La Palme d'or du Festival de Cannes 2008 arrive sur les écrans vendredi. Entre les murs, qui a valu à la France sa première palme en 21 ans, plonge le spectateur dans un collège parisien difficile et plus précisément dans une classe de ce collège. Une classe multiethnique, animée par un professeur idéaliste, qui croit à des rapports égalitaires avec ses élèves, mais qui se trouve confronté aux limites de sa vision...

Les films sur les classes difficiles, dirigées par des professeurs inspirants, on en a vu quelques-uns. Pensons récemment à Freedom Writers avec Hillary Swank, et puis L'esquive d'Abdellatif Kechiche. Mais si Entre les murs existe aujourd'hui, c'est un peu en réponse au film Le cercle des poètes disparus (Peter Weir, 1989).

«Mon personnage de professeur est à l'opposé de celui incarné par Robin Williams. J'ai été un peu agacé par ce prof qui est un maître à penser, qui ne se trompe jamais. Je voulais un professeur qui improvise un peu et qui se trompe parfois et qui n'est pas aussi parfait qu'on pourrait le souhaiter dans un scénario», explique le réalisateur Laurent Cantet depuis Montréal, où il a fait escale cette semaine afin de soutenir son film. Tout le film de Cantet est bâti sur la complexité, les contradictions et les faiblesses. Celles des élèves comme celles du professeur et de ses collègues. Et même celles des parents des élèves, que l'on voit défiler devant le professeur et qui lui font part de leurs ambitions pour leurs enfants ou qui se permettent de lui donner des leçons de psychologie.

«Je voulais montrer combien l'école est chargée de missions par tout le monde. Chacun se décharge de certaines responsabilités, comme si l'école devait régler tous les problèmes de la société. On en demande trop à l'école, je pense.» Entre les murs est une adaptation d'un roman de François Bégaudeau, ex-enseignant converti à l'écriture, qui incarne le professeur du film. Les élèves et les professeurs du collège sont réellement élèves et profs dans le collège et ils donnent l'illusion de jouer leur propre rôle. «Mais ils jouent des personnages. Certains sont très proches de ce qu'ils sont dans la vie, d'autres très loin. Les identités nouvelles se sont construites grâce au temps que nous avons passé ensemble. Trois heures par semaine, on improvisait sur des sujets proches du film (pas les sujets du film parce que je voulais garder une spontanéité). J'ai appris à les connaître et je les ai poussés dans une direction ou une autre», se souvient le réalisateur.

Relation égalitaire

Laurent Cantet a l'habitude de travailler avec des non-professionnels. Il aime que ses films soient enrichis de l'expérience réelle de ceux qui les incarnent. Dans le cas précis d'Entre les murs, il est convaincu que tout a l'air plus vrai justement parce qu'il n'y a pas d'acteurs professionnels. «Souvent, les adolescents se font croire qu'ils sont acteurs et ils surjouent. Là, on n'a pas ce problème. L'énergie était la chose la plus importante à retrouver et ça ne s'appuie pas forcément sur la technique. On a tourné avec trois caméras, des scènes très longues, et les jeunes vivaient la scène sans être dans le calcul de l'image qu'ils donnaient d'eux-mêmes.» Le professeur du film tente d'établir une relation égalitaire avec ses élèves, il tente de développer leur sens critique, mais il a du mal avec la discipline, qu'il voit comme écrasante. Or, les comportements des élèves le confrontent souvent à ses idéaux. D'autre part, il est placé devant beaucoup d'ignorance, heureusement compensée par la curiosité. «Il faut se méfier de notre sentiment que nous en savions plus qu'eux à leur âge. Ils ont toujours une ouverture d'esprit, une intelligence. Le film est fait aussi en réaction au réflexe stigmatisant que nous avons face à cette génération. J'ai eu envie de leur rendre justice. Ils ont une ouverture d'esprit plus grande que la mienne à leur âge. J'ai fréquenté un lycée en province avec des petits Blancs de la classe moyenne. Eux, ils sont confrontés à des regards et des réactions très différents et c'est plus formateur que l'uniformité dans laquelle j'ai vécu mon adolescence.» Pour Laurent Cantet, la classe d'Entre les murs est devenue le microcosme de notre société. Dans les rapports qui s'établissent visà-vis du savoir, de la discipline ou de la communauté, cette classe nous en dit beaucoup sur le monde d'aujourd'hui.