Après avoir enchaîné quelques films plus musclés, Benoît Magimel avait envie de renouer avec un type de personnage plus sensible, plus fin. La réalisatrice Nicole Garcia lui en a offert un dans Selon Charlie, film choral conjugué au masculin.

Elle semble aujourd'hui bien loin l'époque où, à l'âge de 12 ans, Benoît Magimel décrochait le rôle du petit Momo Groseille de La vie est un long fleuve tranquille, la célèbre comédie satirique d'Étienne Chatiliez.

De ce pur hasard en forme de réponse à une petite annonce est en effet né une véritable vocation d'acteur. Vingt ans plus tard, Magimel est sans contredit l'un des comédiens les plus sollicités du paysage cinématographique français, aussi à son aise dans les productions à vocation plus populaire que chez les auteurs privilégiant une démarche plus pointue.

Au cours des dernières années, Magimel a enchaîné les tournages de films un peu plus musclés. Aussi l'acteur a-t-il donné son accord à Nicole Garcia avant même de lire le scénario de Selon Charlie. Car il savait, explique-t-il, que la réalisatrice lui donnerait la chance de se glisser dans la peau d'un type de personnage plus sensible, plus fin.

«Il y avait longtemps que je n'en avais pas eu l'occasion, faisait remarquer la vedette des Rivières pourpres 2 au cours d'une interview accordée récemment à Paris. Cette proposition est arrivée à point nommé car j'avais envie de travailler avec Nicole Garcia depuis très longtemps.»

On dit de l'actrice-cinéaste qu'elle sait bien filmer les hommes. Cette réputation la suit depuis l'époque du Fils préféré, un (très beau) film dans lequel elle s'attardait à scruter les âmes de trois frères qui partageaient un secret intime. Trois films plus tard, Nicole Garcia revient au genre masculin à travers les personnages de Selon Charlie, un film choral dans lequel s'entrecroisent les destins de six hommes et d'un enfant.

«Nicole aime la virilité de ses personnages, tout en faisant preuve d'une grande tendresse pour eux, pour leurs vulnérabilités, commente Magimel. C'est ce qui, à mon avis, donne au film sa force.»

À cet égard, l'acteur salue la part de noblesse à laquelle fait écho la réalisatrice dans son film. Dans la mesure où, malgré les zones d'ombre dans lesquelles s'engouffrent les personnages, chacun d'entre eux trouve réponse à ses doutes.

«Il fut un temps où, pour montrer les failles des hommes au cinéma, il fallait les filmer physiquement et moralement diminués. Nicole, elle, préfère les montrer à la fois fragiles et virils. Comme pour extirper la part de féminité dans un contexte très masculin. J'aime cette contradiction.»

Les protagonistes de Selon Charlie font ainsi tous face à des moments d'incertitude, particulièrement Pierre, le personnage qu'incarne Benoît Magimel. La vie de ce dernier est en effet un peu chamboulée le jour où, sous prétexte d'un séminaire organisé dans son patelin natal, un éminent anthropologue (Patrick Pineau) vient relancer son ancien collègue après plusieurs années d'absence.

«En un sens, ce personnage est assez courageux dans ses choix mais il ne le sait pas encore lui-même», observe l'acteur.

Appelé à commenter sa filmographie, Benoît Magimel distingue notamment La pianiste, le film de Michael Haneke grâce auquel il a obtenu le prix d'interprétation masculine du Festival de Cannes en 2001.

«Mais au-delà de cette reconnaissance - et du fait que des femmes de 45-50 ans me regardaient dorénavant d'un autre oeil -, j'ai trouvé passionnant ce travail avec Haneke. J'ai été ravi de travailler sous la direction d'un metteur en scène qui fait preuve d'une telle exigence. J'adore travailler, essayer des choses. Son plateau est un véritable laboratoire.»

L'expérience aidant, Magimel sait aujourd'hui comment trouver l'espace de jeu qui lui permet de s'épanouir.

«Quand on commence à faire des films, on attend les indications du metteur en scène en souhaitant qu'il en donne. C'est normal. Au fil des tournages, on se rend pourtant compte que là n'est pas le bon moment pour poser ses questions à propos du personnage. Il faut le faire avant. On apprend aussi qu'il n'est pas nécessaire d'attendre l'autorisation du metteur en scène pour essayer des choses. On doit être un peu mauvais élève. Avec Claude Chabrol, j'ai par ailleurs appris l'art de la décontraction !»

Bientôt Houellebecq

Benoît Magimel vient tout juste de commencer en Espagne le tournage de La possibilité d'une île, l'adaptation cinématographique du roman de Michel Houellebecq, dont l'auteur signe lui-même la réalisation. Dans ce drame d'anticipation, l'acteur prête ses traits à un humoriste vieillissant qui, après avoir fait la rencontre d'une secte promettant l'immortalité par le biais du clonage, décline son histoire jusqu'à l'an 4000.

«Ce qui m'intéresse avant tout, commente l'acteur, c'est d'avoir l'occasion de camper un personnage différent de tous ceux que j'ai incarnés jusqu'à présent.»

Magimel dit avoir par ailleurs été surpris par les circonstances dans lesquelles la première rencontre avec l'écrivain controversé s'est effectuée. «Houellebecq était en effet venu à la première des Chevaliers du ciel et il était venu me retrouver après la projection pour me dire à quel point il avait aimé le film ! J'avoue avoir été un peu étonné. On s'attend habituellement à ce que les intellectuels préfèrent des trucs beaucoup plus pointus. Cela dit, Houellebecq est très cinéphile. Il adore le cinéma.»

Magimel travaillera ainsi sous la houlette d'un auteur qui fait ses premiers pas derrière une caméra.

«C'est un risque, c'est certain, confie l'acteur. Personnellement, je tiens d'abord à m'attarder au scénario. Je lirai le roman seulement quand le film sera terminé. Nous allons essayer de réussir cette aventure mais il y a plein de points d'interrogation.»

Selon Charlie prend l'affiche le 27 avril. Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.



VOUS l'AVEZ VU

Dans Les rivières pourpres 2 d'Olivier Dahan; dans La pianiste de Michael Haneke.

VOUS LE VERREZ

Dans La fille coupée en deux de Claude Chabrol; dans La possibilité d'une île de Michel Houellebecq.