Depuis son enfance, William Hurt est attiré par la culture française. Il ne sait trop comment expliquer cette fascination, mais elle s'est révélée au moment où son beau-père, un Américain dont les horizons étaient bien ouverts sur le monde, l'a initié à des oeuvres venues d'ailleurs. Il était alors âgé d'une dizaine d'années.

Pour l'entrevue accordée récemment à La Presse dans le cadre d'une rencontre organisée à l'occasion de la sortie de Vantage Point (Angles d'attaque en version française - à l'affiche aujourd'hui), l'acteur utilisera d'ailleurs sans se faire prier la langue de Molière. «Mais je n'ai pas aussi souvent l'occasion de converser en français que je le souhaiterais, dit-il. En tout cas pas quand je suis aux États-Unis. Je possède toutefois un appartement à Paris. Pour être près de ma fille», explique-t-il simplement en évoquant sa cadette. Dont la mère est Sandrine Bonnaire.

Outre les considérations familiales, cette affection pour l'espace francophone s'est aussi traduite en différentes expériences. Au tournant des années 2000, William Hurt était même l'un des personnages épisodiques de Rivière-des-Jérémie, un téléroman québécois dont la carrière fut plutôt brève.

«Au cours du tournage d'un film qui s'était déroulé à Montréal - c'était Varian's War je crois -, je m'étais lié d'amitié avec une personne de qui les producteurs du téléroman étaient proches. Quand j'ai entendu parler de ce projet-là, c'est même moi qui ai offert mes services car je voulais travailler en français. J'y tenais!»

Évidemment, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis. Après avoir été plutôt discret au cours des années 90, Hurt est revenu en force au cinéma le jour où David Cronenberg lui a confié un rôle - court mais percutant - dans A History of Violence, pour lequel il sera cité pour la quatrième fois aux Oscars. Depuis, on lui propose de nouveau des rôles qui lui permettent de peaufiner son art dans des productions qui ont belle résonance.

«J'ai vraiment l'impression de vivre présentement la plus belle période de ma vie, confie-t-il. J'ai le très grand privilège de pouvoir continuer à exercer mon métier. J'ai aussi la chance de recevoir encore des offres des grands studios. D'être encore là, c'est ce qui me surprend probablement le plus à vrai dire. Après plus de 40 ans de métier - j'ai commencé à l'âge de 14 ans -, je ne suis plus dans une dynamique de réussite, ni de succès populaire. Il s'agit d'une sensation exquise. Je me sens plus léger, plus en maîtrise. Quand, en plus, on me donne l'occasion d'interpréter de beaux rôles, c'est la grâce.»

L'acteur fait partie de ceux qui croient au travail progressif, au labeur qui donne ses résultats sur la durée. Sa démarche est aujourd'hui la même: mettre sa propre humanité au service d'un personnage, quitte à s'effacer derrière.

«Dès le départ, je savais que la problématique sur laquelle j'aurais à travailler serait le tiraillement entre la fonction de jouer, et la représentation qu'on se fait du métier d'acteur. Quand on commence à s'analyser à travers le regard des autres, particulièrement au moment où le succès arrive, il est facile de croire à sa singularité, de croire aussi que toutes les accolades sont méritées parce que vous êtes quelqu'un de spécial. Or, cela n'est pas vrai.»

Aller vers les autres

Vers l'âge de 18 ou 19 ans, William Hurt a compris que le travail de l'acteur était de s'ouvrir, d'aller vers les autres. Il a aussi alors découvert que l'exploration du genre humain est infinie.

«Cette démarche devient chaque jour plus intéressante. C'est le travail d'une vie. Le destin te prend en charge et t'entraîne sur des pistes insoupçonnées.»

Jamais n'aurait-il d'ailleurs pu penser qu'un jour, on lui offrirait d'incarner le président des États-Unis. «On réfléchit beaucoup avant d'accepter ce genre de proposition, admet l'acteur. Parce qu'au-delà de la fonction, il faut aussi en exprimer l'humanité. Faire en sorte que, tout en évoquant l'autorité liée à cette fonction, on puisse aussi sentir la fragilité de cet homme.»

Il a ainsi demandé conseil à quelqu'un qui connaît bien le sujet. Bill Clinton a en effet reçu William Hurt pour une entrevue. Et il a répondu à ses questions.

«Je voulais simplement savoir comment on se sent, comment on agit quand on sait que des gens complotent pour vous assassiner. Le président Clinton a été très ouvert, très disponible. Cela dit, je n'étais pas là pour l'imiter non plus. Dans le film, le président évolue quand même dans un autre contexte.» Hurt attribue aussi sa participation à Vantage Point à son envie de travailler avec le cinéaste britannique Pete Travis (Omagh), qui signe ici son premier film hollywoodien, de même qu'à cette volonté de proposer dans le film une autre image du pouvoir américain.

«Je trouve cela important de valider le fait qu'il existe dans notre pays des gens qui savent que d'autres points de vue sont tout aussi légitimes que les leurs. On dépeint souvent les Américains comme un peuple monolithique, sans considération pour les autres et profondément égoïste. La réalité est quand même plus nuancée. Et ce film y fait écho. Je trouve cela bien.»

Cinq essentiels de William Hurt

Body Heat (La fièvre au corps) - 1981. Premier long métrage de Lawrence Kasdan, un cinéaste qui a marqué les années 80, cet excellent film noir - sexy en diable - a établi le statut de leading man de l'acteur.

The Big Chill (Les copains d'abord) - 1983. Retrouvant de nouveau Kasdan, avec qui il tournera en tout quatre films, Hurt se démarque en se glissant dans la peau d'un vétéran du Vietnam. Ce film choral a vite atteint un statut culte.

Kiss of the Spider Woman (Le baiser de la femme-araignée) - 1985. Sa composition sensible dans ce très beau film d'Hector Babenco - il joue un homosexuel travesti dont le compagnon de cellule est un prisonnier politique - vaut à Hurt l'Oscar du meilleur acteur.

Broadcast News - 1987. Après Children of a Lesser God, qui lui vaut sa deuxième nomination aux Oscars, Hurt se réinvente en prêtant ses traits à un lecteur de nouvelles embauché exclusivement pour l'image qu'il projette. Les membres de l'Académie le sélectionnent pour la troisième fois.

A History of Violence (Une histoire de violence) - 2005. Sa présence saisissante dans ce film-choc de David Cronenberg ramène l'acteur au-devant de la scène. De surcroît, il obtient grâce à ce rôle la quatrième nomination aux Oscars de sa carrière.

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Vantage Point (Angles d'attaque en version française) est présentement à l'affiche. Les frais de voyage ont été payés par Columbia Pictures.