très jubilatoire à jouer! indique Alain Chabat. Gilbert explose sans se soucier du tout des conséquences, mais se voit quand même obligé d'y faire face à un certain moment. Plusieurs hommes dans la cinquantaine sont venus me voir pour me dire que leur vie ne ressemblait pas à celle qu'ils avaient imaginée. Quand on m'a fait lire le scénario, j'ai beaucoup ri, mais j'ai aussi trouvé qu'il y avait là un vrai sujet. J'ai rappelé Anthony Marciano dès le lendemain pour lui faire part de mon intérêt. À partir de là, tout s'est enchaîné très rapidement.»

En tandem

Anthony Marciano, qui signe ici son premier long métrage, a écrit le scénario des Gamins avec Max Boublil. Les deux hommes travaillent ensemble depuis quelques années, notamment aux spectacles qu'offre l'humoriste, mais aussi en composant des chansons. Certaines d'entre elles ont notamment fait de Boublil une vedette de l'internet. Ce projet de cinéma a été conçu spécifiquement pour le jeune acteur et scénariste, mais le rôle du futur beau-père a aussi été écrit pour Alain Chabat.

«C'est ce qu'on m'a dit quand on m'a donné le scénario à lire, précise l'acteur. Remarquez que cela ne change rien pour moi. Si le scénario n'est pas bon, je dis non, même s'il a été écrit pour moi.»

Heureusement pour Marciano, le courant a tout de suite passé entre eux. Le cinéaste débutant n'aurait pas eu l'intention de réaliser le film lui-même au départ. Alain Chabat l'a convaincu de faire le pas.

«Je n'ai pas d'instinct particulier, mais, dans ce cas-là, j'ai vraiment senti qu'il y avait quelque chose. En discutant avec Anthony, je me suis rendu compte très vite qu'il avait une vision très précise de ce qu'il voulait, et une vision tout aussi précise de ce qu'il ne voulait pas. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il était un peu en rade; les réalisateurs qu'il avait rencontrés auparavant lui avaient tous proposé une vision qui ne lui convenait pas. Je l'ai donc encouragé à passer derrière la caméra. Je suis très heureux de l'avoir fait, car il a été super!»

Facteur de risque

À titre de réalisateur, Alain Chabat compte à son actif le plus grand succès de la franchise Astérix. Célébré autant par la critique que par le public, Astérix et Obélix: Mission Cléopâtre trône confortablement au-dessus des trois autres chapitres, tous réalisés par des équipes différentes. «Honnêtement, je n'aurais jamais pu prévoir que le film aurait un tel impact, dit-il. Je ne m'en suis rendu compte que deux ou trois ans après la sortie du film!»

Quant au débat sur l'état du cinéma français qui a fait rage au cours des derniers mois dans le milieu du cinéma - là-bas aussi on s'interroge -, Chabat a préféré jouer la carte de la discrétion.

«Cette discussion m'est surtout apparue inintéressante, confie-t-il. Dès que les chiffres sont moins bons, on ressort ce vieux débat de façon récurrente. J'ai d'ailleurs fait un peu de ménage récemment dans mes archives et je suis tombé sur des articles publiés il y a 10 ou 15 ans. On y soulevait exactement les mêmes questions. Le cinéma n'est pas une science exacte. C'est d'ailleurs ce qui en fait la beauté. Il y a un facteur de risque, c'est certain. Ceux qui entament l'écriture d'un film aujourd'hui verront le fruit de leur travail dans deux ans. Or, qui peut prédire quelle sera l'humeur du public en 2015? Personne.»

Ayant enchaîné plusieurs tournages en tant qu'acteur après la réalisation de Sur la piste du Marsupilami (dans lequel il tenait aussi un rôle à l'écran), Alain Chabat compte aujourd'hui prendre une pause.

«Je n'ai aucun projet précis pour l'instant. Je m'attellerai peut-être à l'écriture d'un nouveau film à l'automne. Il me reste juste à trouver une idée!»

Les gamins prend l'affiche le 17 mai.