La scénariste Diablo Cody a fait l'unanimité avec Juno. Tout le monde a aimé. Avec Jennifer's Body, elle sait que les réactions seront partagées. Et elle aime cette idée. Tête à tête avec une femme qui est à l'image de ses écrits: à mille lieues de la banalité.

«L'enfer est une adolescente.» Ces mots ouvrent Jennifer's Body, le long métrage réalisé par Karyn Kusama (Girlfight, Aeon Flux) à partir du scénario de Diablo Cody - qui a commencé à écrire un roman d'horreur «qui a évolué en un scénario et en quelque chose de plus bizarre que de l'horreur pure et simple», a raconté la scénariste lors d'une entrevue accordée à La Presse pendant son passage au Festival international du film de Toronto.

Le film met en vedette Megan Fox (voir autre texte) et Amanda Seyfried dans les rôles de Jennifer et Needy, deux meilleures amies... qui n'ont rien en commun sinon qu'elles se connaissent depuis la petite enfance et fréquentent maintenant la même école secondaire. La première, bombe sexuelle cool. La seconde, timide et insécure. Drôle de couple. Qui devient encore plus particulier après que Jennifer soit possédée par un démon. À partir de là, l'appétit de l'adolescente pour la gent masculine doit être pris au pied de la lettre.

Oui, on est loin de l'univers de Juno, le premier scénario de Diablo Cody, celui qui l'a propulsée au rang des auteurs en vue puisqu'il lui a rapporté un Oscar. «Mais regarde-moi, tout ça, les cérémonies, les tapis rouges... ça ne me ressemble pas», pouffe la jeune femme vêtue d'un jean et d'un t-shirt laissant apparaître ses tatouages. «Je ne suis pas devenue quelqu'un de sérieux, je n'ai jamais été sérieuse et je pense que je ne le serai jamais. Je suis du genre à écrire des comic books ou... des films d'horreur.»

Parce qu'elle est fan de ces genres-là. En fait, même si elle assure que le personnage de Juno lui ressemble plus que celui de Jennifer, c'est Juno, le film, qui, à ses yeux, est un accident de parcours. Un bel accident, s'entend. Qui lui a permis de faire entendre sa voix, d'afficher son amour pour la culture pop et d'exposer son intelligence de l'adolescence.

On retrouve tout cela dans Jennifer's Body - mais sur un tout autre ton - et peut-être que cela ne se reproduira plus: «Je ne voudrais pas que ça devienne une signature.»

Mais, bon, les deux scénarios ont été écrits coup sur coup et, dans les deux cas, le naturel s'est imposé. «J'ai vendu le script de Juno et tout à coup, je n'avais plus rien à faire, je me suis retrouvée avec beaucoup de temps libre», affirme celle qui dit n'avoir qu'un talent, celui d'écrire. Elle est donc retournée à son clavier. Jennifer's Body était bien avancé, sinon terminé, quand la folie Juno s'est déclenchée.

Elle n'a donc pas (encore) connu les affres de la pression. Et elle ne semble pas en être victime par les temps qui courent, alors que son nouveau film est très attendu: «J'ai eu l'expérience «tout le monde aime» avec Juno, et c'était plaisant. Mais Jennifer's Body est un film polarisateur, je le sais depuis les projections tests. Un film que certains vont beaucoup aimer et d'autres détester. Et je suis très fière de ça.»

Fière du ton de ce long métrage (elle en est aussi la productrice exécutive et sait combien elle est privilégiée d'avoir eu son mot à dire pendant toute la durée du processus): grande fan des films d'horreur contemporains, elle connaît «ce quelque chose de froid, de poli, d'aseptisé, de mécanique qui vient des effets spéciaux réalisés à l'ordinateur».

Elle souhaitait - et elle l'a obtenu - autre chose pour Jennifer's Body: «Une authenticité, de la chaleur et de la féminité.» Essentiels pour parler de «ces amitiés féminines, exclusives, passionnées et teintées de tensions sexuelles qui n'existent qu'à l'adolescence». D'où un certain baiser qui a beaucoup fait jaser dans la Ville reine.

On peut aussi entendre, entre les images et les lignes du film, une métaphore sur les désordres alimentaires qui frappent à l'adolescence; et une autre sur le pouvoir d'une sexualité qui émerge et qui est tout sauf contrôlée. «Les garçons sont des proies pour Jennifer... comme ils le sont pour beaucoup de filles de cet âge. C'est juste qu'elle amène cela à un autre niveau», explique Diablo Cody qui, à l'école secondaire, en a connu de «ces filles superbes, qui donnent aux autres une impression d'invisibilité ou peuvent vous écraser de leur langue acérée. Elles sont terrifiantes.»

Bref, l'enfer, c'est peut-être les autres, mais c'est surtout elles.

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Jennifer's Body (Le corps de Jennifer) prend l'affiche aujourd'hui.