«Quel livre a eu un rôle marquant dans votre vie et votre carrière?» a-t-on demandé à Stephen King lors de la conférence de presse donnée il y a quelques semaines à New York à l'occasion de la sortie de l'adaptation de sa nouvelle The Mist par Frank Darabont. La réponse ne s'est pas fait attendre: «I Am Legend de Richard Matheson.» Cité dans une des plus récentes éditions du roman, le maître de l'horreur affirme: «Je pense que l'auteur qui m'a le plus influencé en tant qu'écrivain est Richard Matheson. Des livres comme I Am Legend sont une inspiration pour moi.» Dean Koontz (Whispers, Fear Nothing) renchérit: «Le roman de vampires le plus intelligent et prenant depuis Dracula.»

Écrit en 1954 et remanié en 1982, ce court roman ou longue nouvelle qu'est I Am Legend est en effet la quintessence de l'horreur quand elle est distillée par les seuls mots. Pas d'images autres que celles que se forge le lecteur, dans sa tête. Elles sont terrifiantes. Et il y a la chute. Elle est exceptionnelle. Elle fait que I Am Legend n'est pas une histoire de vampires (ou de zombies... bref, peu importe la créature de la nuit choisie) comme les autres. Le revirement de point de vue est d'un percutant rarement atteint. D'où l'impression durable qu'il laisse sur les lecteurs - qu'ils soient ou pas auteurs.

Impression qui ne semble toutefois avoir marqué le scénariste Akiva Goldsman, qui a plutôt écrit «un hybride entre I Am Legend et Omega Man». Omega Man étant la deuxième adaptation du livre, réalisée par Boris Sagal en 1971 et mettant en scène Charlton Heston. La première, datant, elle, de 1964, s'intitulait The Last Man on Earth, avait été réalisée par Ubaldo Ragona et mettait en vedette Vincent Price.

Bref, le scénariste de A Beautiful Man et The DaVici Code a opté ici pour une finale plus conventionnelle. Efficace, oui. Mais moins originale. Moins tordue. Plus grand public? En conférence de presse à Los Angeles, il n'a pas expliqué les raisons de ce choix. Il a toutefois évoqué son admiration pour Richard Matheson: «Ce type est un dieu pour nous, les geeks de science-fiction. Avec lui, la science-fiction se fait une puissante allégorie. Il explore des thèmes forts, encore d'actualité aujourd'hui; et il creuse les racines des personnages.»

Ce qui explique pourquoi Alice Braga (vue dans La cité de Dieu), qui apparaît aux côtés de Will Smith dans I Am Legend, a bien ri chaque fois qu'elle s'est fait dire qu'elle allait jouer «dans un film d'action et de zombies avec Will Smith»: «Pour moi, c'est un drame où il est question de survie, d'espoir et d'humanité. Un long métrage qui a les qualités d'un gros film d'action, oui, mais qui a un propos. Et ce propos, c'est l'humain.» En ce sens, Richard Matheson est bien là.