Si David La Haye n'est plus souvent à l'écran, c'est qu'il passe beaucoup de temps à Los Angeles, où il travaille sur sa carrière de producteur. Un nouveau rôle qui a bien failli lui coûter sa chemise.

David La Haye conduit une moto Honda VTR 1000 FireStorm Super Hawk 2003 qui lui permet de zigzaguer sans perdre une seconde dans la circulation dense de Los Angeles.

«J'arrive toujours le premier à mes rendez-vous, dit-il. Mais ça peut être dangereux. À L.A., les motocyclistes se font appeler les donneurs d'organes. Ça te donne une idée.»

Calé dans un sofa de cuir au fond du Caffe Primo, café branché de Sunset Boulevard, David La Haye parle avec enthousiasme de sa vie en Californie. Ça fait huit ans que l'acteur-producteur vit entre L.A. et Montréal, quand il n'est pas en voyage en Asie ou en Europe. Sur la table devant lui se trouve un ordinateur portable, un agenda électronique et un cellulaire qui sonne toutes les deux minutes: tout ce dont il a besoin pour piloter sa boîte de production, Aviva Communications, qui a pignon sur rue boulevard Saint-Laurent, à Montréal.

«Que je sois à Paris, Londres ou Los Angeles, ça ne change rien. Mon travail est de rencontrer des gens et de faire des contacts. Je vis dans mes valises. C'est comme ça depuis des années.»

Ces jours-ci, La Haye et ses collègues ont du pain sur la planche. Aviva Communications travaille sur le financement du long métrage Til Snow Turns Into Ashes, du réalisateur Charles-Olivier Michaud. La boîte produit aussi des vidéoclips pour Catherine Durand, Inward Eye, Creature et Emmanuel, en plus d'assurer la coproduction, avec Sogestalt Télévision (Spectra), d'une série de 13 épisodes sur la famille baptisée Familjen, une idée de Richard Martineau, réalisée par Sophie Lambert.

Un carnet de commandes dont La Haye est fier. Les cinq dernières années dit-il, ont été les plus éprouvantes de sa vie.

«Aujourd'hui, les choses vont bien, c'est excitant. Mais ce que j'ai vécu, je ne le souhaite pas à mon pire ennemi. Je ne suis plus le même gars à cause de ça. C'est sûr.»

Si La Haye a été largement absent à la télé et au grand écran ces dernières années, c'est parce qu'il était occupé à faire ses armes comme producteur. Au printemps 2004, il a fondé Aviva Communications, qui avait pour but de promouvoir les jeunes talents québécois. «Mon idée était d'aider les jeunes avec du talent à faire leur place», dit-il.

Avec deux associés, La Haye a produit des vidéoclips et des courts métrages, dont plusieurs ont été primés dans les concours internationaux.

En 2005, au retour d'un voyage d'affaires, ses deux associés lui annoncent qu'ils quittent la compagnie. Petit à petit, La Haye découvre que les budgets de diverses productions ont été défoncés durant son absence. À la fin de l'année, la compagnie de La Haye se retrouve avec 50 000 $ de dettes et n'a plus de liquidités.

«Je suis un gars cool. Mais de me faire fourrer comme ça, ça m'a frappé en plein visage, dit-il. J'ai vu rouge.»

Pris à la gorge, et harcelé par ses créanciers et par ses collaborateurs à qui il doit de l'argent, La Haye songe à faire faillite. À la dernière minute, un ami lui recommande d'aller voir ses créanciers et de négocier. La Haye a pilé sur son orgueil et a discuté avec ses fournisseurs. Ils ont tous accepté de l'aider.

«Depuis 2004, je travaille sept jours sur sept pour maintenir le bateau à flot. Aujourd'hui, je peux affirmer haut et fort que j'ai réussi à traverser la tempête.»

Depuis sa mésaventure, La Haye s'est associé avec Philipe Chabot, un jeune producteur de 28 ans pour qui il n'a que des éloges («C'est un génie!» dit-il.) Aviva compte aujourd'hui cinq employés.

Si La Haye passe beaucoup de temps à L.A., c'est pour tisser des liens avec de gros joueurs de l'industrie. Et tenter d'obtenir du financement privé, chose difficile à accomplir à Montréal.

«Los Angeles est une ville bipolaire, dit La Haye. Tu as les gens les plus talentueux et les plus créatifs au monde. Et tu as des gens qui n'ont absolument aucun talent, mais qui veulent faire leur place. Il faut faire la différence entre les deux. Ce n'est pas toujours simple. Aujourd'hui, je suis capable de m'y retrouver...»

L'idée d'être dans la capitale du divertissement est de transiger directement avec les «numéro un» mondiaux. Un réflexe que bien des Québécois n'ont pas, note-t-il. «Si un Québécois écrivait un Slumdog Millionaire, pourquoi moi je ne pourrais pas le vendre à Los Angeles? Toute la planète est ici. Il y a autant d'acteurs francophones dans le SAG (le syndicat des acteurs américains, à Hollywood) qu'il y a de membres dans l'Union des artistes! Je veux dire, tout se fait ici, le meilleur comme le pire...»

Maintenant que sa compagnie est à nouveau sur les rails, La Haye espère recommencer à jouer à la télé et au cinéma. Mais le presque naufrage de sa boîte de production l'a changé en profondeur, et cela va inévitablement se refléter dans son jeu.

«Mon expérience en affaires a fait de moi un gars plus solide, plus assuré. J'ai développé mon côté business. Aujourd'hui, j'ai envie de jouer des rôles d'hommes fonceurs. Les hommes perdus, qui se cherchent, disons que ça m'intéresse moins. Je ne suis plus là.»