Le cinéma de Robert Rodriguez se module sur plusieurs registres. Flanc Sin City, un cinéma de genre qui ne dédaigne pas la violence et l'humour outrancier. Flanc Spy Kids, des productions à vocation familiale habituellement riches en effets spéciaux. Shorts est né d'une idée qu'a eue son fils de 6 ans...

Certains cinéastes n'hésitent pas à harmoniser leur démarche artistique avec leur vie familiale et personnelle. La semaine dernière, Robert Schwentke a déclaré s'être lancé dans la réalisation de The Time Traveler's Wife pour offrir un «beau film d'amour» en cadeau à sa bien-aimée. Le papillon bleu et Kit Kittredge: An American Girl étaient spécifiquement destinés aux fillettes de Léa Pool et Patricia Rozema. Robert Rodriguez, lui, consacre un pan entier de son oeuvre à sa progéniture. Père de cinq enfants, il n'hésite d'ailleurs pas à monter des projets à partir d'idées que lui soumettent ses rejetons.


«À table, on parle beaucoup de cinéma, a raconté l'auteur cinéaste au cours d'une rencontre de presse tenue à Los Angeles. Mes enfants me soumettent des idées. Que je rejette habituellement d'emblée! Mais parfois, ce qu'ils me racontent m'inspire assez pour essayer de faire en sorte qu'un film puisse naître à la suite de nos conversations.»


The Adventures of Sharkboy and Lavagirl in 3-D était une idée de son fils Racer. Celle de Shorts (La pierre magique en version française) vient de son fils Rebel, âgé de 6 ans.


«Rebel aimait le concept de The Little Rascals, a précisé Rodriguez. Je crois qu'il apprécie particulièrement le fait que les enfants de cette série soient des enfants comme lui, à qui il arrive des choses extraordinaires. Il m'a ainsi parlé d'une pierre magique qui permettrait à celui qui la possède de réaliser tous ses souhaits. Dans son esprit, il se voyait déjà avec une provision de chocolat pour la vie!»


À partir de ce point de départ, le réalisateur de Spy Kids a capitalisé sur ce fantasme commun à plusieurs enfants, y compris lui-même quand il était gamin: voir se concrétiser instantanément le moindre de ses désirs, généralement de nature plus matérielle que philosophique. En extrapolant, le cinéaste s'est mis à imaginer le chaos découlant du passage de la précieuse pierre d'un enfant à l'autre, et, surtout, de leurs parents...


«En fait, même les adultes sont des enfants dans cette histoire», a fait remarquer James Spader, l'interprète de M. Black, directeur de Black Box Industries, l'entreprise phare de la communauté où vivent les protagonistes du film. Dans cette entreprise fabriquant des gadgets aux possibilités infinies, la présence de la fameuse pierre magique dans les parages aura tôt fait de remettre bien des choses en question. Et de lancer les adultes, qui travaillent tous sous la direction du tyrannique directeur, dans une compétition effrénée pour tenter d'améliorer leurs produits, à défaut de quoi un licenciement les attend.


«Il m'importait de raconter cette histoire de façon fragmentée, à travers les yeux des enfants», a expliqué Rodriguez.


Le récit se concentre ainsi sur quelques familles, mais un jeune garçon sert de lien entre toutes. Souffre-douleur de son école, pris particulièrement à partie par la fille de Black et ses acolytes, Toe Thompson (Jimmy Bennett) se retrouve par hasard en possession de la fameuse pierre. Et souhaite notamment avoir des amis fidèles, «uniques et intelligents comme lui». L'apparition d'extraterrestres ne constitue que l'un des éléments outranciers d'un récit qui mise aussi sur la drôlerie découlant de la vue de certaines choses dégoûtantes. À cet égard, Rodriguez a fait appel à l'entreprise québécoise Hybride pour la création de certains effets visuels.


De bonnes installations


Pour le reste, l'auteur cinéaste a tout fait chez lui, à Austin au Texas, où il a progressivement monté au fil des ans son propre studio de cinéma. Rodriguez est d'ailleurs l'un des rares - sinon le seul - à avoir réussi l'exploit de faire fonctionner un vrai studio sans y perdre sa chemise, ou à devoir se lier impérativement à un grand studio hollywoodien.


«À cause de la récession, les grands studios m'appellent car ils veulent utiliser mes installations! Notre modèle d'affaires n'engendre pas de dépenses extravagantes. De mon côté, cela me permet de conserver ma liberté d'action, et de tourner ce que je veux quand je veux. Et puis, je mets toute ma famille à contribution. Je ne compte plus les Rodriguez dans les génériques de mes films!»


Robert Rodriguez s'attarde présentement à tourner Machete, un film doté d'une distribution éclectique (Robert De Niro, Steven Seagal, Jessica Alba, Lindsay Lohan, Don Johnson), s'inscrivant d'emblée dans ses productions destinées aux adultes. Il s'agit, en fait, d'un long métrage inspiré par la fausse bande-annonce qu'il avait réalisée pour Grindhouse, un projet conjointement réalisé avec Quentin Tarantino.


«Pour ne pas le dénaturer, je tiens à tourner ce film très rapidement, a expliqué l'auteur cinéaste. On ne compte en tout que 14 jours de tournage. Je n'ai pas fait cela depuis El Mariachi. Si vous avez aimé la fausse bande-annonce, vous allez adorer le film!»


Shorts peut aussi compter sur une distribution solide. Outre James Spader, William H. Macy, Leslie Mann et John Cryer en sont les têtes d'affiche.


«Je n'ai habituellement aucune difficulté à recruter de grands acteurs dans mes films à caractère familial, a indiqué l'auteur cinéaste. Parce qu'ils sont heureux de pouvoir prêter leur talent à des films que leurs enfants pourront enfin voir!»

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Shorts
(La pierre magique en version française) prend l'affiche le 21 août.

Les frais de voyage ont été payés par Warner Bros. Pictures.