Dans cette comédie ancrée dans l'air du temps, l'actrice incarne une vieille dame raciste qui boucle ses fins de mois en vendant de la drogue. Portrait social en prime.

Quand elle a lu le scénario de Paulette, Bernadette Lafont a eu une réaction viscérale. Du genre de celles qui surviennent peu de fois dans une carrière d'actrice. À vrai dire, l'égérie de la Nouvelle Vague - inoubliable dans La maman et la putain - n'avait pas cru autant en un projet depuis plus de... 40 ans!

«La dernière fois que j'ai été aussi convaincue, c'était pour La fiancée du pirate de Nelly Kaplan, a révélé l'actrice au cours d'une entrevue récente à Paris. C'était à la fin des années 60. Ce film constituait pour moi une nouvelle étape après quelques années plus floues. Quand j'ai lu le scénario de Paulette, je me suis dit que ce rôle m'était destiné. Il fallait absolument que je le décroche. J'ai même pris l'initiative de téléphoner au producteur pour lui faire part de mon enthousiasme. J'ai ensuite rencontré le réalisateur, Jérôme Enrico, que je ne connaissais pas du tout. Tout s'est construit à partir de là.»

Une autre nature

Cette fameuse Paulette, qui donne son nom au film, ne pourrait pourtant pas être plus éloignée de la nature de l'actrice. Raciste, aigrie, teigneuse, Paulette est une vieille dame acariâtre, nostalgique d'une France qui n'existe plus. À peine capable de survivre avec sa maigre retraite, cette veuve trouve la solution à ses problèmes financiers quand elle voit des jeunes se livrer à un trafic illicite en bas de l'immeuble crade où elle habite. Pour arrondir ses fins de mois, la vieille malcommode vendra du pot dans sa cité de banlieue parisienne.

Paulette emprunte ainsi délibérément les contours d'une comédie sociale. L'idée est de grossir le trait, bien sûr, mais pas tant que ça. Le réalisateur Jérôme Enrico, qui enseigne la scénarisation à l'ESEC (École supérieure d'études cinématographiques), s'est d'ailleurs fait suggérer le sujet par une étudiante. Inspiré d'un fait divers impliquant une vieille revendeuse de drogue, le scénario fut ainsi écrit de façon collective.

Même si le film aborde des sujets qui, a priori, peuvent «faire peur», le projet n'a eu aucune difficulté à trouver preneur. Très peu de temps s'est écoulé entre l'étape de l'écriture et celle du tournage.

«Je crois que la clé réside dans la bienveillance du scénario, souligne Bernadette Lafont. À la lecture, il était déjà évident qu'une grande humanité se cachait au fond de ce personnage en apparence rustre. Pendant la préparation du film, nous avons beaucoup discuté, Jérôme et moi, de l'équilibre qu'il fallait trouver afin que cet aspect-là du personnage soit immédiatement perceptible. Même si Paulette apparaît un peu détestable au départ, on sent bien que ses difficultés viennent de quelque part. Et elle n'est pas toute seule. Tous les personnages ont quelque chose d'un peu ridicule, mais aussi quelque chose d'aimable. Tout le monde est dans le même bateau, dans la même merde. Il n'y a pas les bons d'un côté et les méchants de l'autre.»

Dans l'action

Jérôme Enrico (L'origine du monde), fils de Robert (Le vieux fusil), précise de son côté avoir voulu s'éloigner du caractère didactique qu'une telle histoire aurait pu avoir.

«J'ai tenu à ce qu'il y ait du rythme, dit-il. Je voulais éviter l'aspect psychologisant dans lequel les films français tombent parfois. Paulette est dans l'action. Elle n'a pas le temps de penser, trop occupée à assurer sa survie. Elle est comme la vaste majorité des gens, d'ailleurs. Elle n'a pas le luxe de se laisser aller à l'analyse. Elle s'exprime par l'action plutôt que par la parole.»

«Il s'agit d'un film qui parle du monde dans lequel on vit, ajoute Bernadette Lafont. Et nous avons trouvé le dosage entre la comédie et le drame en discutant ensemble. On ne voulait pas tomber dans le drame social trop lourd, ni faire une pantalonnade. Il fallait trouver le juste milieu. Je suis très fière de ce que nous avons fait.»

Paulette prend l'affiche le 12 avril.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.