Après avoir fait sa marque dans des rôles contemporains, Romain Duris enfile le costume du plus célèbre auteur français de l'histoire. La vision fantaisiste que propose le cinéaste Laurent Tirard confère à la légèreté, mais Duris, lui, n'a pas pris son rôle à la légère.

Sa personnalité d'acteur est tellement liée au cinéma contemporain français qu'il ne nous viendrait probablement pas spontanément à l'esprit de faire appel à lui pour se glisser dans la peau du légendaire Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière. Romain Duris n'a pas de formation classique, ne compte pour l'instant qu'une seule expérience théâtrale (peu concluante à ses yeux), et il ne gardait jusqu'ici de l'oeuvre de l'auteur du Misanthrope qu'un souvenir vaguement scolaire.

«Oui, j'ai été un peu surpris quand on m'a proposé de jouer Molière, confiait cette semaine l'acteur au cours d'un entretien téléphonique. Mais cela n'a duré que trois minutes. Dès que j'ai entrepris la lecture du scénario, j'ai tout de suite compris pourquoi Laurent Tirard avait fait appel à moi. J'étais de mon côté tellement enthousiasmé que j'ai donné mon accord sans hésiter.»

C'est que le Molière qui s'apprête à gagner nos écrans vendredi relève de la pure fantaisie. Et n'a strictement rien de la biographie rigoureuse. À cet égard, ce film ne pourrait être plus différent de celui qu'avait réalisé Ariane Mnouchkine il y a près de 30 ans avec, dans le rôle titre, Philippe Caubère.

«Cette histoire propose une version de la vie de Molière mais ne constitue pas LA version définitive, précise Duris. Pour ma part, j'ai voulu aborder le personnage le plus humainement possible. Pour l'acteur que je suis, il fallait évacuer l'idée du mythe pour me concentrer sur l'homme. J'y suis allé très humblement, sans m'imposer une pression inutile.»

Le parti pris fantaisiste de Laurent Tirard, un auteur cinéaste qui s'était fait avantageusement remarquer avec Mensonges et trahisons, a pu être développé à la faveur d'un mystère qui entoure une partie de la vie de Molière. En 1644, alors qu'il n'était âgé que de 22 ans, Jean-Baptiste Poquelin est en effet disparu pendant quelques mois, criblé de dettes et poursuivi par des huissiers.

Tirard a tiré à profit cette absence inexpliquée, prétexte à tous les fantasmes. Il a ainsi imaginé une histoire au cours de laquelle Molière rencontrerait ceux dont il s'inspirera dans ses plus célèbres pièces. Autrement dit, l'auteur rencontre ses propres personnages pendant ces quelques semaines au cours desquelles il s'infiltre clandestinement dans une maison. Célimène (Ludivine Sagnier) devient ainsi un mélange de la Célimène du Misanthrope, de la Philaminte des Femmes savantes, et elle est entourée des Précieuses ridicules. Même Monsieur Jourdain, qu'incarne Fabrice Luchini avec sa superbe habituelle, est aussi un amalgame.

«Tirard propose une vision très enjouée, très moderne, commente Romain Duris. Je me suis surpris à penser comment Molière fonctionnerait s'il vivait à notre époque. Comme il avait le souci d'être entendu par le plus grand nombre, je l'aurais certainement vu metteur en scène de cinéma. Ou peut-être même producteur? J'ai l'impression que cette dernière possibilité serait aussi très plausible car Molière avait le sens des affaires et de la communication. J'ai en tout cas tenté de m'approprier le personnage plutôt que de le figer dans l'image de l'homme de théâtre.»

Une grande préparation

Cette vision, très moderne, devait quand même être cohérente avec une image qui a traversé les siècles. Pour une première fois, du moins à cette échelle, l'acteur s'est astreint à une préparation élaborée.

«Il le faut, fait remarquer Duris. Sinon, on risque de tomber dans un truc trop facile, ou même, carrément dans la caricature.»

Lui qui n'entretenait pas de rapports particuliers avec l'oeuvre de Molière a ainsi voulu s'imprégner du personnage. D'abord en lisant des biographies, notamment celle écrite par l'écrivain russe Mikhaïl Boulgakov (Le roman de monsieur de Molière), puis, en allant voir des tableaux d'époque.

«J'avais besoin d'images, de mots. Il était essentiel pour moi de me transporter à cette époque pour comprendre les attitudes, la gestuelle. J'ai adoré faire ce travail là. Je me suis alors aussi rendu compte que tout en inventant une fiction, Laurent Tirard avait quand même su dépeindre ces années avec une grande cohérence.»

L'arrivée de Molière dans la vie du comédien coïncide aussi avec le désir de monter sur les planches.

«Je n'ai eu qu'une seule expérience au théâtre et elle ne fut pas très heureuse, explique l'acteur. En tout cas, la magie dont la plupart des acteurs parlent quand ils se retrouvent sur scène n'était pas passée. Cela dit, plus j'avance dans le cinéma, plus l'envie de faire du théâtre se fait insistante. J'y vois comme une volonté de prolonger une prise de cinéma de cinq minutes sur une plus grande durée. Je n'ai toutefois pas encore de projets précis à cet égard.»

Très sollicité, celui qui s'est imposé auprès du public avec L'auberge espagnole ou De battre mon coeur s'est arrêté vient de terminer le tournage de Paris, le nouveau film de Cédric Klapisch.

En juillet, Romain Duris sera par ailleurs des nôtres afin de tourner dans le nouveau film de Gilles Bourdos (Inquiétudes). Dans cette coproduction franco-américaine tournée en anglais, dans laquelle les scènes intérieures se déroulant à New York seront tournées sur un plateau à Montréal, l'acteur donnera notamment la réplique à John Malkovich.

«C'est un défi de tourner dans une autre langue que la sienne. Tu ne peux alors plus te fier à ton instinct», observe celui qui, plus que jamais, maîtrise la langue de Molière.

Molière prend l'affiche le 13 avril.



Romain Duris, vous l'avez vu:

Dans L'auberge espagnole et Les poupées russes de Cédric Klapisch; et dans De battre mon coeur s'est arrêté de Jacques Audiard.

VOUS LE VERREZ :

Dans Dans Paris de Christophe Honoré; et dans Paris de Cédric Klapisch