Dans le film chilien No, l'acteur incarne un brillant publicitaire recruté pour orchestrer la campagne du Non en vue du référendum commandé par le dictateur Pinochet en 1988.

Gael García Bernal est mexicain. En une dizaine d'années, l'acteur est pratiquement devenu la figure de proue du cinéma socialement engagé produit en Amérique latine. D'Amores Perros à Même la pluie, de The Motorcycle Diaries à No, celui qui s'est travesti pour Almodovar dans La mauvaise éducation n'a de cesse de se fondre dans différents univers. Au dire du réalisateur Pablo Larrain, son accent chilien serait même impeccable dans No.

Dans ce film passionnant, finaliste aux Oscars dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère (avec Rebelle notamment), Gael García Bernal se glisse dans la peau d'un jeune et brillant publicitaire recruté en 1988 par le camp du Non pour orchestrer une campagne référendaire au Chili.

Cédant à la pression internationale, le dictateur Augusto Pinochet, 15 ans après le putsch qui l'a porté au pouvoir, a en effet organisé cette année-là un référendum pour confirmer sa légitimité auprès de son peuple. Une simple formalité, en principe.

En concevant sa campagne de la même façon que pour promouvoir une marque de boisson gazeuse, ce jeune René Saavedra déjouera tous les pronostics. Et amènera le camp du Non à la victoire.

«Saavedra utilise les moyens à sa disposition pour concevoir des messages joyeux et optimistes destinés à une population désespérée, a précisé l'acteur au cours d'une rencontre au Festival de Toronto. C'est d'ailleurs ce qui m'a plu chez lui. Il est d'abord apolitique. Au départ, il ne pense pas pouvoir déjouer une campagne que tout le monde savait frauduleuse. Puis, il se met à y croire. Et s'engage de plus en plus. Il s'est battu au nom de ceux qui ont vécu des drames à cause de ce régime.»

L'acteur dit avoir été intéressé par le thème du film, mais la perspective de travailler en collaboration avec le réalisateur Pablo Larrain était tout aussi enthousiasmante à ses yeux.

«Avant No, Pablo n'était pas aussi connu sur la scène internationale, mais il montrait déjà clairement, dans ses films précédents, un style, un point de vue, une approche personnelle. Il fait partie de ces cinéastes qui peuvent orchestrer différentes tonalités dans une même scène. Il peut aussi mélanger le sublime et le dérisoire grâce à un humour très particulier, parfois décapant.»

Du cinéma plus engagé

Gael García Bernal fait aussi valoir l'avancée du cinéma latino-américain en terrain plus engagé. Le phénomène ne date pas d'aujourd'hui, mais l'acteur estime qu'il s'est accru depuis une quinzaine d'années.

«Il est pratiquement impossible de faire abstraction de la politique en Amérique latine, car elle fait partie de notre vie quotidienne, dit-il. Tout est lié de façon complexe, que ce soit sur le plan social, religieux ou sexuel. Une chose est certaine, la société mexicaine - je parle de celle-là, car il s'agit de celle que je connais le mieux - a beaucoup changé en très peu de temps. Il ne s'agit plus du tout de la société dans laquelle mes parents ont grandi. La culture n'est plus la même non plus. Avant, on ne produisait que des mélos et des telenovelas. Aujourd'hui, on aborde de vrais enjeux de société.»

No expose aussi la façon «moderne» d'organiser des campagnes électorales, puisée à même les préceptes publicitaires.

«On ne vote plus pour des idées, mais pour des images, fait remarquer Gael García Bernal. Il en est ainsi de n'importe quelle élection maintenant. On remarque d'ailleurs que les gens ne votent plus en faveur de quelqu'un ou d'un parti, mais plutôt contre les gens qui détiennent le pouvoir. Peu importe la qualité des opposants. Nous sommes dans le rejet. On nous vend la démocratie comme un événement ponctuel qui s'exerce lors d'une élection, mais ce n'est pas aussi simple. Une élection ne règle pas tout. La démocratie est une affaire de tous les jours. Elle s'exerce aussi à travers l'action sociale, l'engagement, les manifestations dans les rues.»

L'acteur soutient en outre que son travail de comédien a fortement influencé son action citoyenne.

«Des films comme Amores Perros et The Motorcycle Diaries m'ont ouvert de nouvelles perspectives. Ils m'ont éveillé sur des questions sociales et politiques. Je peux en dire autant de No

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No prend l'affiche le 22 mars en version originale espagnole (accent du Chili) avec sous-titres français.