C'est l'histoire d'un réalisateur new-yorkais qui tombe amoureux de La Nouvelle-Orléans. C'est aussi l'histoire d'une communauté qui ne cesse de se relever, catastrophe après catastrophe, et qui, depuis longtemps, a fait la preuve de son courage et de sa grande résilience. Beasts of the Southern Wild, premier long métrage du jeune réalisateur de 30 ans, est un drame fantastique, terrible et magnifique.

«J'y suis allé une première fois pour tourner mon premier court métrage... Et je suis resté coincé là, si on peut dire, raconte Benh Zeitlin, joint à Toronto, où il assure la promotion de Beasts of the Southern Wild. Généralement, on s'enracine ailleurs parce qu'on tombe amoureux de quelqu'un. Mais cette fois, la personne est La Nouvelle-Orléans.»

«C'est un endroit rempli de courage, poursuit le jeune cinéaste. J'ai souvent remarqué, dans les endroits que j'ai visités, particulièrement aux États-Unis, un sentiment de peur. Une culture de la peur: tout ce qu'on peut montrer d'effrayant à la télé, cette façon qu'on a toujours de dire de craindre ceci ou cela, comme si on cherchait à contrôler les gens. À mes yeux, la Louisiane, La Nouvelle-Orléans, c'est un endroit sans peur. Il faut être courageux pour habiter là-bas, à cause de tout ce qui est arrivé, et cela a façonné les gens. J'y ressens un sentiment de liberté plus grand qu'ailleurs, ça m'a permis moi-même de faire des films plus audacieux.»

Beasts of the Southern Wild est un film qui traite du courage. Une leçon de détermination donnée par une fillette de 6 ans, Hushpuppy, rôle interprété par Quvenzhané Wallis. Plusieurs la voient déjà comme la plus jeune fille qui pourrait recevoir une nomination pour l'Oscar de la meilleure actrice dans l'histoire des Academy Awards.

C'est dire aussi l'impact qu'a déjà suscité le film. Beasts of The Southern Wild a été sacré Caméra d'or lors du plus récent Festival de Cannes - la section où était également présenté Laurence Anyways de Xavier Dolan. Le film de Benh Zeitlin a aussi remporté le Grand prix du jury (drame) lors du dernier Sundance Film Festival.

Bayou sauvage

Hushpuppy habite dans le Bathtub, un bayou non protégé par les digues, avec comme seul parent son père Wink. Ils vivent dans un état de pauvreté extrême. «Dans des conditions parfois réalistes, malheureusement. J'ai vu un endroit comme le Bathtub. Les gens du coin qui ont vu le film reconnaissaient leur décor.» Ils ne semblent cependant manquer de rien, se nourrissant de ce que la mer apporte. Une tempête tropicale devient un signe de la fin du monde dans le regard de la fillette qui, surmontant les épreuves grâce à l'éducation «à la dure» de Wink, se mettra à la recherche de sa mère disparue.

Hushpuppy et Wink (Dwight Henry), les rôles principaux, sont joués par de parfaits inconnus. Aucun acteur professionnel ne fait d'ailleurs partie de la distribution. «Je ne croyais pas que c'était possible de monter une distribution complètement amateur. On a déniché ces gens de façon très grassroots. Mes producteurs ont travaillé aux communications lors de la campagne électorale d'Obama, en 2008. Pour les pubs, ils allaient auprès des gens pour leur demander d'y figurer, et c'est un peu ainsi qu'on a procédé pour trouver nos acteurs, en distribuant des tracts, en visitant les écoles et les églises pour les inviter à auditionner.»

Katrina

Au fil du récit, on reconnaîtra les dilemmes auxquels ont fait face les réfugiés de l'ouragan Katrina, dont certains ont résisté avant d'être évacués.

«À mes yeux, l'histoire est plus large que le simple événement de Katrina, croit le réalisateur. La menace peut arriver chaque saison, avec n'importe quelle tempête. C'est la vie des gens de la région. Le monde entier a vu les effets de Katrina, mais avant, il y a eu Audrey (en 1957), Betsy (en 1965), et tant d'autres. Ça dure depuis que la Louisiane est habitée, et les dommages empirent chaque année. J'ai voulu faire un film sur ce que c'est de vivre dans un endroit qui peut nous emporter à tout moment.»

«On a survécu à Katrina, mais survivra-t-on aux prochains ouragans? Mon film porte sur cette incertitude, sur ce sentiment que tout peut finir en quelques minutes», conclut Benh Zeitlin.