Foulant le sol japonais pour la toute première fois de sa vie, Gabriel Arcand a vécu le tournage de Karakara comme une expérience de vie.

On dit souvent de Gabriel Arcand qu'il se fait «rare» au cinéma. Chacune de ses performances semble d'ailleurs marquer les esprits. Des Plouffe à Congorama, en passant par Le déclin de l'empire américain ou Post Mortem, l'acteur propose souvent d'étonnantes compositions. Peu présent dans les médias, Gabriel Arcand s'affiche pourtant volubile et enjoué en entrevue, à mille lieues de l'image de l'acteur «tourmenté et secret» qui lui colle souvent à la peau.

«Je ne fais pas de la rareté un principe, dit-il. Mon engagement envers un film dépend d'abord du scénario. Ensuite, il faut voir si le rôle qu'on me propose convient à ma personnalité d'acteur. Et puis, un tournage de film est une expérience intense. Il faut aussi que tu aies envie de travailler en étroite collaboration avec les gens qui sont engagés dans le projet. J'aime trop le cinéma pour tenir à en faire à tout prix. Je n'ai pas le sens de la carrière très développé non plus!»

Arcand, dont les activités théâtrales sont aussi prenantes, n'exprime d'ailleurs aucun regret sur les rôles qu'il a laissés à d'autres, même si les résultats furent parfois probants. «Jean-Claude Lauzon m'avait offert Un zoo la nuit, mais j'ai décliné parce que je trouvais le scénario farci de violence gratuite. C'était ma perception d'être humain à ce moment-là, à l'âge que j'avais. La performance de Gilles Maheu dans ce film est bien meilleure que celle que j'aurais pu offrir. Cet univers était tellement décalé du mien que je n'aurais pu faire autrement que de me rabattre sur une sorte de caricature. J'ai beaucoup aimé le film, mais le rôle n'était clairement pas pour moi.»

«Quand tu lis un scénario, poursuit-il, tu entres dans l'univers de quelqu'un, dans ses émotions, son intimité, dans tout ce qu'il est en tant que personne. Il faut que tu adhères aux émotions de l'auteur autant qu'à celles du personnage que tu as à jouer.»

Une quête existentielle

Dans Karakara, le nouveau film de Claude Gagnon (à l'affiche aujourd'hui), Gabriel Arcand se glisse dans la peau de Pierre, un professeur à la retraite toujours endeuillé par la perte de son meilleur ami. Pour faire le point sur son existence, et peut-être trouver un réconfort spirituel, il se rend à Okinawa au Japon. Sa rencontre avec Junko (Youki Kudoh), une femme fuyant un mari violent, viendra toutefois modifier son plan de voyage.

«Je connaissais déjà Claude puisque nous avions travaillé ensemble pour le téléfilm Pour l'amour de Thomas il y a plusieurs années, rappelle l'acteur. L'an dernier, alors qu'il était au Japon, Claude m'a annoncé qu'il me faisait parvenir un scénario. Je l'ai lu. Ça m'a plu. Quand il est rentré à Montréal, il m'a initié au Qi gong, une discipline qu'il maîtrise très bien. Tous les matins, nous avions notre séance de Qi gong au parc La Fontaine et nous parlions du film ensuite.»

Sans être autobiographique, le film évoque quand même un questionnement existentiel qui s'apparente à celui de l'auteur cinéaste au lendemain de la perte d'un grand ami comédien. Luc Matte fut d'ailleurs la tête d'affiche de deux films de Claude Gagnon: Larose, Pierrot et La Luce, et Visage pâle.

Le charme des paradoxes

Pour Gabriel Arcand, ce tournage au Japon fut aussi une expérience de vie. À la fois enrichissante et exténuante. Il a en outre eu le privilège de passer quelques jours dans l'atelier de Toshiro Taira, une tisserande nonagénaire considérée comme un trésor national là-bas. Sa rencontre avec Pierre dans le film se révèle déterminante.

«C'est un peu un road movie tropical, dit l'acteur. Nous changions d'hôtel pratiquement tous les deux jours. Pour un baptême asiatique, c'était quelque chose. Cela dit, mon expérience diffère beaucoup de celle d'un touriste puisque j'étais pris en charge. Grâce à des gens de l'équipe, j'ai pu côtoyer les Japonais de très près, et visiter des endroits auxquels je n'aurais pas eu accès autrement. Au premier abord, je dirais que le plus grand charme des Japonais réside dans leurs paradoxes. Ils sont farouchement indépendants, mais ils se montrent en même temps accueillants au-delà de la raison. Recevoir ces deux signaux en même temps est d'ailleurs un peu mêlant!»

Gabriel Arcand s'apprête maintenant à vivre une autre aventure, au lac Saint-Jean cette fois. Dans Le démantèlement, prochain film de Sébastien Pilote (Le vendeur), il a en outre à s'occuper de deux troupeaux de 500 moutons.

«Je me suis déjà exercé!, dit-il fièrement. Je sais que cette expérience sera aussi exaltante que celle de Karakara. Ces moments sont si exceptionnels que j'ai toujours un peu de mal à retrouver ma propre vie ensuite!»

Karakara prend l'affiche aujourd'hui.