Avec Mon meilleur ami, Patrice Leconte s'aventure sur un terrain délicat, celui de l'amitié masculine. Le cinéaste profite aussi de la sortie de son nouveau film pour annoncer sa retraite prochaine.

Le jour où il est tombé sur une histoire que lui proposait le scénariste Jérôme Tonnerre, Patrice Leconte a été happé par un truc. L'un des éléments du synopsis soumis par l'éminent scénariste revêtait en effet assez d'importance à ses yeux pour mériter une attention plus particulière.

«Le type au centre de cette histoire n'avait pas d'amis, expliquait le cinéaste à La Presse au cours d'une entrevue réalisée l'an dernier au Festival de Toronto. C'est cela qui m'a intrigué.»

Dans Mon meilleur ami, le marchand d'art qu'incarne Daniel Auteuil, très confiant en lui-même, reçoit ainsi en pleine figure le choc de sa vie au moment où, lors d'un dîner «entre amis», on lui fait justement comprendre qu'il est, pour ainsi dire, seul au monde. Parce qu'incapable d'amitié. L'idée de cet échec affectif est tellement insupportable aux yeux de ce type à qui, habituellement, tout réussit, qu'il se lance alors dans un pari aussi absurde que lamentable. Il promet ainsi de présenter au groupe son meilleur ami d'ici la fin du mois. Ne reste plus maintenant qu'à le trouver

«Se faire dire qu'il est sans amis est pour lui aussi insultant que si on lui apprenait qu'il était radin, ajoute Leconte. Selon lui, c'est une tare. Une notion absolument impensable, impossible à concevoir. Une situation comme celle-là est évidemment troublante. Et nous renvoie un reflet de nous-mêmes parce qu'elle évoque l'illusion de l'amitié.»

À partir de ce point de départ, le cinéaste, qui venait tout juste de terminer Les bronzés 3, a voulu élaborer, avec le plus de légèreté et d'élégance possible, une comédie dramatique qui aurait des résonances intimes chez le spectateur. Leconte avait aussi conscience d'aborder ici une thématique assez peu souvent traitée au cinéma, du moins autrement que par le biais du film d'action où deux amis partagent une complicité virile. Le cinéaste voulait explorer un peu plus loin le thème de l'amitié masculine, avec un peu plus de finesse aussi.

«La problématique est plus fragile du côté des hommes parce que leur amitié repose souvent sur des non-dits, analyse-t-il. Il y a une espèce de pudeur mal placée qui fait que deux amis pourront partager pendant des années de vrais sentiments affectifs sans ne jamais rien se dire. Comme une fierté inconsciente de croire qu'ils peuvent ne compter que sur eux-mêmes. Or cela n'est pas vrai. Les histoires d'amitié très fortes ressemblent comme deux gouttes d'eau à des histoires d'amour. Une peine d'amitié fait tout aussi mal. C'est terrible.»

Un duo d'acteurs

Le réalisateur de Tandem, qui a toujours aimé travailler avec des duos d'acteurs, a formé celui de Mon meilleur ami assez rapidement. «Même si je ne pense pas tout de suite aux acteurs au moment de l'écriture, je trouvais amusant de confier le rôle du marchand d'art à Daniel Auteuil. Parce qu'on s'imagine justement qu'un type comme lui est forcément entouré d'amis.»

Pour incarner le modeste chauffeur de taxi dont le marchand d'art essaiera de gagner l'amitié, Leconte a par ailleurs fait appel à Dany Boon, un humoriste qui, depuis Joyeux Noël, est très sollicité au cinéma.

«Je connais Dany depuis longtemps. J'ai d'ailleurs vu tous ses spectacles. Nous nous tournions autour depuis un moment sans ne jamais trouver le projet qui convient. La personnalité d'acteur de Dany s'affine de film en film. Les comiques sont d'ailleurs parfaits pour ne pas jouer les comiques!»

Retraite anticipée

C'est à l'occasion de la présentation de Mon meilleur ami au Festival de Toronto l'an dernier que Patrice Leconte a commencé à annoncer son intention de mettre un terme à sa carrière de cinéaste.

«Je sais quels sont mes trois prochains films, avait-il alors déclaré à La Presse. Après, j'arrête avant que le ressort ne saute. Il faut savoir quitter la table en ayant encore un petit peu faim.»

Après 35 ans de cinéma, parfois ponctués de périodes boulimiques, le cinéaste compte désormais varier un peu les plaisirs.

«J'ai écrit une opérette pour l'Opéra comique et j'ai adoré l'expérience, souligne-t-il. Il y a une idée de roman qui me trotte dans la tête; des idées de mises en scène pour le théâtre aussi. Je me verrais également très bien écrire un scénario qu'un autre réalisateur pourrait tourner. J'ai envie d'une vie un peu plus calme. Une vie dont le cinéma fait toujours partie, mais sans tourner des films.»

Des trois films que Leconte avait l'intention de tourner avant la retraite, l'un d'eux, dont le tournage devait s'effectuer cette année, aurait été abandonné. Le cinéaste devait en effet retrouver Dany Boon pour Noël au balcon, une comédie fantastique, adaptée de la bande dessinée de Didier Tronchet. Le projet aurait avorté quand les télévisions ont refusé de le soutenir. Leconte en a ainsi profité pour mettre en scène au Théâtre de l'Atelier à Paris l'adaptation théâtrale de son propre film Confidences trop intimes.

Le prolifique cinéaste regagnera par ailleurs les plateaux de cinéma l'an prochain pour un film écrit avec Serge Frydman (La fille sur le pont), dans lequel il compte réunir Vanessa Paradis et Alain Chabat. De même, le remake américain de Monsieur Hire figure toujours au programme. L'écrivain Paul Auster a repris le roman de Georges Simenon, dont Leconte avait tiré un film magnifique en 1989 (avec Michel Blanc et Sandrine Bonnaire) pour en faire une nouvelle adaptation. La distribution de ce film américain (dont il se chargera lui-même de la réalisation) n'est pas encore annoncée.

À la veille de sa retraite de cinéaste, Patrice Leconte en est-il déjà à l'heure des bilans?

«Je n'aime pas beaucoup me prêter à ce genre d'exercice mais puisque vous me demandez de faire le test du rétroviseur, je vous dirai que sur les 25 à 28 films que j'aurai réalisés, il y en a peut-être six ou sept qui ne sont pas trop mal!»

Mon meilleur ami est présenté jeudi dans le cadre du Festival Comedia. Il prend l'affiche en salle le 20 juillet.