Dix ans ont passé depuis son dernier long métrage, La turbulence des fluides. Dix années où la cinéaste Manon Briand n’a pas tourné. Elle a pourtant écrit sans relâche, mais ses projets sont tombés à l’eau un par un. Et puis un jour est arrivé Liverpool.

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«J’ai écrit le film dans un instant de désespoir créatif parce que mes projets ne passaient pas, et il fallait que je survive, dit Manon Briand de sa voix posée. Je suis revenue chez moi et j’ai écrit la prémisse de l’histoire en quelques jours, dans une espèce d’urgence.»

Ironiquement, toutes ces années enfermée dans un bureau auront joué un rôle dans la genèse de son troisième long métrage. «Quand on écrit, on procrastine aussi beaucoup, avoue Manon Briand avec un sourire. Et la nouvelle forme de procrastination, c’est d’aller sur l’internet.» Ce qui a eu l’heur de faire réfléchir la cinéaste sur la place de la technologie et des médias sociaux dans nos vies.

«On dirait que la technologie a fait de nous des êtres très publics, mais aussi très solitaires, dit-elle. Comment fait-on pour se rencontrer quand on est jeune, naïf et un peu timide? Comment ça marche, l’amour, dans une société 2.0?»

Le film raconte l’histoire d’Émilie (Stéphanie Lapointe), fraîchement débarquée dans la grande ville. Préposée au vestiaire dans un bar branché, le Liverpool, elle se mettra involontairement les pieds dans les plats en voulant aider une cliente victime de surdose.

Celle-ci, transportée d’urgence à l’hôpital, ne viendra jamais récupérer son manteau au vestiaire. Émilie décide d’aller le lui porter, et mettra ainsi le doigt dans un terrible engrenage... Heureusement, elle pourra compter sur l’aide d’un client du bar, Thomas (Charles-Alexandre Dubé), follement amoureux d’elle mais trop timide pour oser lui parler.

Ensemble, dans la petite Fiat 500 turquoise de Thomas, ils tenteront de faire la lumière sur cette histoire trouble. Et apprendront à se connaître, en accéléré.

Émilie possède «un petit côté altruiste à la Amélie Poulain», note son interprète, Stéphanie Lapointe. Et selon Manon Briand, l’empathie dont fait preuve l’héroïne est de plus en plus rare de nos jours.

«Émilie arrive du bois, littéralement. D’un lieu où il n’y a pas d’internet ou presque. Elle a encore des valeurs anciennes, de celles où on fait attention à la personne qui est devant nous, même si on ne la connaît pas.»

Stéphanie Lapointe (Aurore, La peur de l’eau) se glisse dans la peau de son personnage avec sa sensibilité habituelle. «J’ai d’abord trouvé Stéphanie, puis j’ai cherché un vis-à-vis masculin, explique Manon Briand. C’était une équation à résoudre: plus que 1 + 1, c’était vraiment le couple qui comptait davantage.»

Puis, elle a mis la main sur Charles-Alexandre Dubé, qui incarne Thomas avec un naturel désarmant. «S’il y a une chose dont je n’ai jamais douté, c’est bien de ce match-là. Ils sont complètement craquants tous les deux.»

Ironie de l’époque

Le titre Liverpool ne sort pas de nulle part : la chanson du même nom popularisée par Renée Martel en 1967 s’est révélée une inspiration pour la cinéaste. Sans surprise, la mélodie accrocheuse a joué en boucle «plusieurs milliers de fois» dans ses oreilles pendant le processus d’écriture. «Et je l’écoute encore! C’est un classique indémodable.»

L’aspect rétro fait d’ailleurs constamment face au moderne dans le film. «C’est ça, l’ironie de l’époque : on n’a jamais été aussi technologiques, mais on a une nostalgie de choses qu’on n’a pas connues», avance Manon Briand.

Le film s’intéresse aussi à l’impact des réseaux sociaux dans nos vies, et à la mobilisation qu’ils peuvent entraîner. Drôle de coïncidence: Manon Briand a écrit son film il y a trois ans, bien avant le Printemps arabe et la crise étudiante qui a secoué le Québec.

«À l’époque, rien de tout ça n’était encore arrivé!», affirme-t-elle, encore surprise par la tournure des événements. Mais à ses yeux, seul le résultat compte. «En ce moment, il y a un bouleversement social. Les gens sont capables, au Québec, de se lever.»

Louis Morissette est David

David est un homme d’affaires dont le père, mourant, veut rencontrer sa fille qu’il n’a jamais connue. Inquiet de devoir partager l’héritage, David s’embourbera dans une histoire louche à laquelle Émilie sera mêlée malgré elle. Un point commun avec son personnage? S’il n’était pas devenu humoriste, Louis Morissette aurait sûrement pris la relève de son père à la tête de l’entreprise familiale.

«Je peux comprendre la dynamique de David avec son père. De vouloir prouver que toi aussi, tu es bon. Que non seulement tu es bon, mais que tu es meilleur.»

Stéphanie Lapointe est Émilie

Émilie arrive de la campagne, où l’internet est beaucoup moins présent dans le quotidien des gens. Au début, elle sera sceptique quant à l’apport des iPhone, iPad et autres gadgets employés par Thomas, mais les événements finiront par la convaincre de leur utilité. Un point commun avec son personnage? Tout comme Émilie, Stéphanie Lapointe était méfiante envers les réseaux sociaux à leurs débuts.

«Je me disais: on n’a déjà pas beaucoup de temps pour se parler dans la vie, et on va commencer à se parler sur l’internet? Mais c’est vrai que le Printemps arabe et la crise étudiante sont en train de nous donner une leçon sur la puissance de ces outils. Je suis la première à être impressionnée.»

Charles-Alexandre Dubé est Thomas

Thomas aurait voulu être journaliste, mais il travaille sur l’internet plutôt. Il passe ses temps libres au Liverpool, bar où travaille Émilie, en espérant un jour avoir le courage de lui parler.
Un point commun avec son personnage? Incarner Thomas a permis au comédien de passer beaucoup de temps derrière le volant d’une charmante Fiat 500 turquoise.

«Je l’ai conduite pour vrai, c’est génial! J’ai appris à faire démarrer une vieille Fiat.»