Après avoir reçu tous les honneurs grâce à No Country for Old Men, Ethan et Joel Coen refont surface avec Burn After Reading, une comédie noire qui, de leur propre aveu, est parfaitement «insignifiante»

Pas facile de succéder à un film triomphal. Plusieurs journalistes américains réunis à Toronto cette semaine faisaient remarquer à quel point les frères Coen avaient tendance à toujours se lancer dans une oeuvre plus «frivole» après avoir offert un film marquant. Raising Arizona a suivi Blood Simple; The Hudsucker Proxy est venu après Barton Fink, tout comme The Big Lebowski après Fargo. Intolerable Cruelty a succédé à The Man Who Wasn't There; et voilà maintenant ce Burn After Reading, accueilli plutôt sèchement par l'ensemble de la presse nord-américaine.

«Nous ne faisons aucun lien entre nos films, expliquaient plus tôt cette semaine les frangins au cours d'une conférence de presse au Festival de Toronto. Ils se distinguent les uns des autres et ils nous semblent complètement différents. Du moins, à nos yeux!»

Le scénario de cette comédie loufoque a d'ailleurs été écrit pratiquement en même temps que celui de No Country for Old Men. «La raison pour laquelle nous avons tourné No Country for Old Men avant Burn After Reading relève d'une simple question de logistique. Concilier les horaires d'acteurs comme George Clooney, Brad Pitt, Frances McDormand, John Malkovich et Tilda Swinton n'est pas évident. Il fallait attendre que tout le monde soit disponible en même temps.»

Même s'ils ont campé leur récit à Washington et si une partie de l'histoire se déroule au sein d'une agence gouvernementale de renseignement, les Coen se défendent bien d'avoir voulu livrer, à travers leur film, un commentaire à saveur politique. Ni de spéculer sur le degré de paranoïa qui contamine les autorités américaines.

«Au départ, nous voulions simplement faire une comédie d'espionnage, mais à l'arrivée, ce n'est plus tout à fait ça, explique Ethan (ou est-ce Joel?). Nous n'avions pas l'intention d'élaborer une satire sur l'exercice du pouvoir, mais nous tenions quand même à ce que l'environnement dans lequel les personnages évoluent soit crédible.»

Aussi disent-ils que ce Burn After Reading pourrait constituer le dernier volet d'une «trilogie des idiots» amorcée avec O Brother Where Art Thou, et dont le point commun serait la présence de George Clooney!

«Ces personnages ne vivent rien de bien significatif, mais ils n'en sont pas moins intéressants pour autant», observe Ethan Coen.

Des partitions sur mesures

Joel fait par ailleurs remarquer que son frère et lui ont toujours aimé écrire un scénario en ayant déjà une idée des acteurs qui pourraient incarner les personnages qu'ils inventent.

«Nous ne faisons pas de distinctions entre les acteurs dramatiques et les acteurs de comédie, dit-il. George et Brad, par exemple, peuvent être aussi remarquables dans les deux genres. Dans le cas de ce film, nous avons pratiquement écrit tous les rôles en sachant d'avance qui allait les interpréter.»

À l'instar de Brad Pitt, John Malkovich, qui prête ses traits à un analyste souhaitant écrire ses «mémoires» après avoir été cavalièrement congédié par la CIA, fait aussi son entrée dans l'univers des frères Coen.

«Il est toujours stimulant de travailler avec des gens de talent, affirme l'acteur. Je dirais même que cela est apaisant. Et comme ils sont deux à diriger, absolument rien n'est laissé au hasard. Quand les Coen tournent une prise, ils regardent vraiment ce qui se passe. Et croyez-moi, ce n'est pas le cas de tous les cinéastes. Eux, ils savent vous regarder. Vraiment.»

Chose certaine, les frangins assument parfaitement le caractère moins substantiel et purement ludique de leur nouvel opus. «On a demandé au compositeur Carter Burwell de livrer une partition musicale à l'image du film: surfaite et parfaitement insignifiante!» dit Joel.

La carrière de Burn After Reading, qui a ouvert le Festival de Venise, n'est même pas encore amorcée que les Coen en sont déjà à leur prochain film. A Serious Man, dont la tête d'affiche est Richard Kind, a un caractère autobiographique dans la mesure où le récit est campé au Minnesota, l'État où les Coen ont grandi. «Mais au-delà de ça, nous n'y racontons pas notre vie!»