La réalisatrice montréalaise Wiebke von Carolsfeld complète ces jours-ci le tournage de son film Stay dans le Mile End. Cette coproduction Canada-Irlande, qui mettra en vedette les acteurs américains Taylor Schilling et Aidan Quinn, compte aussi à son bord deux Québécois: Éric Bruneau et Pascale Montpetit.

Wiebke von Carolsfeld n'est pas très connue ici. Monteuse de plusieurs films et séries télé (dont Wrecked et Fugitive Pieces), la cinéaste d'origine allemande a fait paraître son premier long métrage, Marion Bridge, en 2002. Stay, adaptation du roman éponyme de l'auteure vancouvéroise Aislinn Hunter, est son deuxième film.

Stay relate l'histoire d'amour entre Abbey (Taylor Schilling) et Dermot (Aidan Quinn), professeur de plus de 20 ans son aîné. Ils habitent ensemble sur la côte ouest irlandaise jusqu'à ce qu'Abbey apprenne qu'elle est enceinte. Son amoureux refuse d'assumer cette paternité, et Abbey rentre chez elle à Montréal. Chacun cheminera durant cette période de séparation.

«Comme la plupart des films sont faits par des hommes, les relations amoureuses entre une jeune femme et un homme plus vieux sont toujours présentées du point de vue masculin. Là, c'est le regard d'une femme. Cela dit, dans la plupart des films, on ne fait même pas de cas de cette différence d'âge, qui va de soi, comme dans Yes Man, avec Jim Carrey. Dans mon film, ça fait partie de l'histoire. C'est important pour moi.»

Pourquoi avoir attendu aussi longtemps avant de refaire un film? «C'est dur de trouver du financement, répond-elle. Je pense que c'est aussi plus difficile pour les femmes, qui sont très peu nombreuses à réaliser des films. Et puis, j'ai travaillé comme monteuse sur plusieurs films, courts et longs, documentaires, etc. Je n'ai pas trouvé le temps de me consacrer à un projet personnel.»

C'est l'un des producteurs de Stay qui lui a proposé d'en faire l'adaptation. «J'ai lu le livre, et j'ai tout de suite accepté, raconte la réalisatrice. Moins pour l'histoire que pour les personnages du roman, qui sont vraiment intéressants. Au-delà de l'histoire d'amour entre ces deux personnes, c'est une histoire humaine, avec beaucoup d'humour aussi, où les personnages se cherchent un lieu où s'arrêter, un ancrage.»

Un peu à la manière de Café de Flore, l'action se déroulera à la fois ici et en Europe, en l'occurrence à Montréal et à Connemara, en Irlande.

Dans le livre de Hunter, la jeune femme est originaire de Windsor, en Ontario. Mais Wiebke von Carolsfeld s'est permis de transposer l'action à Montréal. «C'est génial, car ce n'est pas juste ma ville, c'est mon quartier, dit-elle. Et ce n'est pas un lieu qu'on masque. C'est le Mile End qu'on filme! Il y a des scènes rue Bernard, par exemple.»

Connemara plutôt que Dublin

Pour la portion irlandaise, la cinéaste a préféré Connemara à Dublin. Les 20 jours de tournage là-bas se sont faits sous la pluie. «Ça va être beau, dit-elle, mais ça n'a pas été facile. On a choisi de situer l'action à Connemara (dans l'Ouest), parce que ce n'est pas vert comme le reste du pays. Il n'y a pas de collines. Ce sont des falaises de roche, ça ressemble plus à l'Islande. Les gens y parlent gaélique. C'est un choix que j'ai fait pour l'adaptation, qui traduit bien les émotions que vivent les personnages.»

Les deux acteurs québécois ont de petits rôles, mais tout de même des rôles-clés.

Pascale Montpetit, qui a joué quelquefois en anglais, notamment dans les films H et Savage Messiah, pour lesquels elle a reçu des prix Genie, y interprétera le rôle de Céline, en couple avec Frank (Michael Ironside), le père d'Abbey. Comme l'héroïne, elle est en relation avec un homme plus vieux qu'elle. «Il y a un effet miroir entre Abbey et Céline, explique Pascale Montpetit. Céline est un peu sa confidente. Quand Abbey revient à Montréal, enceinte, et qu'elle se demande si elle doit garder l'enfant, je l'aide à prendre une décision.»

Mile End

Éric Bruneau, lui, joue le rôle d'un hipster du Mile End, qui travaille comme serveur dans un café que fréquente Abbey. C'est «the good-looking guy», comme disait Michael Ironside sur le lieu de tournage, un appartement de la rue Saint-Joseph. «Il y a un petit flirt entre Abbey et mon personnage de Luc», explique le comédien qu'on a vu au cinéma dans Coteau rouge et Les amours imaginaires, mais qui est toujours très présent au théâtre (Blanche-Neige, Tom à la ferme).

Bref, Wiebke von Carolsfeld espère que ce deuxième film, qu'elle qualifie d'intimiste et simple, touchera les gens. «Je veux les faire rire et pleurer», dit-elle. Arrivée à Toronto juste avant la chute du mur de Berlin, en 1989, Wiebke von Carolsfeld habite Montréal depuis huit ans. Si elle a quitté son Allemagne natale, c'était pour rejoindre ici son amoureux... Tiens, tiens. Une autre histoire d'amour outre-mer. Une histoire qui finit bien.