Finies les superproductions hollywoodiennes, oubliés les choix de carrière plus ou moins douteux. Après s'être sérieusement remis en question, Ben Affleck ne se consacre désormais qu'à ce qui le passionne.

Ben Affleck est en pleine réhabilitation artistique. Après avoir été la tête d'affiche (et aussi parfois la tête de turc) de plusieurs productions hollywoodiennes, l'acteur a décidé de faire une pause, histoire de remettre un peu sa vie en perspective, notamment sur le plan professionnel. Il reconnaît en outre que l'épisode de sa relation - très médiatisée - avec Jennifer Lopez n'a en rien aidé les choses.

Les deux films issus de cette époque, Gigli et Jersey Girl, ont été des échecs. Gigli, particulièrement, a été traîné dans la boue et ridiculisé sur la place publique.

«Mon approche a changé, confiait récemment Ben Affleck au cours d'une rencontre de presse tenue à Los Angeles à l'occasion de la sortie prochaine de Gone Baby Gone, sa toute première réalisation. Auparavant, je choisissais mes projets en fonction de leur potentiel commercial, et de l'idée que je me faisais d'un film à succès. Un jour, j'ai pourtant constaté que la seule personne à qui je pouvais instinctivement faire confiance, c'est moi. Hollywoodland fut le premier film que j'ai choisi dans cet état d'esprit.»

Même si le film d'Allen Coulter, dans lequel il prêtait ses traits à George Reeves (le premier interprète de Superman), n'a pas été marqué par une grande ferveur populaire, cette nouvelle approche s'est révélée concluante. Sa performance lui a en effet valu le prix d'interprétation du Festival de Venise l'an dernier.

Ben Affleck, rappelons-le, fut toutefois d'abord consacré à Hollywood pour ses talents de scénariste. Avec son pote Matt Damon, il a d'ailleurs obtenu l'Oscar du meilleur scénario original pour Good Will Hunting, réalisé par Gus Van Sant. Ensuite très sollicité pour ses talents de comédien, Affleck n'avait rien écrit pour le cinéma depuis. «Parce qu'il me faut beaucoup de temps», dit-il simplement.

Il s'est remis à l'écriture le jour où il a lu Gone Baby Gone, le roman de Dennis Lehane (un «compatriote» bostonnais), avec la simple ambition de signer le scénario d'une éventuelle adaptation cinématographique.

«Je croyais confier la réalisation à quelqu'un d'autre au départ mais j'ai finalement décidé de plonger moi-même car je comprends ce milieu; je connais cette ville. C'est là que j'ai grandi.»

De grandes questions

Gone Baby Gone est l'un des volets d'une série de romans dont les personnages principaux sont des détectives privés - ils vivent en couple - devant faire enquête dans des histoires parfois sordides. L'intrigue de Gone Baby Gone, campée dans le quartier populaire de Dorchester à Boston, tourne autour de la disparition d'une fillette de 4 ans, dont la mère est aux prises avec de graves problèmes de toxicomanie.

Au fil de leur enquête, Patrick Kenzie (Casey Affleck) et Angie Genarro (Michelle Monaghan) feront face à un dilemme moral quasi insolvable. Lequel, inévitablement, amène le spectateur à réfléchir aux questions soulevées par cette histoire.

«En compagnie de mon ami d'enfance Aaron Stockard, j'ai dû bûcher sur le scénario car le roman est construit de telle sorte que dès que tu enlèves le moindre élément, tout s'écroule, fait remarquer l'auteur cinéaste Affleck. Nous n'avons évidemment pas pu inclure le roman dans son intégralité dans le scénario, mais nous croyons en avoir préservé l'esprit. Je souhaite que les admirateurs de Lehane apprécient le film, mais je sais très bien qu'on ne peut jamais plaire à tout le monde!»

Pour ce militant démocrate, une histoire comme celle qui se situe au coeur de Gone Baby Gone aborde évidemment plusieurs problématiques à caractère social. «Le cycle de pauvreté prend racine dans les politiques que nous adoptons, observe-t-il. À mon sens, la grande force de ce récit réside dans l'absence de jugement. Il n'y a rien de prêchi-prêcha.»

Ben Affleck sait aussi que son film suscitera d'inévitables comparaisons. Un dénommé Clint Eastwood a en effet déjà porté à l'écran - avec grand succès - l'un des romans de Dennis Lehane. Mystic River a notamment valu des Oscars à Sean Penn et Tim Robbins.

«Clint Eastwood est l'un de mes héros! lance Affleck. J'espère être aussi bon que lui un jour. À vrai dire, je veux être Clint Eatswood! Mystic River est une adaptation spectaculaire, un très grand film. Je sais bien qu'on l'évoquera forcément quand viendra le moment de parler du mien. Mais c'est ainsi, je n'y peux rien.»

Une chose est certaine, Ben Affleck a désormais la piqûre de la réalisation.

«Je ne m'attendais pas à tomber amoureux de la mise en scène à ce point. Même si, parfois, je n'avais aucune idée de ce que j'étais en train de faire! laisse-t-il tomber en riant. Ma destinée de cinéaste est désormais entre les mains du public. J'espère sincèrement avoir de nouveau très vite l'occasion de réaliser.»

Gone Baby Gone prend l'affiche en version originale et en version française le 19 octobre.