«Je me battrai jusqu'à la mort pour qu'aucun autre auteur ne subisse ce que je vis», affirme le cinéaste français Pierre Etaix, dont les oeuvres burlesques, tournées dans les années 60 et admirées dans le monde entier, sont invisibles en raison d'un imbroglio juridique.

La justice a débouté vendredi Pierre Etaix et son co-auteur Jean-Claude Carrière, qui souhaitaient restaurer et exploiter non commercialement les cinq films tournés par M. Etaix de 1963 à 1970.

Dans une action juridique lancée en décembre 2007, tous deux contestent le contrat de cession de droits de leurs films, détenu par la société Gavroche Productions, laquelle n'a jamais exploité ces longs métrages.

Tout en soulignant «l'importance pour le patrimoine cinématographique français des oeuvres en cause», le juge a estimé qu'une telle autorisation devait attendre la décision sur le fond de l'affaire, au printemps.

Pour Pierre Etaix, dont le court métrage «Heureux anniversaire», co-signé avec Jean-Claude Carrière, a remporté un Oscar en 1963, c'est «inadmissible».

«J'avoue que je suis accablé, parce que mes films ne peuvent être ni restaurés, ni exploités, alors que des millions de gens les attendent et qu'ils font partie du patrimoine national», a-t-il déclaré à l'AFP.

 «J'ai 80 ans, ils savent pertinemment que je n'ai rien d'autre pour vivre, c'est épouvantable. Je le vis très mal», a ajouté M. Etaix, l'un des maîtres du cinéma comique français, aussi clown et dessinateur, grand ami de Jerry Lewis, et qui collabora avec Jacques Tati.

«La justice ne bouge pas, je me désespère, mais je me battrai jusqu'à la mort pour qu'aucun autre auteur ne subisse ce que je vis».

Ce refus du tribunal est d'autant plus incompréhensible, selon son avocat Pierre Reynaud, que le cinéaste «ne demandait que le droit de sauvegarder son oeuvre» et avait trouvé un partenaire.

La fondation Thomson propose en effet de restaurer à ses frais les négatifs de quatre longs métrages, «Le soupirant», «Tant qu'on a la santé», «Le grand amour» et «Le pays de Cocagne». Seul «Yoyo» a à ce jour été restauré par un autre mécène, la Fondation Groupama GAN.

De leur côté, les distributeurs Wild Side et Carlotta ont fait des «offres fermes» pour exploiter les films, et la chaîne Arte souhaite les diffuser lors d'une rétrospective consacrée au cinéaste, selon Me Reynaud.

«Il y a aussi une vraie demande à l'international, au Japon, en Australie et aux Etats-Unis», a précisé Odile Etaix, épouse du cinéaste.

Mise en ligne sur le site lesfilmsdetaix.fr, une pétition a recueilli près de 19.000 signatures, dont celles de Woody Allen et David Lynch.

Le monde du cinéma belge s'est mobilisé le 18 novembre lors d'une soirée de soutien organisée au théâtre de la Toison d'or à Bruxelles.

Les organisateurs de celle-ci, le journaliste Nicolas Crousse et l'artiste Véronique Navarre, espèrent rassembler le 7e Art français lors d'un événement du même type à Paris, «d'ici le printemps», pour sauver une oeuvre «en état de mort artistique».

Objet du litige, le contrat proposé à Pierre Etaix par son ancienne avocate, Me Francine Wagner-Edelman, cédait à Gavroche Productions, gérée par Alain Wagner, frère producteur de l'avocate, les droits exclusifs de restauration, de représentation et d'exploitation des cinq films pour le monde entier.

M. Etaix espère prouver la nullité d'un document qui, selon lui, aurait été falsifié, des clauses manuscrites y ayant été ajoutées après signature.