De passage au Festival de Toronto l'été dernier, Marie-Josée Croze expliquait les raisons pour lesquelles elle était heureuse d'assurer le «service après-vente» du nouveau film de Julian Schnabel Le scaphandre et le papillon. «Un ami me faisait remarquer que ce film est bien fait, et qu'il est complètement original. Il est vrai que des films comme celui-là se font de plus en plus rares!» avait-elle lancé d'emblée.

Visiblement, l'actrice est sortie ravie de son expérience avec Julian Schnabel, déjà réalisateur de Basquiat et de Before Night Falls. Bien que l'approche du cinéaste américain - et le point de vue subjectif qu'il a décidé d'emprunter - ait comporté une exigence supplémentaire sur le plan du jeu, Marie-Josée Croze souscrit totalement à la vision d'un artiste dont elle admire la démarche.

«Les cinéastes ont souvent exercé d'autres métiers artistiques avant de se lancer dans la réalisation, observe-t-elle. C'est aussi le cas de Julian, qui est peintre. D'ailleurs, le geste pictural est probablement la chose la plus étonnante qui soit. Et Julian fait ses films de la même façon, de manière très instinctive. Il est aussi doté d'une folie magnifique. Voilà quelqu'un qui est complètement libre dans ses choix.»

En portant à l'écran le récit autobiographique de Jean-Dominique Bauby, ancien rédacteur en chef du magazine Elle, Julian Schnabel nous fait voir le monde que découvre le journaliste après avoir été victime d'un accident qui le laisse complètement paralysé. Seule sa paupière gauche est désormais capable de mouvement. «Jean-Do» doit ainsi apprendre à se servir du seul moyen qui lui reste pour communiquer avec les autres.

Schnabel met ainsi en valeur ce récit introspectif, filmé en grande partie d'un point de vue subjectif, dans lequel Mathieu Amalric, qui incarne le protagoniste, est souvent entendu en voix hors champ.

Un exercice difficile

En clair, cela veut dire que la plupart des autres acteurs, surtout ceux qui prêtent leurs traits aux membres de l'équipe médicale, devaient donner la réplique à un objectif plutôt qu'à Amalric. Marie-Josée Croze a trouvé l'exercice particulièrement difficile, d'autant plus que le personnage qu'elle incarne est celui qui aidera Jean-Do à trouver une forme de communication. Laquelle lui permettra, en fin de compte, de dicter son livre autobiographique à partir de battements de la paupière

«Je savais d'avance que le travail serait ardu, explique l'actrice. C'est à la fois épuisant et déprimant de donner la réplique à une caméra dans laquelle on ne voit que la réflexion de son visage. On donne beaucoup et on ne reçoit rien. Dans un cas comme celui-là, il existe aussi le danger de tomber dans l'artifice, ou pire, que la peur s'empare de soi. C'est le regard de l'autre qui, habituellement, enlève cette peur. Quand on est privé de ce regard, c'est alors plus difficile. Heureusement, Julian veillait au grain.»

Privé du regard d'un partenaire, peut-être, mais certainement pas du regard de l'artiste.

Aussi n'est-il pas étonnant que l'oeil du peintre Schnabel serve ici admirablement celui du cinéaste. Lourdement handicapé, le patient n'a en effet plus que son regard, qui devient le nouveau vecteur par lequel toute stimulation doit passer, y compris celle de son imagination.

«Comme tout le monde, j'ai parfois été sceptique, confie l'actrice. Même si j'admire les autres films de Julian, au point où j'aurais accepté de jouer n'importe quel rôle, je trouvais parfois déroutante sa façon de fonctionner. En outre, il filmait les répétitions, ne tournait parfois qu'une seule prise officielle. Avec lui, un film est un acte de foi. C'est très enrichissant sur le plan humain de côtoyer un homme comme lui. Un artiste doit nécessairement évoluer hors des conventions, afficher un côté plus rebelle. S'il veut imposer sa vision, il est parfois même obligé d'envoyer chier tout le monde!»

L'actrice porte d'autant plus d'affection au cinéaste que ce dernier a fait sa connaissance à une période où elle vivait un petit passage à vide sur le plan personnel. «J'étais un peu déprimée quand je me suis présentée à la rencontre, pour toutes sortes de raisons. Nous avons parlé de la vie en général, beaucoup plus que du projet de film. Avant de partir, je lui ai laissé le DVD de Maelström (de Denis Villeneuve), car il s'agit, à mon sens, du plus beau film que j'ai fait. Quand je suis rentrée chez moi, Julian m'avait déjà laissé un message pour dire qu'il voulait qu'on travaille ensemble. C'est quelqu'un avec qui j'ai aussi pu développer de très solides liens amicaux. Quand cela arrive, c'est très précieux.»

Le scaphandre et le papillon prend l'affiche le 25 décembre.