Même si elle est foncièrement liée au cinéma européen, Monica Bellucci accepte d'aller travailler aux États-Unis de temps à autre. Dans un film comme Shoot'em Up, l'actrice s'amuse à camper un rôle dans un genre de film que l'Europe ne pourrait jamais produire.

Devant les journalistes américains, Monica Bellucci ne tient pas un discours différent de celui qu'elle tient chez elle, ou en compagnie d'un journaliste francophone venu de Montréal. Elle affirme vigoureusement son identité européenne, et décrit sa présence ponctuelle dans des productions américaines comme un simple divertissement.

«Cela m'amuse de venir jouer ici car on ne fait pas des films comme ça en Europe», dit-elle simplement.

Un film «comme ça», cela veut dire un film comme Shoot'em Up (Feu à volonté en version française), une débauche d'action et de violence dans un style de bande dessinée. L'actrice italienne, qui donne notamment la réplique à Clive Owen et Paul Giamatti, incarne une prostituée au grand coeur, prise au milieu d'un règlement de comptes sanglant.

Au cours d'une interview accordée à La Presse, celle que les Français ont déjà élue «plus belle femme du monde» révélait ressentir beaucoup de tendresse pour ces femmes qui exercent le plus vieux métier du monde. Il y a quelques années à peine, elle s'était d'ailleurs glissée dans la peau (et les draps) de l'une d'entre elles sous la caméra amoureuse de Bertrand Blier.

«La démarche n'est évidemment pas du tout la même dans Combien tu m'aimes? que dans Shoot'em Up, mais je voudrais bien rencontrer de telles femmes dans la vie. Vraiment, j'adorerais. Elles ont parfois des vies très difficiles, terribles même. Et pourtant, elles gardent foi en l'humanité. J'aime ce paradoxe. Quand j'incarne un personnage, j'aime chercher l'humanité qui peut poindre au milieu de la monstruosité. Le contraire peut aussi parfois être vrai.»

Alain Corneau, qui vient de diriger Monica Bellucci dans Le deuxième souffle (une nouvelle adaptation d'un roman de José Giovanni que Jean-Pierre Melville avait porté à l'écran il y a plus de 40 ans), a récemment rendu hommage à la puissance émotionnelle de l'actrice. Cette dernière aurait eu accès à ses émotions tellement aisément qu'il aura même fallu parfois la retenir un peu. «Mais avec un réalisateur comme Corneau, c'est tellement plus facile! lance spontanément l'actrice. Il t'amène la scène sur un plateau d'argent. Tu peux alors t'abandonner complètement car tu sais qu'il te protégera bien. On ne s'abandonne pas de cette façon avec tout le monde, cela dit.»

Avec Michael Davis, le réalisateur de Shoot'em Up, la dynamique était un peu différente car l'actrice ne connaissait rien du metteur en scène avant de le rencontrer. «J'ai pris un risque et je l'assume, dit-elle. J'ai vu le film récemment et je suis contente du résultat. Je suis surtout heureuse du fait que le produit final ressemble en tous points à la vision qu'avait Michael au départ. C'est ce qui me semble le plus important.»

Une femme avant tout...

Depuis le jour ou elle fut révélée dans L'appartement, un film de Gilles Mimouni où elle a fait la rencontre de son mari Vincent Cassel, Monica Bellucci trône au sommet du star système français. Peu importe les rôles ou les succès - parfois relatifs - des films dans lesquels elle joue, l'actrice provoque autour de sa personne un engouement qui ne se dément jamais.

Bien sûr, elle est spectaculaire.

Bien sûr, elle est magnifique.

Bien sûr, elle est l'héritière directe de ces actrices italiennes voluptueuses qui ont alimenté tous les fantasmes. Sophia Loren, Gina Lollobrigida, Claudia Cardinale... Quand on demande à la «Bellissima» si elle a toujours eu conscience de la fascination qu'elle exerçait sur les gens, elle affirme ne pas vraiment s'en rendre compte.

«On ne peut jamais porter un regard objectif sur soi-même, répond-elle. Je n'ai aucun pouvoir sur ce que peuvent ressentir les gens à mon égard. J'estime avoir eu beaucoup de chance car on m'a remarquée dès mon premier film. Je suis d'autant plus reconnaissante que je constate que les gens s'intéressent sincèrement à moi. Plus qu'à une image en tout cas. C'est comme un amour inconditionnel. Je ne peux vraiment pas l'expliquer. Et je ressens particulièrement cette affection de la part des femmes, je dirais. Cela me fait très plaisir.»

Si Monica Bellucci mène sa carrière internationale en trois langues, elle affirme pourtant ne pas être une femme d'ambition.

«J'exerce mon métier très sérieusement mais il n'est pas tout dans mon existence. J'aime aussi la vie dans tous ses autres aspects. Je trouve d'ailleurs que les personnes qui sont obsédées par leur profession s'assèchent très rapidement. Au point de devenir arides. Particulièrement les femmes.»

- Étant donné que leurs carrières au sommet ne sont généralement pas aussi longues que celles de leurs collègues masculins, les actrices ne sont-elles pourtant pas obligées de mettre les bouchées doubles?

- Je ne crois pas à cette théorie. Je dirais même que ce métier est plus facile pour une femme que pour un homme. Parce qu'il constitue un chemin plus naturel, comme une sublimation de ce qu'elle est. Un homme doit confronter sa part de féminité pour devenir un bon acteur. Il a plus de travail à faire.»

L'actrice reconnaît toutefois des différences marquées entre l'Europe et l'Amérique par rapport à la longévité d'une carrière. «En France, dit-elle, une actrice plus mûre peut encore avoir accès de très beaux rôles. Regardez Catherine Deneuve, Nathalie Baye, Charlotte Rampling, Isabelle Huppert. Elles campent encore des personnages dans un contexte de séduction. Aux États-Unis, tu es finie une fois passé l'âge de 40 ans. L'industrie du cinéma américain est dirigée par des hommes complètement machos!»

Elle n'est ainsi pas à la veille de louer un appartement à New York, ni d'aller s'installer à Los Angeles. «Je n'en ai pas du tout envie», dit-elle sans hésiter.

Monica Bellucci compte plusieurs films français et américains à son actif, mais elle ressent aussi le besoin de travailler dans son pays natal le plus souvent possible. D'ailleurs, l'absence de rayonnement du cinéma italien la préoccupe au plus haut point. «C'est un problème énorme, observe-t-elle. C'est frustrant pour les acteurs qui ne travaillent qu'en Italie car ils n'ont désormais plus aucune notoriété à l'extérieur. Mais malgré ces difficultés, j'irai toujours tourner des films chez moi. Parce que j'en ai besoin. C'est viscéral. J'ai d'ailleurs joué récemment dans une minisérie, Sangue pazzo, sous la direction de Marco Tullio Giordana ( Nos meilleures années).»

Suivant un parcours atypique, Monica Bellucci affirme en outre savourer la chance de pouvoir mener sa carrière dans trois réalités professionnelles différentes. Toutes ces occasions comportent pourtant un revers.

«Je suis très gâtée et j'ai tendance à être un peu fainéante. Comme je reçois des offres intéressantes, je repousse toujours les projets à caractère plus personnel que j'aimerais mener à terme. Mais cela viendra!»