Simon Lavoie comprend la réaction des Québécois qui, à l'époque de la conscription, pendant la Seconde Guerre mondiale, ont ouvertement démontré leur opposition à l'envoi de troupes au front.

«Pour les Canadiens français, les motifs de cette guerre étaient très abstraits, ils ne se sentaient pas concernés. Aujourd'hui, on réalise que c'était légitime d'aller combattre Hitler.»

Le jeune réalisateur originaire de Petite-Rivière-Saint-François, dans Charlevoix, est un féru d'histoire. C'est à la lecture d'un essai d'André Laurendeau, La crise de la conscription, 1942, qu'il a eu l'idée d'écrire le scénario du Déserteur.

 

Le chef du Bloc populaire relatait la mort par balle d'un jeune déserteur de l'armée canadienne, Georges Guénette, abattu lors d'une poursuite à pied avec des policiers fédéraux, dans un champ de Saint-Lambert-de-Lévis, sur la Rive-Sud de Québec.

 

 

Ce fait divers qui avait fait grand bruit, avec une mort violente récupérée par la classe politique, était porteur d'une matière brute de choix pour permettre à Lavoie de mener à bien son premier long métrage.  Le cinéaste de 29 ans s'était fait connaître avec Une chapelle blanche, gagnant du Jutra du court métrage en 2005.

 

«Cette bavure policière mettait un visage sur ce fameux mensonge du gouvernement libéral (d'Adélard Godbout) qui se présentait comme un rempart contre toute forme de conscription», explique le cinéaste, rencontré en fin d'après-midi, hier, à quelques heures de la première de son film. Pour l'occasion, une quarantaine d'amis et de membres de sa famille s'étaient déplacés dans la capitale.

 

Le déserteur (à l'affiche vendredi) est librement inspiré de l'histoire de Georges Guénette, un jeune homme sans histoire de 24 ans, devenu après sa mort le symbole politique d'une crise qui isolait le Québec du reste du Canada. En avril 1942, les Québécois avaient rejeté à 71,2 % un référendum sur la conscription obligatoire. Les huit autres provinces avaient répondu par l'affirmative à 63,7 %. Qu'importe l'opinion du Québec, la conscription avait été décrétée à travers le pays...

 

Le cas de Georges Guénette, l'un des 4000 Québécois qui ont déserté l'armée, en plus des 16 000 autres qui auraient trouvé différents stratagèmes pour ne pas être enrôlés, est d'autant plus symbolique que sa classe sociale a joué pour beaucoup dans la décision du gouvernement de l'envoyer de force au front. «Ses parents, des cultivateurs, étaient dans une sorte de zone d'ombre au sujet de la Loi sur la mobilisation des effectifs, raconte le cinéaste. Ils ne possédaient pas assez de terres pour être considérés comme des travailleurs essentiels (à l'effort de guerre), donc leur fils ne pouvait pas être exempté.

 

«Je n'aurais pas agi autrement que lui dans le contexte de l'époque, ajoute-t-il. Georges Guénette n'était pas politisé, ce n'était pas un objecteur de conscience. Il ne voulait pas abandonner ses parents.»

 

C'est un journaliste venu faire enquête sur la mort de Guénette (Benoit Gouin) qui se pose dans Le déserteur en témoin de cette époque tumultueuse. Dixit ce personnage : «Les gens ici commencent à être tannés des martyrs. Ils commencent à vouloir des héros.»

 

«Au début, le journaliste croit avoir affaire à un scandale juteux. À la fin, il s'aperçoit que les choses sont plus compliquées. Cette mort n'a finalement pas eu la signification qu'elle aurait pu avoir», termine Lavoie.