Giuseppe Tornatore, le réalisateur de Cinéma Paradiso, propose avec La femme inconnue une visite en enfer aux côtés d'Irena, une jeune femme immigrée clandestinement en Italie. Dans un restaurant new-yorkais, Giuseppe Tornatore, en pleine tournée de promotion nord-américaine, parle de son inconnue.

«Inconnue», c'est bien le qualificatif à employer pour parler du personnage féminin du dernier film de Tornatore. Le personnage d'Irena est tantôt blonde, solaire, pulpeuse et ravageuse, tantôt brune, terne, éteinte et froide.

Blonde, venue d'Ukraine, Irena a d'abord officié sur les trottoirs et dans les bordels italiens.

Brune, Irena s'installe dans une petite ville italienne, et tourne, menaçante, autour d'un immeuble cossu. Avec l'aide intéressée du concierge de l'immeuble, elle se fait embaucher comme femme de ménage. Elle grimpe vite quelques étages et s'installe chez les Adacher, comme gouvernante de Téa, petite fille d'un ménage désuni.

Il plane un certain mystère autour du personnage interprété par la comédienne russe Xenia Rappoport. Par flash-back, les origines d'Irena se dévoilent au spectateur. Entre nudité, cruauté et amour, le véritable visage d'Irena prend peu à peu forme avec les avancées du scénario.

«C'est un film qui raconte l'aventure d'une femme; une aventure féminine d'aujourd'hui, mais c'est un film mondial, dit Giuseppe Tornatore. C'est aussi une histoire d'amour. Il n'y a pas de sentiment plus vieux et plus authentique que l'amour. Le film est donc aussi une histoire d'amour, entre une mère qui aime une fille, qui la perd, et l'aime à nouveau.»

Si l'amour est le centre du récit, les chemins empruntés par le scénario pour y arriver peuvent paraître alambiqués. La violence ordinaire du quotidien des prostituées est ponctué de viols, de meurtres. «Tout cela, ce sont des choses qui arrivent de nos jours. Il y a le crime organisé qui fait cela, et on ne peut pas l'ignorer. Mon histoire est celle d'une femme qui vit l'humiliation, et quelque chose d'horrible: l'exploitation sexuelle.»

Comme dans Malena, le précédent film de Tornatore, dans lequel la belle Monica Belluci connaissait un destin des plus tragiques, la beauté semble porter malchance à Irena. «La beauté suscite parfois la violence des hommes, admet Tornatore. Même si dans La femme inconnue, c'est à un autre niveau que dans Malena.»

La femme inconnue comporte son lot de scènes violentes, presque insoutenables. Pourtant, le réalisateur ne s'en émeut pas outre mesure. «Je crois que cela en dit plus que si l'on est simplement informatif. D'être provocateur éclaire le propos du film plus que n'importe quel journal ou bulletin d'information pourra le faire.»

Depuis Malena, Tornatore s'était fait rare. Une absence de six ans qui s'explique notamment par un projet avorté: Leningrad, une grande fresque consacrée à la Seconde Guerre mondiale.

«Cela ne va pas se résoudre pour le moment, il y a des problèmes avec les producteurs», soupire Tornatore, qui garde néanmoins espoir de tourner ce film un jour.

Parlez-lui des difficultés pour produire un film au Canada, il pourra en dire long sur l'Italie, un pays où se sont pourtant écrites les plus belles pages de l'histoire du cinéma. «Les producteurs ont tous les pouvoirs, et ils ne prennent plus aucun risque», déplore-t-il.