Virginie Ledoyen n’a pas hésité longtemps avant d’accepter de jouer devant la caméra d’Emmanuel Mouret, réputé pour son style littéraire, un tantinet désuet. «C’est formidable d’être au service de son univers. Il a un tel amour de la langue et une façon de faire parler ses personnages qui lui appartiennent. Ça n’a rien d’un carcan. C’est tellement lui.»

La jeune actrice de 31 ans, interviewée lors d’une rencontre de presse tenue à Paris, en janvier, aura sans doute l’occasion de répéter de vive voix ces compliments, demain après-midi, à 15 h, alors qu’aura lieu la première québécoise (sur invitation seulement) d’Un baiser s’il vous plaît, dans le cadre de la Fête du cinéma français à Québec. Auparavant, Virginie Ledoyen aura été invitée à l’hôtel de ville pour signer le livre d’or, en présence du maire Régis Labeaume.

Dans ce film à tiroirs, la vedette de 8 femmes et de La plage (avec Leonardo DiCaprio) incarne une jeune scientifique impliquée dans un chassé-croisé amoureux avec un ami qui brûle de désir pour elle (Mouret).

Leur histoire sert de canevas à une intrigue amoureuse parallèle, entre une femme mariée (Julie Gayet) et un homme (Michaël Cohen) qui croit, contrairement à celle qu’il rêve d’embrasser, qu’un simple baiser est innocent et dépourvu de conséquences...

«Un baiser, c’est la première communion entre deux personnes qui se désirent», explique Virginie Ledoyen, assise sagement sur un sofa, dans une suite d’un hôtel de la place de l’Opéra. «C’est souvent le début de quelque chose. C’est plein de promesses, un baiser.»

Même si le film de Mouret repose sur «une base assez classique», Virginie Ledoyen estime que son style d’écriture lui donne une couleur toute particulière. «C’est un film à la fois écrit et parlé, mais en même temps rempli d’une folle liberté (...). C’est rafraîchissant de voir mis en images l’amour et les sentiments. C’est ce qui est joli et qui donne une élégance verbale au film (...). Je ne crois pas qu’il y ait pour autant une théâtralité dans le cinéma de Mouret.»

L’égérie de la compagnie L’Oréal, qui a fait ses débuts devant la caméra à l’âge de 10 ans (Les exploits d’un jeune Don Juan), parle de son personnage comme de quelqu’un de «cartésien», profession oblige, mais qui cache une nature insoupçonnée. «Elle vit une certaine forme d’innocence à propos de ce qui lui arrive, mais en même temps, elle est capable de fantaisie. En cela, elle est très moderne.»

«Oui, ça m’est déjà arrivé de dire s’il vous plaît pour avoir un baiser, lance-t-elle, un peu amusée par la question d’un journaliste. Je suis quelqu’un de très poétique...»

Emmanuel Mouret : parlez-moi d'amour

En seulement sept ans et quatre longs métrages, Emmanuel Mouret s’est bâti une filmographie singulière qui lui permet d’occuper une place enviable dans le cinéma d’auteur français. Avec Un baiser s’il vous plaît, le cinéaste de 37 ans s‘amuse à jouer des mots pour mieux parler d’amour.

Mouret, de passage à Québec demain pour présenter son film au Grand Théâtre, avoue que sa façon d’approcher les choses de l’amour, si elle peut paraître vieillotte, n’en demeure pas moins utile en ces temps où l’amour n’est plus ce qu’il était.

«La notion de courtoisie et de délicatesse amoureuses a toujours été quelque chose de très beau. Elle existait dans le cinéma des années 40 et 50, mais hélas, plus maintenant. Cette courtoisie a délaissé les écrans», explique-t-il au Soleil, lors d’une entrevue réalisée à Paris, en janvier.

Un baiser, un simple baiser, donne le ton au film de Mouret. Celui que n’osent s’échanger Émilie et Gabriel, après leur rencontre fortuite à Nantes. Cette femme, qui n’est pas libre, sait que le geste peut entraîner des conséquences. À preuve, cette histoire qu’elle lui racontera, au sujet d’une femme mariée (Virginie Ledoyen) et de son meilleur ami (Mouret).

«Plus il y a d’attentes, plus le baiser est chargé de ces attentes. Avant un baiser, il peut y avoir un vrai suspense», croit le réalisateur de Changement d’adresse (2006) et de Vénus et Fleur (2003).

Questions morales

Le cinéaste d’origine marseillaise parle du désir, et de la morale qui s’y rattache, comme du moteur de son film. «Mes personnages sont timorés et partagés entre leur appétit charnel et le désir d’être quelqu’un de bien, de correct, qui se respecte et respecte l’autre. C’est ce double désir, difficilement conciliable, qui constitue l’enjeu du film.

«Pour moi, poursuit-il, le souci de l’autre est l’une des situations les plus intéressantes à traiter au cinéma. Ce désir qui fait que les gens se retiennent par souci de l’autre, plutôt que de se laisser aller à leurs pulsions, et de les exécuter comme dans la plupart des films.»

Celui qu’on aime comparer aux Rohmer, Guitry et Woody Allen croit que son parti-pris pour un cinéma de cœur et de mots n’a rien de suranné. «Les histoires d’amour et de désir ont l’avantage de faire du cinéma qui a du charme. Il y a une sorte de suspense à cause du désir, de la trahison, de la cruauté. Tout cela parle au plus profond de l’homme, car lorsqu’on parle de désir, on parle des usages de notre société et de la morale.

«Les questions morales sont très présentes dans notre vie, que ce soit par le cinéma ou par la littérature. La question «Que faire de nos désirs tout en restant un individu social?» est un sujet fondamental. Ça nous ramène à la question : «Comment être quelqu’un de bien et plein d’appétit?»»

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