En collaborant au thriller psychologique Martyrs, le jeune producteur québécois Simon Trottier a pris un risque immense: ce film du Français Pascal Laugier a suscité débats et controverses à Paris, peut-être davantage par ses propos dérangeants que par ses effets gore. Comment cette oeuvre controversée sera-t-elle reçue chez nous?

«Martyrs est une production 60 % française et 40 % canadienne, raconte Simon Trottier, cinéphile et homme d'affaire intéressé par les projets audacieux. Un scénario comme celui de Martyrs, proposé aux institutions, peut faire penser qu'on est des maudits malades et qu'il faudrait appeler la police.

«En France des gens sont descendus dans les rues, il y a eu des pétitions, les groupes féministes ont monté le ton, même la ministre de la Culture s'en est mêlée. Je me suis arrangé pour faire une belle présentation aux institutions canadiennes. Je l'ai proposé comme un film commercial, un film qui a déjà voyagé. Les frères Weinstein l'ont acheté et le film sortira en mars aux États-Unis.»

Martyrs, récemment applaudi au festival de Toronto, raconte l'épouvantable histoire de deux jeunes femmes kidnappées et enfermées dans un sous-sol lugubres où elles subiront les pires sévices (pas de nature sexuelle). Échappées, elles chercheront naturellement à se venger de leurs ravisseurs qui font partie d'une étrange secte ultra-catholique aux desseins abominables.

«C'est ce que je trouvais intéressant dans ce projet, explique Trottier. Ce n'est pas l'histoire d'un maniaque qui s'introduit dans un chalet pour tuer des adolescents qui font la fête. Il y a beaucoup de détresse et de tristesse dans Martyrs, et il y a un propos. Je crois aux films qui se démarquent des autres, par leur audace, leur contenu, leur message.»

Puisqu'il s'agit d'un film dit «de genre», Trottier a dû fournir des efforts pour séduire les distributeurs canadiens, les gens de Téléfilm Canada qui ne voient pas nécessairement d'un bon oeil les productions horrifiques.

«Il faut continuellement se battre contre le système. Martyrs est à la fois un film de genre et un film d'auteur. Il y a un public pour ça. Martyrs a été encensé partout sur l'internet et dans les magazines spécialisés: Mad Movies, Fangoria, Rue Morgue. C'est un film choquant, forcément, puisque ça veut choquer. C'est déjà un succès estimable pour un film anti-grand public.»

C'est au contact de gens respectés de l'industrie du cinéma français, le producteur Richard Grandpierre (producteur qui, entre autres, a donné des sous pour le désormais classique Irréversible de Gaspar Noé) et le cinéaste Mathieu Kassovitz (sur les plateaux du discutable Babylone A.D.) et après avoir rencontré quelques bonzes à Cannes que Trottier a choisi de faire, avec sa petite boîte TBC Film, dans la coproduction internationale.

«Martyrs a été entièrement tourné au Québec. L'équipe de tournage canadienne a vraiment travaillé très fort, avec un budget réduit de 6 millions pour un film ambitieux qui aurait pu coûter 15 millions. On a eu la participation d'acteurs et d'actrices québécois. Patricia Tulasne, Robert Toupin, Catherine Bégin et beaucoup d'autres.»

On ne sait pas encore si ce Martyrs fera scandale chez nous. Mais on souhaite à ce film dérangeant une jolie carrière et un peu de scandale. «Au festival de Toronto, une spectatrice a vomi, un spectateur est tombé sans connaissance», se souvient le producteur. Voilà une jolie rumeur et une excellente publicité pour un film qui devrait faire jaser!

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Martyrs, réservé aux 18 ans et plus, est présentement à l'affiche.