De retour à Montréal, Marc-André Grondin retrouve les bonnes habitudes : le hockey, les tavernes, et les entrevues. Au grand dam de son agent, qui écarte toutes les demandes des médias concernant son petit rôle dans Che de Steven Soderbergh, présenté au Festival de Cannes. L'intérêt qu'on lui porte étonne Marc-André Grondin : «J'ai rien à vendre en ce moment.» Sa carrière semble pourtant décoller... Le point avec le principal intéressé.

Marc-André n'a rien à vendre, ce qui ne l'empêche pas de bien le faire. Il nous donne rendez-vous dans une taverne du Quartier latin et arrive, un brin en retard, la cigarette au bec. Fumeur, oui, mais pas fumiste, le comédien n'est que décontraction et volubilité. S'il avait eu quelque chose à vendre, on l'aurait acheté sans se faire prier.

Depuis La belle bête, sorti en 2006, Marc-André Grondin n'a plus vraiment eu l'occasion d'assurer le service promotion d'un film au Québec. Il devrait renouer avec l'exercice cet été pour la sortie de l'un des films qu'il a tournés en France l'an dernier, Le premier jour du reste de ta vie, de Rémi Besançon.

«Je n'avais aucune aspiration à travailler en France ou aux États-Unis, dit Grondin. C'est arrivé. On m'a envoyé des scénarios, alors je suis allé en France. Et puis le mot s'est passé : il a suffi d'un réalisateur qui me fasse confiance pour l'accent pour que les autres me donnent du boulot aussi.»

Après le téléfilm Les cerfs-volants, Marc-André Grondin a tourné pour Rémi Besançon, fait une apparition en Régis Debray dans le Che de Steven Soderbergh, et a enfin tenu le premier rôle dans Le bouquet final, aux côtés de Gérard Depardieu et de Didier Bourdon.

Le marathon devait se conclure en beauté avec le tournage du film Le Caméléon, de Jean-Paul Salomé, en compagnie de Felicity Huffman. Quelques complications financières ont reporté le projet, qui devrait finalement se tourner à l'automne ou au printemps prochain.

En attendant, donc, Marc-André Grondin est revenu à Montréal, juste à temps pour la fièvre des séries. «À Paris, je regardais les games de hockey sur l'Internet : c'est chiant. Ç'a l'air con, mais j'étais heureux de retrouver Montréal et le hockey. C'est un sport tellement libératoire», dit-il.

Contrairement à ceux qui, fraîchement installés ou récemment revenus de la Ville lumière, ponctuent leurs récits d'images d'Épinal, Marc-André Grondin évoque son séjour parisien d'un point de vue pratique, et revendique la vie simple du XIe arrondissement. «Essaie d'aller faire ton épicerie à Saint-Germain-des-Prés», justifie-t-il.

Grondin n'est pas devenu parisien. «Je vis à Paris quand j'ai du boulot à Paris. J'ai de très bons amis là-bas, mais je suis pas parisien dans l'âme. J'aime l'espace, et à Paris t'es oppressé par le manque d'espace. Personne ne peut relaxer. Quand t'arrives chez toi le soir, quand t'ouvres le frigo, il faut que tu tasses la table. Tout est petit», explique-t-il.

La vraie vie à 24 ans

Après son année parisienne, Marc-André Grondin vient de s'acheter un appartement à Montréal. Il ne manque que la commode. Il mène la vie normale d'un jeune de 24 ans. «Je ne me trouve pas plus avancé ou en retard par rapport à mes amis. J'ai des amis qui ont de bons boulots, d'autres qui en cherchent, certains qui ont des enfants, d'autres qui en veulent, d'autres qui n'en veulent pas. Certains cherchent l'amour, d'autres couchent à droite et à gauche. On vit tous les mêmes choses, je ne vis pas dans un château de cristal où tout est beau, tout est bien. Au contraire.»

Marc-André Grondin se souvient de ses années de vaches maigres. Avant C.R.A.Z.Y., chez HMV -»J'ai beaucoup aimé : c'est vraiment mon élément.» Après qu'il eut incarné Zachary dans le film de Jean-Marc Vallée, les choses ont changé, mais pas très vite: il a refusé des rôles «de gars fucké qui se cherche» et accepté des rôles dans des films «d'une beauté incroyable», malheureusement mis aux oubliettes entre deux rondes de décision de la SODEC et de Téléfilm.

Marc-André Grondin connaît les rouages du cinéma, avec ses hauts et ses bas, depuis un bail. Il est arrivé, avec son frère Mathieu, sur les plateaux de cinéma quand il était petit - «J'ai passé toute mon enfance dans les sous-sols sombres de Radio-Canada». Il s'est vu acteur, beaucoup, mais aussi hockeyeur ou musicien. «Mon frère avait 7 ans quand il a dit à mes parents qu'il voulait être réalisateur : c'est assez rare. Moi, je me suis questionné, mais il y avait toujours quelque chose qui me tenait dans ce milieu-là.»

Il a aussi connu l'oubli relatif dans lequel tombent les enfants acteurs en route pour l'adolescence. «Pendant tout mon secondaire, je n'ai presque pas travaillé. J'ai fait des voix, de la publicité. L'adolescence, c'est pas la période où t'es le plus joli. Moi, j'étais assez gros, avec des petites lunettes rondes, c'était pas très joli», pouffe-t-il.

«J'ai toujours été ouvert, j'étais très chanceux aussi. Je suis tombé sur des trucs intéressants, et j'ai fait les bons choix», dit-il.

Chose étonnante, le comédien est aujourd'hui sollicité non seulement pour des films, mais aussi pour des contrats de publicité de luxe en Europe. «Je ne sais même pas pourquoi mon nom se ramasse là. Mes photos en France ne sont pas réalistes, j'ai l'air d'un mannequin, elles sont photoshopées. Ce n'est pas mon genre, de toute façon, de courir la chemise ouverte.»

Son genre l'amène plutôt à rêver d'un tournage avec Michael Winterbottom (24 Hour Party People, A Mighty Heart), ou, au Québec, avec Denis Villeneuve et Philippe Falardeau. Il ne dirait pas non à la France, bien sûr, si l'occasion s'y prête de nouveau. Marc-André Grondin peut maintenant passer du français d'ici au français de là-bas sans problème. Le tout avec le sourire, et sans grosse tête. Une attitude vendeuse à coup sûr.