Le hockey junior majeur est un univers dur et impitoyable pour les joueurs, des jeunes à peine sortis de l’adolescence. «Ils ont énormément de pression. Il faut être fait fort pour passer à travers. C’est l’entrée dans le monde adulte par la voie rapide.»

Stéphane Thibault et sa conjointe, Isabelle Lavigne, ont passé un an à filmer les coulisses du Drakkar de Baie-Comeau, de la Ligue de hockey junior majeur du Québec, pour leur documentaire Junior. Un an à épier les moindres faits et gestes des joueurs et du personnel d’entraîneurs de cette équipe de la Côte-Nord, qui ont accepté avec enthousiasme de jouer le jeu.

Stéphane Thibault, un ex-participant de la Course destination monde, affirme que ces jeunes de 16 à 20 ans rêvent tous d’une carrière dans la Ligue nationale, mais une infime minorité (moins de 1 %) réalisera son rêve. Entre- temps, ils doivent composer avec une «pression énorme» et se fondre dans un système obsédé par la performance.

Tout le monde a son mot à dire sur leur match de la veille et sur leur avenir. L’entraîneur, bien entendu, mais aussi les agents, les actionnaires de l’équipe, les dépisteurs. Junior. lève le voile sur tous ces intervenants qui fourmillent autour d’eux.

«Il n’y a pas beaucoup de films qui ont été faits sur les coulisses de notre sport national, explique le jeune réalisateur originaire de Québec. Le plus souvent, c’est un monde relaté par les journalistes sportifs. On s’est dit que ce serait intéressant de voir ce qui en est vraiment.»

Aucune scène de hockey

Junior marche dans les pas du cinéma direct québécois. Aucune narration ou voix hors champ, pas d’entrevue. Seulement des tranches de vie, saisies sur le vif. Dans le vestiaire, les corridors, les hôtels, au resto du coin. Les scènes sur la glace sont presque inexistantes.

«Ce sont les coulisses du hockey junior que nous voulions explorer. En cours de montage, on s’est aperçus que la forme de notre documentaire rejetait toute scène de match, comme un organisme qui vivait par lui-même. On a décidé de continuer dans cette voie. Notre intuition était bonne.»

Pour leur documentaire inédit, les deux cinéastes voulaient faire affaire avec une équipe d’un petit patelin, où le hockey est une véritable religion au point où la vie s’arrête à chaque match local. C’est à Baie-Comeau qu’ils ont trouvé l’équipe et la ville idéales.

«Tout de suite, on a vu que le courant passait bien entre nous et l’organisation. C’était important parce que nous devions passer un an avec l’équipe. Le Drakkar nous a déroulé le tapis rouge. Il n’y a eu aucune censure. Nous avions carte blanche pour filmer où nous le voulions.»

Stéphane Thibault et Isabelle Lavigne ne s’en sont pas privés. De façon graduelle, après une période d’apprivoisement, tout le monde en est venu à oublier la présence de la caméra, même dans les moments de tension, lorsqu’on se dit ses quatre vérités.

Le meilleur est à venir

«Après un mois, nous nous étions fondus dans la tapisserie. Au point où l’entraîneur Éric Dubois nous a déjà dit, au lendemain d’une réunion, que nous avions raté quelque chose. Sauf qu’il avait oublié que nous étions alors sur place, à filmer... C’est une anecdote qui dit tout.»

À l’époque, le Drakkar traversait une mauvaise passe. L’équipe a réussi de peine et de misère à se tailler une place en séries éliminatoires avant de subir une élimination en quatre matchs. Avec le recul, Stéphane Thibault estime que d’avoir suivi une équipe qui en arrachait a servi son film.

«Règle générale, les films sur le sport parlent des équipes qui ont des chances de gagner le championnat et de la façon de se rendre jusqu’au bout. Lorsque ça va moins bien, ça donne de meilleures histoires.»

Depuis, les choses ont changé sur la Côte-Nord. Le Drakkar est maintenant la meilleure équipe de la ligue. Une situation que l’entraîneur adjoint Éric Messier avait prédit dans Junior. «Dans deux ans, on va avoir une cr... de bonne équipe!»

Junior est présenté jeudi soir, à Baie-Comeau, et prendra l’affiche à Québec à compter de vendredi, au Clap.